Propositions de paix du pape Benoit XV (1er août 1917)
«Tout d’abord, le point fondamental doit être qu’à la force matérielle des armes soit substituée la force morale du droit ; d’où un juste accord de tous pour la diminution simultanée et réciproque des armements, selon des règles et des garanties à établir, dans la mesure nécessaire et suffisante au maintien de l’ordre public en chaque État ; puis, en substitution des armées, l’institution de l’arbitrage, avec sa haute fonction pacificatrice, selon des normes à concerter et des sanctions à déterminer contre l’État qui refuserait soit de soumettre les questions internationales à l’arbitrage, soit d’en accepter les décisions.
Une fois la suprématie du droit ainsi établie, que l’on enlève tout obstacle aux voies de communication des peuples, en assurant, par des règles à fixer également, la vraie liberté et communauté des mers, ce qui d’une part, éliminerait de multiples causes de conflit, et, d’autre part, ouvrirait à tous de nouvelles sources de prospérité et de progrès.
Quant aux dommages à réparer et aux frais de guerre, Nous ne voyons d’autre moyen de résoudre la question, qu’en posant, comme principe général, une condonation condonation = terme juridique obsolète qui signifie remise mutuelle, en l’occurrence de territoires. entière et réciproque, justifiée du reste par les bienfaits immenses à retirer du désarmement ; d’autant plus qu’on ne comprendrait pas la continuation d’un pareil carnage uniquement pour des raisons d’ordre économique. Si, pour certains cas, il existe des raisons particulières, qu’on les pèse avec justice et équité.
Mais ces accords pacifiques, avec les immenses avantages qui en découlent, ne sont pas possibles sans la restitution réciproque des territoires actuellement occupés. Par conséquent, du côté de l’Allemagne, évacuation totale de la Belgique, avec garantie de sa pleine indépendance politique, militaire et économique, vis-à-vis de n’importe quelle puissance ; évacuation également du territoire français ; du côté des autres parties belligérantes, semblable restitution des colonies allemandes.
Pour ce qui concerne les questions territoriales, comme par exemple celles qui sont débattues entre l’Italie et l’Autriche, entre l’Allemagne et le France, il y a lieu d’espérer qu’en considération des avantages immenses d’une paix durable avec désarmement, les parties en conflit voudront les examiner avec des dispositions conciliantes, tenant compte, dans la mesure du juste et du possible, ainsi que Nous l’avons dit autrefois, des aspirations des peuples, et, à l’occasion, coordonnant les intérêts particuliers au bien général de la grande société humaine.
Le même esprit d’équité et de justice devra diriger l’examen des autres questions territoriales et politiques, et notamment celles relatives à l’Arménie, aux Etats balkaniques et aux territoires faisant partie de l’ancien royaume de Pologne, auquel, en particulier, ses nobles traditions historiques et les souffrances endurées, spécialement pendant la guerre actuelle, doivent justement concilier les sympathies des nations.»
Extrait de « L’exhortation à la paix de S.S. Benoît XV » , cité par E.-J. Chevalier et E. Marny, La Communauté humaine selon l’esprit chrétien, Fribourg, 1944.
Évolution de la position américaine pendant la Première guerre mondiale
1) La neutralité américaine.
«Le peuple des États-Unis est formé d’éléments originaires de nombreuses nations, et principalement de nations en guerre. Il est naturel et inévitable qu’il éprouve les sympathies et les désirs les plus différents en ce qui concerne l’issue de la guerre. Mais les divisions parmi nous seraient fatales à la paix de nos esprits et pourraient nous gêner sérieusement dans l’accomplissement du devoir qui nous revient en qualité de seule grande nation qui reste dans la paix, de seul peuple qui se tienne prêt à servir de médiateur impartial.»
Message du Président Wilson au Congrès, 19 août 1914
idem avec un autre découpage et traduction
« Mes chers compatriotes,
Je suppose que chaque homme sensé de ce pays s’est demandé au cours de ces dernières semaines troublées quelle influence la guerre européenne pourrait-elle avoir sur les États-Unis […]
Les Américains sont originaires de nombreuses nations et principalement de celles qui sont aujourd’hui en guerre. Il est naturel et inévitable qu’il existe parmi eux la diversité la plus extrême en ce qui concerne les questions […] posées par ce conflit […] Certains souhaiteront qu’une nation particulière l’emporte, d’autres en préféreront une autre. Il serait si facile d’exciter des passions dont l’apaisement serait au contraire chose ardue […] De telles divisions parmi nous seraient fatales à notre tranquillité d’esprit et pourraient sérieusement se placer en travers de notre devoir d’être une grande nation de paix et un peuple se tenant prêt à jouer un rôle de médiateur impartial […]
Dans ces conditions, j’ose donc employer le mot solennel d’« avertissement » […] Les États-Unis […] doivent être neutres tant en pensées qu’en actes ; nous devons poser un frein autant sur nos sentiments que sur chaque action qui pourrait être interprétée comme une préférence pour l’un des deux camps en lutte […] »
Woodrow Wilson, « Message sur la neutralité », 19 août 1914, traduction : B. Littardi, source : http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=65382&st=&st1=#axzz1hSWrdN4s consulté le 30 mars 2012.
2) La croisade.
«Nous n’avons pas de querelle avec le peuple allemand. Nous ne désirons ni conquêtes ni dominations. Nous ne sommes que l’un des champions des droits de l’homme […] La guerre actuelle de l’Allemagne contre le commerce est une guerre contre l’humanité ; c’est une guerre contre toutes les nations […] La neutralité n’est plus possible, ni désirable quand il y va de la paix du monde et de la liberté des peuples. Et la menace pour la paix et la liberté gît dans l’existence de gouvernements autocratiques, soutenus par une force organisée qui est entièrement entre leurs mains et non dans celles de leur peuple.»
Message du Président Wilson au Congrès, 2 avril 1917
idem plus complet avec un autre découpage et traduction
« […] La guerre actuelle de l’Allemagne contre le commerce est une guerre contre l’humanité ; c’est une guerre contre toutes les nations. Des navires américains ont été coulés et des vies américaines ont été perdues dans des circonstances qui nous ont profondément remués. Mais les navires et les citoyens d’autres nations neutres et amies ont été coulés et précipités dans les flots de la même manière. Aucune distinction n’a été faite. Le défi a été lancé à l’humanité tout entière. Chaque nation devra décider pour elle-même comment elle va le relever. Quant à nous […] notre mobile ne sera pas la vengeance […] mais seulement la revendication du droit […].
Nous ne souffrirons que les droits les plus sacrés de notre nation et de notre peuple soient ignorés et violés. Les griefs qui nous obligent à nous mettre en ligne en ce moment, ne sont pas des griefs ordinaires ; ils atteignent la source même de la vie humaine.
Avec un sentiment profond du caractère solennel, voire tragique, de la démarche que je suis train de faire et des graves responsabilités qu’elle entraîne, mais obéissant, sans hésitation, à ce que je considère comme mon devoir constitutionnel, je recommande au Congrès de déclarer que la conduite récente du gouvernement impérial allemand n’est, en fait, rien moins que la guerre contre le gouvernement et le peuple des États-Unis ; d’accepter officiellement la position de belligérant qui lui est ainsi imposée ; et de prendre des mesures immédiates, non seulement pour mettre le pays dans un état plus complet de défense, mais aussi pour exercer toute sa puissance et employer toutes ses ressources afin d’amener à composition le gouvernement allemand et, par là, de terminer la guerre.
Ce que cela implique est clair ; cela implique la coopération et l’entente les plus complètes avec les gouvernements actuellement en guerre avec l’Allemagne, et, comme conséquence, l’ouverture à ces gouvernements des crédits financiers les plus larges […].
La neutralité n’est plus ni possible, ni désirable quand il y va de la paix du monde et de la liberté des peuples. Et la menace pour la paix et la liberté gît dans l’existence de gouvernements autocratiques, soutenus par une force organisée qui est entièrement entre leurs mains et non dans celles de leur peuple […]. »
Message du président Wilson lu au Congrès des États-Unis d’Amérique le 2 avril 1917. Affiche officielle du gouvernement français, reproduite en fac-similé dans La guerre de 1914-1918 en Seine-et-Marne. Melun, Archives départementales, 1968, rapporté par André-Georges MANRY, Roger SÈVE, Textes historiques. 1914-1945. La première moitié du XXe siècle. Paris, Delagrave, 1970.
»
3. L’arrivée des Américains
«Ils passaient en files interminables, étroitement entassés dans des camions, les pieds en l’air, dans des poses extravagantes, chantant à tue-tête des airs de leur pays au milieu de l’enthousiasme des populations. Le spectacle de cette magnifique jeunesse d’outre-mer, de ces enfants de vingt ans tout rasés, éclatants de force et de santé sous le harnachement neuf, produisait un effet prodigieux. Ils faisaient avec nos régiments aux vêtements défraîchis, usés par tant d’années de guerre, dont les hommes amaigris, aux yeux creux illuminés d’un feu sombre, n’étaient plus que des paquets de nerfs tendus par la volonté d’héroïsme et de sacrifice, un contraste saisissant.»
J. de Pierrefeu, GQG, secteur I, roman, Albin-Michel, 1920.
La rupture diplomatique, en liaison avec la guerre sous-marine
«Depuis le 4 février, le gouvernement des États-Unis a rompu les relations diplomatiques avec l’Allemagne… Cet acte capital dans l’histoire de la guerre a été notifié au Congrès américain par un message que le président Wilson y a lu lui-même… Il a été motivé, par une note signée de M. Zimmermann, secrétaire d’État allemand aux Affaires Etrangères, et remise le 31 janvier à Washington…
Un mémoire annexe précisait… l’interdiction absolue de tout trafic maritime, à partir du ler février 1917, dans les eaux entourant la Grande-Bretagne, la France et l’Italie et dans la Méditerranée orientale. Les navires neutres qui navigueraient dans les eaux bloquées le feraient à leurs risques et périls et s’exposeraient au torpillage sans avertissement… L’Allemagne dénonçait ainsi les engagements solennels qu’elle avait pris à l’égard des États-Unis…
M. Wilson a déclaré que « si des vaisseaux américains, des existences américaines devaient être réellement sacrifiés par le commandement naval allemand, en contravention inconsidérée avec les accords justes et raisonnables du droit des gens et les commandements évidents de l’humanité », il reviendrait devant le Congrès demander qu’on lui donne l’autorité pour employer tous les moyens nécessaires à la protection des marins et des citoyens de la République… Dans ses instructions publiques à ses ambassadeurs, M. Wilson a laissé plus clairement entendre que si l’Allemagne exécutait sa menace contre le commerce neutre, l’Amérique lui déclarerait la guerre et il a demandé aux neutres de se joindre à lui dans son action. »
L’Illustration, 10 février 1917.
Seconde adresse inaugurale du président Wilson (5 mars 1917)
«Nous sommes un peuple mélangé et cosmopolite. Nous sommes de la race de toutes le nations en guerre; les courants de nos idées, comme ceux de notre commerce, vont et viennent rapidement, entre elles et nous, par toutes saisons. Dès son début, la guerre a inévitablement marqué nos esprits, nos industries, notre commerce, notre politique, notre action sociale. Rester indifférent ou indépendant était hors de question. Toutefois, nous avons toujours eu conscience de n’être pas parmi les acteurs de cette guerre, et ce sentiment, en dépit de nombreuses divisions, nous a plus étroitement liés les uns aux autres.
Nous avons souffert de graves torts sur les mers […] Comme certains outrages qui nous étaient faits étaient devenus intolérables, nous avons continué à montrer clairement que nous ne souhaitions pour nous-mêmes que ce que nous étions prêts à réclamer pour toute l’humanité : des relations loyales, équitables, et la liberté de vivre hors d’atteinte de toute injustice organisée […]
Nous ne désirons ni conquête, ni avantage; nous ne souhaitons rien de ce qui pourrait n’être obtenu qu’aux dépens d’un autre peuple. Nous avons toujours professé une intention désintéressée.»
Discours du président américain Wilson au Congrès, le 2 avril 1917
«La guerre actuelle de l’Allemagne contre le commerce est une guerre contre l’humanité : c’est une guerre contre toutes les nations. Des navires américains ont été coulés et des vies américaines ont été perdues dans des circonstances qui nous ont profondément remués. Notre mobile ne sera pas la vengeance ni l’affirmation de la force physique de notre pays, mais seulement la revendication du droit […]
Je recommande au Congrès de déclarer que la conduite récente du gouvernement impérial allemand n’est, en fait, rien moins que la guerre contre le gouvernement et le peuple des États-Unis ; d’accepter officiellement la position de belligérant qui lui est ainsi imposée,- et de prendre des mesures immédiates, non seulement pour mettre le pays dans un état plus complet de défense, mais aussi pour exercer toute sa puissance et employer toutes ses ressources afin d’amener à composition le gouvernement allemand et, par là, de terminer la guerre.
La neutralité n’est plus ni possible, ni désirable quand il y va de la paix du monde et de la liberté des peuples. Et la menace pour la paix et la liberté gît dans l’existence de gouvernements autocratiques, soutenus par une force organisée qui est entièrement entre leurs mains et non dans celles de leur peuple […]
Nous sommes heureux de combattre ainsi pour la paix définitive du monde, pour la libération de tous les peuples, sans en excepter l’Allemagne elle-même, pour les droits des nations, grandes et petites, et pour le droit de tous les hommes à choisir les conditions de leur existence et de leur obédience. La démocratie doit être en sûreté dans le monde. La paix du monde doit être établie sur les fondements éprouvés de la liberté politique.»
Le plan de paix en 14 points de Wilson
États-Unis, 1918
Le 8 janvier 1918, le président Wilson présente au Congrès américain un plan en 14 recommandations. Toutes tendent à une régulation des relations internationales reposant sur quatre principes: liberté égalité, sécurité et participation. La liberté sera reconnue à tous les peuples: liberté des mers, du commerce et liberté pour chaque nationalité de se constituer en un Etat Souverain et indépendant (Pologne, Serbie Hongrie). Le point 14 prévoit l’égale représentation de tous les Etats au sein d’une association générale des nations Il s’agit de mettre fin au directoire des grandes puissances qui, avant 1914, arbitrait les questions européennes. La sécurité collective sera garantie par des rencontres multilatérales assurant le triomphe du droit sur la force . Enfin, Wilson veut associer les opinions publiques à la conduite de la politique internationale. Les citoyens pourront se prononcer par référendum sur le sort des territoires contestés .
Les 14 points de Wilson (résumés)
1. Négociations de paix publiques. Fin de la diplomatie secrète.
2. Liberté de navigation maritime.
3. Liberté de commerce international : suppression des barrières économiques et égalité commerciale pour toutes les nations.
4. Limitation concertée des armements.
5. Règlement impartial des questions coloniales en tenant compte des intérêts des populations concernées.
6. Évacuation de la Russie et possibilité pour les Russes de choisir librement leur gouvernement.
7. Évacuation et restauration de la Belgique.
8. Libération du territoire français et retour de l’Alsace-Lorraine à la France.
9. Rectifications des frontières italiennes selon les limites des nationalités.
10. Autonomie de développement la plus large des peuples de l’Empire austro-hongrois.
11. Évacuation de la Roumanie, de la Serbie et du Monténégro. Libre accès à la mer pour la Serbie.
12. Souveraineté des portions turques de l’empire ottoman. Sécurité et autonomie de développement la plus large des peuples non turcs de l’Empire ottoman.
13. État polonais indépendant pour les populations d’origine polonaise avec libre accès à la mer.
14. Création d’une Société des nations.
14. Création d’une association des nations pour garantir l’indépendance et les frontières des États.
D’après Woodrow Wilson, «Speech on the Fourteen Points», Archives du Congrès, 2e session, 1918.
Citations des «Quatorze Points» de Wilson
Dans un message au Congrès, le 8 janvier 1918, le président Wilson (président des États-Unis) rend publics ses buts de guerre, neuf mois après la décision d’intervention.
« C’est donc le programme de la paix du monde qui constitue notre programme. Et ce programme, le seul possible selon nous, est le suivant :
1. Des conventions de paix, au grand jour, préparées au grand jour…
2. Liberté absolue de navigation sur mer, en dehors des eaux territoriales…
3. Suppression, autant que possible, de toutes les barrières économiques et établissement de conditions commerciales égales pour toutes les nations…
4. Échange de garanties suffisantes que les armements de chaque pays soient réduits au minimum compatible avec la sécurité intérieure.
5. Accords librement débattus sur toutes les revendications coloniales, fondé sur la stricte observation du principe que… les intérêts des populations en jeu pèseront d’un même poids que les revendications équitables du gouvernement dont le titre sera à définir.
6. Évacuation du territoire russe tout entier et règlement de toutes questions concernant la Russie… en vue de donner à la Russie toute latitude, sans entrave ni obstacle, de décider, en pleine indépendance, de son propre développement politique et de son organisation nationale.
7. La Belgique doit être évacuée et restaurée…
8. Le territoire français tout entier devra être libéré et les régions envahies devront être rétrocédées ; le tort causé à la France par la Prusse en 1871 sur la question de l’Alsace-Lorraine, préjudice qui a troublé la paix du monde pendant près de cinquante ans, devra être réparé afin que la paix puisse de nouveau être assurée dans l’intérêt de tous.
9. Une rectification des frontières italiennes devra intervenir, conformément aux données clairement perceptibles du principe des nationalités.
10. Aux peuples d’Autriche-Hongrie, dont nous désirons voir sauvegarder et assurer la place parmi les nations, devra être accordée au plus tôt la possibilité d’un développement autonome.
11. La Roumanie, la Serbie et le Montenegro devront être évacués ; les territoires occupés devront être restitués ; à la Serbie devra être assuré un libre et sûr accès à la mer.
12. Aux régions turques de l’Empire ottoman actuel devront être garanties la souveraineté et la sécurité ; mais, aux autres nations qui sont actuellement sous domination turque, on devra garantir une sécurité absolue d’existence et la pleine possibilité d’un développement autonome ; quant aux Dardanelles, elles devront rester ouvertes…
13. Un État polonais indépendant devra être créé, qui comprendra les territoires habités par des populations indiscutablement polonaises, auxquelles on devra assurer un libre accès à la mer.
14. Il faut qu’une association générale des nations soit constituée… ayant pour objet d’offrir des garanties mutuelles d’indépendance politique et d’intégralité territoriale aux petits comme aux grands États. »
W. Wilson, message au Congrès, 8 janvier 1918
Le même texte, mais plus complet
Discours des quatorze points du Président Wilson (8 janvier 1918)
« Nous sommes entrés dans cette guerre parce que des violations du droit se sont produites qui nous touchaient au vif, et qui rendaient la vie de notre peuple impossible, à moins qu’elles ne fussent réparées, et que le monde ne fût une fois pour toutes assuré contre leur retour.
Ce que nous voulons, c’est que le monde devienne un lieu où tous puissent vivre en sécurité, … [un lieu sûr] pour toute nation qui désire vivre sa propre vie en toute liberté, décider de ses propres institutions, et être assurée que les autres nations la traitent en toute justice et loyauté, au lieu de se voir exposée à la violence et aux agressions égoïstes de jadis….
C’est donc le programme de paix dans le monde qui constitue notre programme. Et ce programme, le seul que nous croyons possible, est le suivant :
1. Des conventions de paix préparées et conclues publiquement; par la suite, il n’y aura plus d’accords secrets entre les nations, mais une diplomatie qui procédera toujours franchement et ouvertement, à la vue de tous.
2. Liberté absolue de navigation sur les mers, en dehors de eaux territoriales, aussi bien en temps de paix qu’en temps de guerre, sauf pour les mers auxquelles on pourrait interdire l’accès en partie ou en totalité, à la suite d’une action internationale ayant pour but l’exécution d’accords internationaux.
3. Suppression dans la mesure du possible de toutes les barrières économiques et établissement de conditions commerciales égales entre toutes les nations consentant à la paix et s’associant en vue de son maintien.
4. Échanges de garanties convenables que les armements de chaque pays seront réduits au seuil minimum compatible avec sa sécurité intérieure.
5. Arrangement librement débattu, dans un esprit large et tout à fait impartial, de toutes les revendications coloniales et fondé sur l’observation stricte du principe selon lequel, dans le règlement de toutes les questions de souveraineté, les intérêts des populations intéressées pèseront d’un même poids que les revendications équitables dont il faut déterminer le titre.
6. Évacuation de tous les territoires russes et règlement de toutes questions concernant la Russie en vue d’assurer la meilleure et la plus libre coopération de toutes les autres nations pour accorder à la Russie toute la latitude, sans entrave ni obstacle, de décider en toute indépendance de son développement politique et de son organisation nationale, et pour lui assurer un accueil sincère dans la société des nations libres, sous les institutions qu’elle aura elle-même choisies et, plus qu’un simple accueil, toute aide dont elle aurait besoin et qu’elle désirerait recevoir.
7. La Belgique, tout le monde en conviendra, devra être évacuée et restaurée, sans aucune tentative visant à restreindre la souveraineté dont elle jouit au même titre que toutes les autres nations libres. Aucun geste isolé ne saurait contribuer autant que celui-ci à rendre aux nations la confiance en des lois qu’elles ont elles-mêmes établies, pour régir leurs relations réciproques.
8. Le territoire français tout entier devra être libéré et les régions envahies devront lui être remises. Le tort causé à la France par la Prusse en 1871 en ce qui concerne l’Alsace-Lorraine et qui a troublé la paix du monde pendant près de cinquante ans devra être réparé afin que la paix puisse de nouveau être assurée dans l’intérêt de tous.
9. Le rétablissement de la frontière italienne devra être effectué conformément aux données clairement reconnaissables du principe des nationalités.
10. Aux peuples de l’Autriche-Hongrie dont nous désirons voir sauvegarder et assurer la place parmi les nations, on devra accorder largement et au plus tôt la possibilité d’un développement autonome.
11. La Roumanie, la Serbie et le Monténégro devront être libérés; les territoires occupés devront être restaurés. La Serbie devra se voir accorder le libre et sûr accès à la mer et les relations envers les divers États balkaniques devront être définies à l’amiable, sur les conseils des Puissances et en fonction des nationalités établies historiquement.
12. On devra garantir aux régions turques de l’Empire ottoman actuel la souveraineté et la sécurité; aux autres nations qui se trouvent présentement sous la domination turque, on devra garantir une sécurité absolue de leur existence, et la possibilité pleine et entière de se développer d’une façon autonome, sans aucunement être molestés, devra leur être assurée. Les Dardanelles devront demeurer ouvertes de façon permanente comme passage libre pour les navires et le commerce de toutes les nations, sous la protection de garanties internationales.
13. Un État polonais indépendant devra être établi; il devra comprendre les territoires habités par les populations indiscutablement polonaises auxquelles on devra assurer le libre accès à la mer; on devra garantir par un accord international leur indépendance politique et économique aussi bien que leur intégralité territoriale.
14. Il faudra constituer une association générale des nations en vertu de conventions formelles visant à offrir des garanties mutuelles d’indépendance politique et d’intégralité territoriale aux grands comme aux petits États.
Extraits du message du président Thomas Woodrow Wilson au Sénat américain le 8 janvier 1918.
Plus jamais ça: création de la SDN
L’horreur de la première guerre mondiale avait convaincu de nombreux esprits que pour éviter une nouvelle catastrophe de ce type, il fallait organiser la paix à l’échelle mondiale et pour en assurer la perpétuité charger une organisation permanente de son établissement et de son maintien.
Les origines
Dès le XVe siècle, des hommes ressentent le besoin d’une organisation de maintien de la paix. Au XVIIIe et XIXe, des sociétés pour la paix se créent à New York, à Londres et à Genève. En 1892, on crée à Berne le Bureau international de la Paix qui reçut le prix Nobel de la paix en 1910.
En 1899 et 1907, deux conférences aboutissent à la création de la Cour d’arbitrage international de La Haye. C’est la première institution permanente destinée à assurer le maintien de la paix.
Le principal artisan de la création de la Société des Nations (SDN) est le Président américain Woodrow Wilson. Il fut seconder par Lord Robert Cecil, membre du cabinet britannique, Léon Bourgeois, ministre français et ancien Président du Conseil et par le général sud-africain J.C. Smuts.
Chronologie et choix
Dès janvier 1919, la conférence de paix, réunie à Versailles, élabore la charte fondamentale de la SDN.
14 février 1919 : le projet est achevé.
28 avril 1919 : on choisit Genève comme siège. Ce choix fut justifié par le rayonnement international acquis par la cité au cours des siècles et son appartenance à la Suisse, pays neutre.
Retour à l’isolationnisme américain
« […] Les États-Unis ne s’engagent pas à préserver l’intégrité territoriale ou l’indépendance de quelque nation que ce soit, par l’emploi de leur force militaire ou navale, leurs ressources […] ou à intervenir dans les controverses entre nations […].
Les États-Unis se réservent le droit exclusif de décider quelles questions dépendent de leur juridiction intérieure et déclarent que toute question politique ou domestique se rapportant entièrement ou en partie à leurs affaires intérieures, incluant l’immigration, le travail, le trafic côtier, les tarifs, le commerce […] et tout autre question domestique sont du seul ressort de la juridiction des États-Unis, et ne doivent pas, par ce traité, être soumis d’aucune façon à l’arbitrage ou à la considération du Conseil ou de l’Assemblée de la Société des Nations […]
Les États-Unis ne soumettront à l’arbitrage ou à l’enquête de l’Assemblée, ou du Conseil de la Société des Nations, prévus par ledit traité de paix, aucune question qui, à leur jugement, dépend ou est en relation avec leur politique établie de longue date et communément connue sous le nom de « doctrine de Monroe » ; cette doctrine ne peut être interprétée que par les seuls États-Unis, en dehors de la juridiction de la Société des Nations […].
Les États-Unis ne seront pas obligés de contribuer à quelque dépense que ce soit de la Société des nations […]
Aucun plan pour la limitation des armements proposé par le Conseil de la Société des nations […] ne sera retenu comme liant les États-Unis jusqu’à ce qu’il ait été accepté par le Congrès […]. »
Extraits des «Débats du Congrès des États-Unis», 19 mars 1920, cités par André-Georges Manry, Roger Sève, Textes historiques (1914-1945). La première moitié du XXe siècle, Paris, Delagrave, 1970.
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