Bernd F. von Lonringhoven est un officier de carrière, incorporé dans la cavalerie puis les troupes de blindés. Appelé à servir comme aide de camp auprès de Hitler, il assiste au déclin de l’homme et au désastre du régime. Il prend son poste le 23 juillet 1944, trois jours après l’attentat qui a failli coûter la vie au Führer. Prisonnier de 1945 à 1948, il rédige alors ses souvenirs dans des cahiers qu’il reprend, soixante ans plus tard, pour la rédaction d’un livre et nous livre ici un portrait de Hitler.


« Je n’ai jamais oublié l’impression que Hitler m’a faite en entrant dans la salle. J’avais aperçu le Führer une fois, au printemps 1939, à l’occasion d’un grand défilé militaire organisé pour la visite du prince-régent de Yougoslavie. Mon régiment y participait et je m’étais trouvé à une trentaine de mètres de lui dans la tribune. Il n’y avait nul besoin d’être un national-socialiste pour être impressionné par sa vigueur, son dynamisme et sa vitalité. Cette image m’était restée, confortée par celle des films d’actualité et des journaux.

Le 23 juillet 1944, celui qui se présentait devant moi ne lui ressemblait pas. Ce n’était pas le « Führer du Reich de la Grande Allemagne en lutte pour son destin », mais un homme de cinquante-cinq ans aux allures de vieillard, voûté, la tête dans les épaules, le visage très pâle, les yeux ternes et la peau grisâtre. Il marchait à petits pas, en traînant la jambe gauche, le bras droit légèrement blessé par l’attentat. Guderian a fait les présentations. Avec un sourire las, il m’a tendu une main molle en murmurant quelques mots de bienvenue. J’étais stupéfait. Le héros célébré par la propagande du régime était une ruine. Comment était-ce possible ? Au fil des mois, j’ai commencé à comprendre. Pour l’heure, j’avais l’impression de voir une figure de cire. Je me suis dit que le Reich était dirigé par une épave. »

Bernd F. von Loringhoven. Dans le bunker de Hitler. Paris, Perrin, 2006, pp. 13 – 14.