Le soufisme
« On a amené des esclaves Noirs des pays des impies au pays des musulmans. On les vend, les uns à l’âge de cinq ans, d’autres à dix ans, d’autres à quinze. Celui qui a été amené en bas âge, qui a passé de nombreuses années chez les musulmans et qui y a vieilli, oublie entièrement le pays où il est né ; aucune trace n’en reste en lui. Mais s’il était un petit peu plus âgé, il lui en reste un petit peu plus de souvenir et davantage s’il était sensiblement plus âgé encore. De même, les âmes ont été dans la présence de Dieu (…). Leur nourriture et leur substance étaient la parole de Dieu, sans lettres et sans sons. Depuis, on les a amenés dans ce monde-ci comme enfants. Lorsqu’ils entendent cette parole, ils ne se souviennent pas. Elle leur est étrangère. C’est la description de ceux qui sont voilés et qui sont engloutis dans l’égarement ; il y a ceux qui se souviennent un tout petit peu et en eux surgit l’ardeur pour l’autre côté : ceux-là sont les croyants. Et il existe aussi des hommes chez qui, lorsqu’ils entendent cette parole divine, leur état antérieur réapparaît : les voiles tombent et ils se trouvent dans l’union. »
Djalâl-od-Dîn Rûmî, Mathnawî [dès 1261], cité in Eva de Vitray-Meyerovitch, Islam, l’autre visage, Paris, Albin Michel (poche), 1995 (Critérion, 1991), p. 152