Le texte a environ 4000 ans et a été composé par un des maîtres anonymes de la « Maison des tablettes » (l’école). Samuel Kramer ne donne pas la totalité de la transcription mais nous apprend que, las, des coups de fouets reçus dans la journée parce qu’il a bavardé, s’est levé sans autorisation ou est sortie indûment par la grande porte, l’écolier propose à son père d’inviter le maître. Ce dernier, qui est mal rémunéré, est accueilli à la maison, est servi en vin, reçoit un anneau et un habit neuf. Il en vient ainsi à changer son jugement sur l’élève.
Ce texte, premier exemple de fayotage (le traducteur français de Kramer parlait de « lèche »), a été retrouvé sur 21 tablettes dont 13 sont au musée universitaire de Philadelphie, une au musée archéologique d’Istanbul et une au Louvre.

Samuel N. Kramer, <i>History Begins at Sumer: Thirty-Nine Firsts in Man's Recorded History</i>, University of Pennsylvania Press, 1956
Samuel N. Kramer, History Begins at Sumer: Thirty-Nine Firsts in Man's Recorded History, University of Pennsylvania Press, 1956

«-Écolier, où es-tu allé depuis ta plus tendre enfance ? […]
-Je suis allé à la maison des tablettes […]
-Qu’as-tu fait à la maison des tablettes ? […]
-J’ai récité ma tablette, j’ai pris mon déjeuner, j’ai préparé ma nouvelle tablette, je l’ai remplie d’écriture, je l’ai terminée; puis on m’a indiqué ma récitation et dans l’après-midi on m’a indiqué mon exercice d’écriture. A la fin de la classe, je suis allé chez moi, je suis entré dans la maison où j’ai trouvé mon père assis. J’ai parlé à mon père de mon exercice d’écriture, puis je lui ai récité ma tablette, et mon père a été ravi […] Quand je me suis éveillé tôt le matin, je me suis tourné vers ma mère et je lui ai dit : « donne-moi mon déjeuner, je dois aller à la maison des tablettes « . Ma mère m’a donné deux « petits pains » et je suis allé à l’école. A la maison des tablettes, le surveillant […] m’a dit :  » Pourquoi es-tu en retard ?  » Effrayé et le cœur battant, je suis allé au devant de mon maître et je lui ai fait une respectueuse révérence […]
« – Ton écriture n’est pas satisfaisante » (l’enfant est de nouveau fouetté).
A ce que dit l’écolier, le père prêta attention. On fit venir le maître de la maison des tablettes, et quand il fut entré dans la maison, on le fit asseoir à la place d’honneur. L’élève le servit et l’entoura de soins, et tout ce qu’il avait appris de l’art d’écrire sur les tablettes, il en fit étalage auprès de son père […]

« – Jeune homme, parce que vous n’avez pas dédaigné ma parole […] puissiez-vous atteindre le pinacle de l’art du scribe, puissiez-vous y accéder pleinement […] De vos frères, puissiez-vous être le guide, de vos amis le chef; puissiez-vous atteindre au plus haut rang parmi les écoliers […] Vous avez bien rempli vos tâches scolaires, vous voici devenu un homme de savoir » ».

Samuel Noah Kramer, L’Histoire commence à Sumer, Traduction de Josette Hesse, Marcel Moussy et Paul Stéphano, Avant-propos de Jean Bottéro de l’EPHE, Arthaud, 1957, p. 48-49.

NB : on a remplacé ici le mot «école» par l’expression « maison des tablettes », plus savoureuse. Dans le texte de l’ouvrage de S. Kramer, ces phrases sont totalement insérées dans le commentaire explicatif. Kramer précise par ailleurs qu’il ne fait que communiquer en substance ce que l’élève est censé raconter sur la moitié de la tablette.