Prétentions des conquistadores au nom des traditions

« J’ai parlé de nous, les soldats, qui partîmes avec Cortés, et de l’endroit où ils sont morts, et si on veut savoir quelque chose de nos personnes [il faut dire que] nous étions tous «hidalgos», même si certains ne peuvent se prévaloir de lignage si clair, car il est bien connu que dans ce monde les hommes ne naissent pas tous égaux, ni en générosité ni en vertu. (…) j’ai remarqué que certains de ces chevaliers qui autrefois obtinrent titres d’Etat et de noblesse n’allaient pas aux guerres susdites et ne s’engageaient pas dans les batailles sans qu’avant on leur payât solde et salaire, et malgré le fait qu’on les payait on leur donnait avec libéralité villes, châteaux et grandes terres, et privilèges perpétuels, que leurs descendants possèdent encore. Et en plus de cela, lorsque le roi don Jaime de Aragón conquit sur les Maures une bonne partie de ses royaumes, il les partagea entre les chevaliers et les soldats qui participèrent à leur conquête, et qui depuis lors ont leurs blasons et sont puissants. Et aussi lorsqu’on conquit Granada, et à l’époque du Gran Capitán à Naples et du Prince d’Orange également à Naples, [les rois] donnèrent terres et seigneuries à ceux qui les aidèrent dans les guerres et les batailles. J’ai rappelé tout cela afin que, si on regarde les bons et nombreux services que nous rendîmes au roi notre seigneur et à toute la chrétienté, et qu’on les mette sur une balance, pesée chaque chose selon sa juste valeur, on voie que nous sommes dignes et méritons d’être récompensés comme les chevaliers dont j’ai parlé plus haut.»

In B. Diaz del Castillo, Historia verdareda de la conquista de la Nueva España.

Bernal Díaz del Castillo est un chroniqueur et un conquistador espagnol. Il a entre autres accompagné Hernán Cortes dans sa conquête du Mexique. Il a commencé à écrire, en 1568, son livre qui a été publié après sa mort, en 1581.

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Un jugement défavorable sur les Indiens

Le chroniqueur Fernando Gomez e Oviedo écrit :

« Ils ne portaient pas de cape, ils n’avaient pas non plus et ils n’ont pas les têtes faites comme les autres gens, mais leur crâne est si résistant et si grossier que la principale recommandation que suivent les chrétiens quand ils se battent contre eux est de ne pas porter de coup à la tête car les épées se brisent. Et tout comme ils ont le crâne grossier, ils ont un entendement bestial et mal disposé. »

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Le comportement des Espagnols à Mexico

« On profitait de la fête. Voici les danses, un chant suit l’autre (…). Alors les hommes de Castille décident de tuer. Ils accourent avec leurs armes, ferment les entrées et les passages (…). Ils entourent les danseurs, s’élancent vers les tambours et d’un coup d’épée tranchent les bras de celui qui jouait, puis sa tête qui va rouler au loin. Aussitôt ils frappent de toute part avec leurs épées de métal. Les corps sont lacérés, les têtes fendues, les boyaux dispersés (…). »

Extrait de COLL., Histoire-Géographie 5e, initiation économique, Paris, Nathan, 1987.

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L’armée des Conquistadores avec ses alliés

« Le second jour de la Pâque, j’assemblai ma cavalerie et mon infanterie sur la place de Tezcoco pour en faire le partage et donner à mes lieutenants les troupes qu’ils devaient prendre avec eux, pour former trois garnisons dans trois des villes qui se trouvent autour de Mexico. Je fis capitaine de l’un de ces corps, Pedro de Alvarado ; je lui donnai trente chevaux, dix-huit arquebusiers et arbalétriers, cent cinquante fantassins et plus de vingt-trois mille Tiascaltecs ; c’était le corps destiné à occuper Tacuba. Je fis Cristobal de Oli capitaine du second corps ; je lui donnai trente- trois chevaux, dix-huit arquebusiers et arbalétriers, cent soixante fantassins et plus de vingt mille indiens de nos alliés ; Oli devait occuper la ville de Culuacan. »

Extrait de Hernán Cortés, La conquête du Mexique, la Découverte 1982.
Cité dans CHALIAND Gérard, Anthologie mondiale de la stratégie : des origines au nucléaire, Paris, Laffont (coll. Bouquins), 2001.

Tensions entre Indiens

« Ce travail dura trois jours, pendant lesquels il y eut de nombreuses rencontres entre les deux partis, rencontres dans lesquelles nous eûmes quelques blessés, mais dans lesquelles les ennemis perdirent un grand nombre des leurs ; nous leur gagnâmes en même temps plusieurs ponts, il y eut harangues, insultes et défis entre les Mexicains et les Tlascaltecs qui nous offrirent un spectacle des plus intéressants. »

Extrait de Hernán Cortés, La conquête du Mexique, la Découverte 1982.
Cité dans CHALIAND Gérard, Anthologie mondiale de la stratégie : des origines au nucléaire, Paris, Laffont (coll. Bouquins), 2001.

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Proposition d’alliance

« L’armée passa la nuit dans un bourg abandonné de ses habitants où elle prit un peu de repos, sans néanmoins quitter les armes, ni oublier de mettre double corps de garde sur toutes les avenues. Le jour suivant on découvrit en marchant environ dix Indiens qui venaient à grand pas en manière d’Envoyés ou déserteurs ; ils portaient une lame d’or élevée au bout d’une lance comme un étendard, ce qui fut pris pour un signal de paix. Leur chef était Ambassadeur du Roi de Tezeuco, qui envoyait prier le Général de ne point saccager les lieux de son Domaine, assurant qu’il souhaitait entrer en son alliance : que pour ce sujet, il avait fait préparer dans la ville, un logement commode pour tous les Espagnols qui le suivaient, et que les autres nations qui composaient son armée recevraient hors des murs toutes les provisions dont elles auraient besoin. Cortez les examine par plusieurs questions ; et cet Envoyé qui était fort bien instruit répondit à tout sans s’embarrasser. Il dit de plus, que son Maître avait lieu de se plaindre de l’Empereur qui régnait alors à Mexique ; parce qu’il cherchait à se venger par des extorsions insupportables de ce qu’il lui avait refusé sa voix lorsqu’on avait procédé à l’élection : que ce procédé injuste et violent obligeait le Roi de Tezeuzo [sic] à s’unir avec les Espagnols, comme avec des gens qui avaient le plus grand intérêt à la ruine de ce Tyran. […]
Aussitôt qu’il eut donné audience à l’Envoyé, [Cortez] s’écarta avec ses Capitaines afin de décider sur la réponse qu’il devait faire. Aucun d’eux ne crut la proposition sincère : ils jugèrent que cette honnêteté ne convenait pas au caractère d’un Prince qu’on avait cruellement offensé ; que cependant le Général devait considérer comme un effet de la bonne-fortune, la liberté qu’on lui offrait d’entrer en une ville qu’il avait voulu emporter de vive force : qu’en recevant la proposition il s’épargnerait autant de sang et de peine, et qu’étant une fois au-dedans des murailles où on prendrait les mêmes précautions que dans une place emportée d’assaut, ils agiraient suivant les occasions. C’est ce qui fut résolu ; et Cortez dépêcha l’Envoyé avec cette réponse : Qu’il recevait la paix et l’offre qu’il lui faisait sur le logement ; et qu’il avait dessein de répondre sincèrement à la bonne volonté qui l’engageait à demander son amitié. »

In Don Antoine de Solis, Histoire de la conquête du Mexique ou de la Nouvelle-Espagne, éd. P. Auboüin, 1691, V, 10, p. 533-4
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Effet des armes espagnoles

« Dans les premiers moments du combat, le grand alguazil eut le pied traversé par un dard et quoique les ennemis nous eussent blessé plusieurs autres Espagnols, néanmoins, les grosses pièces, les arquebuses et les arbalètes leur firent tant de mal que ni les gens des canoas ni les gens de la chaussée ne s’avançaient plus avec la même audace et qu’ils se montraient plus timides et moins arrogants que d’habitude. »

Extrait de Hernán Cortés, La conquête du Mexique, la Découverte 1982.
Cité dans CHALIAND Gérard, Anthologie mondiale de la stratégie : des origines au nucléaire, Paris, Laffont (coll. Bouquins), 2001.

L’artillerie

« Nous donnâmes bien la chasse aux canoas pendant plus de trois lieues ; celles qui nous échappèrent se réfugièrent entre les maisons de la ville et, comme il était tard, je fis retirer les brigantins que je dirigeai vers la chaussée ; je résolus de m’y arrêter, et je débarquai avec une trentaine d’hommes pour m’emparer de deux petits temples placés sur pyramides. Lorsque nous mîmes pied à terre, les Indiens se jetèrent sur nous fort courageusement pour les défendre; nous nous en emparâmes avec beaucoup de peine et je fis aussitôt mettre en batterie trois grosses pièces de fer que j’avais apportées, et comme la partie de la chaussée attenant à la ville, sur une longueur d’une demi-lieue, était couverte de monde et les deux côtés de la lagune bondés de canoas avec des gens de guerre, je fis décharger l’une des pièces au milieu de cette foule où elle fit d’affreux ravages ; mais par la négligence d’un artilleur notre provision de poudre prit feu ; heureusement qu’il ne nous en restait guère. »

Extrait de Hernán Cortés, La conquête du Mexique, la Découverte 1982.
Cité dans CHALIAND Gérard, Anthologie mondiale de la stratégie : des origines au nucléaire, Paris, Laffont (coll. Bouquins), 2001.

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Alliés

« Je poussai de nouvelles pointes dans la ville, par les voies que j’avais coutume de prendre ; les brigantins et les canoas attaquaient de deux côtés ; j’attaquai de quatre autres côtés ; nous avions toujours l’avantage, et l’on tuait beaucoup de Mexicains parce que nos alliés indiens étaient chaque jour plus nombreux. J’hésitais cependant à pénétrer dans le coeur de la ville ; je voulais voir si les ennemis protesteraient contre les cruautés commises par nos alliés, et je craignais d’exposer mes gens devant des hommes si ardemment résolus à mourir. »

Extrait de Hernán Cortés, La conquête du Mexique, la Découverte 1982.
Cité dans CHALIAND Gérard, Anthologie mondiale de la stratégie : des origines au nucléaire, Paris, Laffont (coll. Bouquins), 2001.

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Assaut sur Mexico

« Il attaqua donc ce même jour ; et avec l’aide des brigantins la troupe passa et poursuivit les Mexicains qui avaient pris la fuite. Pedro de Alvarado s’empressait de faire combler cette immense ouverture pour que la cavalerie pût passer ; je lui recommandais du reste chaque jour de ne point avancer d’un pas sans aplanir le terrain de manière que les chevaux, qui faisaient notre vraie force, pussent évoluer à l’aise. Les Indiens, voyant qu’il n’y avait pas plus de quarante Espagnols de l’autre côté de la tranchée et que pas un cheval n’avait passé, se retournèrent subitement, et avec une telle vigueur qu’ils repoussèrent nos gens et les jetèrent à l’eau. Ils tuèrent un certain nombre de nos alliés et nous prirent quatre Espagnols, qu’ils s’empressèrent de sacrifier. A la fin, Alvarado put regagner son quartier. Quand je fus de retour dans le mien, et que j’appris ce qui s’était passé, j’en éprouvai une douleur profonde, car c’était un encouragement pour les Mexicains, qui s’imagineraient que nous n’oserions plus pénétrer dans leur ville.

Alvarado s’était engagé dans cette action téméraire pour plusieurs raisons ; c’était, je l’ai dit, qu’il s’était emparé d’une grande partie de la chaussée, qu’il voyait les Mexicains découragés, et surtout parce que ses hommes le priaient de s’emparer du marché, parce que, une fois ce point gagné, c’était pour ainsi dire la ville conquise ; car c’était là le coeur, la force et l’espérance des Indiens. De plus, les soldats d’Alvarado, voyant que je gagnais chaque jour sur les Mexicains, eurent peur que je ne m’emparasse du marché avec eux, et comme ils en étaient beaucoup plus près que moi ils avaient tenu à honneur de m’y précéder. »

Extrait de Hernán Cortés, La conquête du Mexique, la Découverte 1982.
Cité dans CHALIAND Gérard, Anthologie mondiale de la stratégie : des origines au nucléaire, Paris, Laffont (coll. Bouquins), 2001.

Les sacrifices des prisonniers de guerre

« Les Mexicains nous tuèrent dans cette défaite trente-cinq ou quarante Espagnols et plus de mille Indiens ; ils blessèrent vingt autres Espagnols, et moi-même je fus blessé à la jambe. Nous perdîmes une petite pièce de campagne, des escopettes, des arbalètes et autres armes. Aussitôt après leur victoire, les Mexicains, voulant frapper de terreur Sandoval et Alvarado, emportèrent à Tialtelolco tous les Espagnols vivants ou morts qu’ils avaient pris, et là, sur les hautes pyramides des temples, à la vue de leurs camarades, ils les dépouillèrent de leurs vêtements et les sacrifièrent en leur ouvrant la poitrine dont ils retiraient le coeur sanglant pour l’offrir à leurs idoles. Les Espagnols du camp d’Alvarado pouvaient voir de l’endroit où ils combattaient les corps nus et blancs des victimes qui les dénonçaient comme chrétiens. Quoiqu’ils en éprouvassent une grande douleur, ils se retirèrent dans leurs quartiers, après avoir courageusement combattu, et s’approchèrent fort près de la place du Marché qui eût été prise ce jour-là, si Dieu, pour nos péchés, n’avait permis un tel désastre. »

Extrait de Hernán Cortés, La conquête du Mexique, la Découverte 1982.
Cité dans CHALIAND Gérard, Anthologie mondiale de la stratégie : des origines au nucléaire, Paris, Laffont (coll. Bouquins), 2001.

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L’empire aztèque

« Les Mexicains profitèrent de ces circonstances pour envoyer des émissaires dans toutes les provinces vassales, leur annoncer qu’ils avaient remporté une grande victoire, tué une foule d’Espagnols, que bientôt ils nous auraient tous exterminés et qu’elles ne fissent point la paix avec nous. Ils leur envoyaient comme preuves de leur victoire les deux têtes des chevaux qu’ils avaient tués et d’autres dépouilles qu’ils nous avaient enlevées, les exhibant partout où besoin était et profitant de la circonstance pour remettre ces provinces sous le joug.  »

Extrait de Hernán Cortés, La conquête du Mexique, la Découverte 1982.
Cité dans CHALIAND Gérard, Anthologie mondiale de la stratégie : des origines au nucléaire, Paris, Laffont (coll. Bouquins), 2001.

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Préparation de la cavalerie

« Comme la nuit approchait, je fis sonner la retraite, mais nous fûmes alors chargés par une telle multitude que sans la cavalerie nous eussions couru les plus grands dangers. J’avais heureusement fait combler et aplanir tous les mauvais pas de la rue et de la chaussée, les chevaux pouvaient aller et venir, et lorsque les Indiens se précipitaient sur notre arrière-garde nos cavaliers les chargeaient à coups de lance et en tuaient beaucoup ; et comme la rue était très longue ils purent charger quatre ou cinq fois. »

Extrait de Hernán Cortés, La conquête du Mexique, la Découverte 1982.
Cité dans CHALIAND Gérard, Anthologie mondiale de la stratégie : des origines au nucléaire, Paris, Laffont (coll. Bouquins), 2001.

Armes aztèques et peur des chevaux

« Sur mon ordre, les soldats mirent bas les armes, et je demandai que le commandant en chef de la ville vînt me parler et que nous suspendrions les hostilités. Sous le prétexte qu’on était allé le chercher, ses gens me firent perdre plus d’une heure. C’est qu’en vérité ils n’avaient nulle envie de faire la paix, ce qu’ils nous prouvèrent à l’instant en nous couvrant de flèches, de dards et de pierres. A cette vue, nous attaquâmes la barricade qui fut emportée, et en entrant sur la place nous la trouvâmes hérissée de grosses pierres pour empêcher que les cavaliers ne pussent s’y mouvoir ; car c’étaient d’eux seuls qu’ils avaient quelque crainte ; nous trouvâmes deux autres rues également semées de pierres dans ce même but de paralyser les chevaux. »

Extrait de Hernán Cortés, La conquête du Mexique, la Découverte 1982.
Cité dans CHALIAND Gérard, Anthologie mondiale de la stratégie : des origines au nucléaire, Paris, Laffont (coll. Bouquins), 2001.

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Ressentiment des autres Indiens envers les Aztèques

« Devant l’impossibilité de toute transaction, et songeant que le siège durait depuis quarante-cinq jours, je résolus de prendre pour notre sûreté une mesure radicale et ce fut de détruire, quelque temps que cela pût nous coûter, les maisons de la ville chaque fois que nous y pénétrerions ; de manière que nous ne ferions plus un pas en avant sans tout raser devant nous, tout aplanir, et transformer les canaux et les tranchées en terre ferme. Je convoquai donc à ce sujet tous les caciques des nations amies, je leur fis part de ce que j’avais résolu et les priai de réunir le plus de manoeuvres qu’ils pourraient et de me les envoyer munis de leurs coas, instrument qui répond à la houe de nos agriculteurs ; ils me répondirent qu’ils le feraient avec le plus grand plaisir ; que c’était une mesure excellente, la meilleure pour ruiner la ville, ce que tous désiraient plus que toute chose au monde. »

Extrait de Hernán Cortés, La conquête du Mexique, la Découverte 1982.
Cité dans CHALIAND Gérard, Anthologie mondiale de la stratégie : des origines au nucléaire, Paris, Laffont (coll. Bouquins), 2001.