Dans un discours prononcé le 26 septembre 1872 à Grenoble, Gambetta évoque les couches sociales nouvelles (il précisera ces termes en 1874 : « J’ai dit les nouvelles couches non pas les classes : c’est un mauvais mot que je n’emploie jamais ») sur lesquelles se fonde la République.

 » Que voulez-vous ? En France, on ne peut pas s’habituer, depuis quarante-cinq ans, dans certaines classes de la société, à prendre son parti, non seulement de la Révolution française, mais de ses conséquences, de ses résultats. On ne veut pas confesser que la monarchie est finie (que tous les régimes qui peuvent, avec des modifications différentes, représenter la monarchie, sont également condamnés). ( … ) On se demande, en vérité, d’où peut venir une pareille obstination. (…) N’ont-ils pas vu apparaître, depuis la chute de l’Empire, une génération neuve, ardente, quoique contenue, intelligente, propre aux affaires, amoureuse de la justice, soucieuse des droits généraux ?

Ne l’ont-ils pas vue faire son entrée dans les conseils municipaux, s’élever, par degrés, dans les autres conseils électifs du pays, réclamer et se faire sa place, de plus en plus grande dans les luttes électorales ? N’a-t-on pas vu apparaître, sur toute la surface du pays – et je tiens infiniment à mettre en relief cette génération nouvelle de la démocratie – un nouveau personnel politique électoral, un nouveau personnel du suffrage universel ? N’a-t-on pas vu les travailleurs des villes et des campagnes, ce monde du travail à qui appartient l’avenir, faire son entrée dans les affaires politiques ? N’est-ce pas l’avertissement caractéristique que le pays, – après avoir essayé bien des formes de gouvernement, – veut enfin s’adresser à une autre couche sociale pour expérimenter la forme républicaine ? (Oui ! oui ! Ovation prolongée) Oui! je pressens, je sens, j’annonce la venue et la présence, dans la politique, d’une couche sociale nouvelle qui est aux affaires depuis tantôt dix-huit mois, et qui est loin, à coup sûr, d’être inférieure à ses devancières. (Bravos)  »

Les petits propriétaires

 » La propriété, dont on nous présente comme les ennemis sans jamais justifier en quoi que ce soit cette calomnie, la propriété est à nos yeux le signe supérieur et préparateur de l’émancipation morale et matérielle de l’individu. Ce que nous demandons, ce qui se fait, ce qui est une loi sociale de démocratie, c’est que la propriété se divise et qu’elle aille à celui qui l’exploite et la féconde de tous ses efforts pour lui faire produire chaque jour davantage, à son avantage personnel, mais aussi au plus grand avantage social . Ce monde de petits propriétaires, de petits industriels, de petits boutiquiers a été suscité par le mouvement économique. (…) Une nouvelle couche sociale s’est formée, C’est elle qui, en arrivant à la fortune, à la notoriété, à la capacité, à la compétence, augmente la richesse, les ressources, l’intelligence et le nerf de la petite.  »

Source : GAMBETTA, Discours à Auxerre, l » juin 1874.