Le général allemand Ludwig Beck est passé à l’Histoire comme l’un des principaux organisateurs de la conspiration et de  l’attentat à la bombe qui faillirent  coûter la vie à Adolf Hitler, le 20 juillet 1944. Ludwig Beck paya de sa vie cet échec, le jour suivant.

Le texte que nous présentons ici démontre que la résistance à la politique hitlérienne de cet officier supérieur de la  Wehrmacht est  antérieur à la guerre. En 1938, ce général reconnu et respecté est chef d’état-major adjoint de l’armée de terre allemande. Cet extrait est issu d’un memorandum rédigé par Beck et destiné  au général en chef de l’armée allemande, Walther von Brauchitsch. 

En juillet 1938, soit  4 mois après l’annexion de l’Autriche, Hitler projette d’envahir la Tchécoslovaquie pour annexer la région des Sudètes. C’est à cette aventure guerrière, qui risque de déclencher une nouvelle guerre européenne et conduire l’Allemagne à « la ruine »,  que le général Beck tente de s’opposer ici.

Dans ce texte, Beck pose la question fondamentale  du dilemme moral auquel sont confrontés les  chefs militaires :  entre obéissance aveugle aux ordres du Führer et la  conscience de l’  « immense responsabilité devant le peuple »  qui justifierait la désobéissance si celle-ci peut sauver votre patrie « de la ruine ». Concrètement, il semble  imaginer une démission collective  des principaux chefs de l’armée allemande, afin de mettre en échec les projets guerriers de Hitler ;  démission qui serait probablement la première étape d’un renversement du régime nazi.

Ce projet ne reçut pas l’adhésion du général en chef Von Brauchitsch. Dans le contexte de la popularité acquise  par Hitler  avec l’Anschluss, il était difficile d’imaginer un mouvement de désobéissance collective des généraux et des officiers, retenus de surcroît, par leur  serment de fidélité prêté au Führer. Constatant son échec, le général Beck remit sa démission le 18 août 1938. Désormais général en retraite, Ludwig Beck n’en  demeura pas moins  jusqu’à la fin de sa vie l’un des principaux artisans de la Résistance allemande au nazisme.

 


“Votre obéissance militaire a une limite ; celle où votre science, votre conscience et votre responsabilité vous interdisent l’exécution d’un ordre. Si, dans une telle situation, vos conseils, vos avertissements ne rencontrent aucune audience, vous avez le droit et le devoir de vous démettre de vos fonctions devant le peuple et devant l’Histoire. Si tous, vous faites preuve d’une volonté bien déterminée, alors la guerre deviendra impossible. Vous aurez sauvé votre patrie du pire, vous l’aurez sauvée de la ruine. Un soldat parvenu au sommet de la hiérarchie, qui, dans de telles circonstances, ne concevrait l’étendue de ses devoirs que dans le cadre limité de la discipline militaire sans se préoccuper de son immense responsabilité devant le peuple, un tel soldat manquerait de grandeur et se méprendrait sur la véritable nature de son devoir. À circonstances exceptionnelles, actions exceptionnelles.”

Extrait du memorandum du général Ludwig Beck, 16 juillet 1938