Après le vote des premières lois constitutionnelle de février 1875 sur l’organisation du Sénat et des pouvoirs publics, Léon Gambetta (1838-1882), élu à Belleville, réclame un État laïque. L’idée choque les monarchistes et républicains conservateurs majoritaires de l’Assemblée nationale (c’est à dire du Sénat et de la Chambre des députés) qui votent la loi constitutionnelle de juillet 1875 établissant une République liée à l’Église catholique. Ce discours prononcé à Belleville ne doit pas être confondu avec le « Programme de Belleville » de 1869.
NB – L’usage du terme « laïque » au masculin fait référence à la laïcité. Il est souvent confondu avec l’usage de « laïc » qui désigne un non-clerc au masculin. Il faut donc évoquer une « République laïque » ou un « État laïque » en évitant absolument l’expression « État français » qui fait référence au régime de Vichy (1940-1944).

Léon Gambetta (1838-1882)
« Nous voulons que cette République française organisée par la concorde et l’union des bons citoyens, s’imposant également à tous, même à ceux qui n’en voulaient pas, ramène la France dans ses véritables traditions en assurant les conquêtes et les principes de 1789 et au premier rang de tous, le principe suivant lequel la puissance publique doit être affranchie dans son domaine et l’État doit être laïque.

J’entends par là un État qui au-dedans comme au dehors aura ce caractère éminemment civil, positif, humain, des principes contenus dans l’immortelle Déclaration des droits qui forme la base de notre droit public depuis quatre-vingts ans […]

Les affaires religieuses sont affaire de conscience et par conséquent de liberté. Le grand effort de la Révolution française a été pour affranchir la politique et le gouvernement du joug des diverses confessions religieuses. Nous ne sommes pas des théologiens, nous sommes des citoyens, des républicains, des politiques, des hommes civils : nous voulons que l’État nous ressemble et que la France soit la nation laïque par excellence.

C’est son histoire, c’est sa tradition, c’est son caractère entre tous les peuples, son rôle national dans le monde. Toutes les fois qu’on a agi autrement, toutes les fois qu’on l’a fait servir aux desseins d’une secte religieuse quelle qu’elle soit, elle a dévié, elle s’est déprimée et affaissée, et toujours de grandes chutes ont correspondu dans notre histoire à ces grandes erreurs. Ce que nous avons à lui demander c’est de prendre résolument parti pour elle-même, pour ses idées, pour son génie et pas plus qu’elle n’a voulu incliner vers la Réforme elle ne doit incliner vers l’ultramontanisme, nous continuons l’œuvre de nos pères, la Révolution française préparée par les hommes de la France du XVIIIe siècle, par la France de la raison, du libre examen […]

Mes chers concitoyens nous ne devons jamais laisser échapper l’occasion de nous expliquer sur les principes et les affaires de la démocratie républicaine, afin que ceux qui sont de bonne foi et qui ne nous connaissent pas apprennent quelle est notre pensée tout entière. Je […] le répète, ce que nous voulons c’est la liberté partout et en premier lieu la liberté de conscience assurée pour tous : mais avant tout, par-dessus tout, nous considérons que la mise en œuvre de la liberté de conscience consiste d’abord à mettre l’État, les pouvoirs publics en dehors et au-dessus des dogmes et des pratiques des différentes confessions religieuses, à mettre la France à l’abri aussi bien des empiètements du sacerdoce que de l’empire. C’est là le commencement et la fin de la liberté civile, qui engendre la liberté politique.»

Léon Gambetta, discours du 23 avril 1875 à Belleville.