François Pierre (de) La Varenne, [Dijon, 1618- 1678] fut un cuisinier français ayant largement contribué à la mutation et à la modernisation de la cuisine française, privilégiant par exemple les saveurs naturelles des produits aux épices et reléguant le sucre aux seuls desserts.

Cuisinier du marquis d’Uxelles, gouverneur de Chalon-sur-Saône, il est aussi l’auteur du Cuisinier françois, où toute une terminologie de la cuisine, toujours actuelle, est employée pour la première fois. Dans son ouvrage Le parfait confiturier, publié la première fois en 1664, il s’attarde notamment sur une recette probablement originaire d’Italie, très prisée par Louis XIV lors des fêtes de fin d’année et qui commence à conquérir les cours européennes, à la faveur de la généralisation du sucre blanc : les marrons glacés. Mais, à la lecture de la recette, on constate que celle-ci n’est alors considérée que comme un avatar d’une autre : la compote de marrons.


 

Compotte de marons

Prenez des plus beaux et des plus gros marons que vous pourrez trouver, faites-les cuire dans la braise : Estant cuits, pelez-les & les applatissez. Arrangez-les ensoite dans un plat bien proprement, et autant qu’il y en ait assez pour en couvrir honnestement une assiette. Metrez dessus du sirop d’abricots ou de prunes , ou tel autre qu’il vous plaira : Vous pouvez mesme prendre de la décoction de pommes, la faisant un peu bouillir avec du sucre, en sorte qu’elle seroit cuitte à perle et l’estendre sur vos marrons : Cela fait vous les couvrirez & ferez bouillir à petit feu, y mettant de foi à autre du sirop à mesure qu’ils bouillent » en sort qu’ils soient en estât d’estre servis chauds : Ce que quand il sera temps de faire, vous mettrez une assiette sur le plat ou ils sont, & les renverserez promptement dessus de mesme façon que vous retourneriez un fromage, et les arroserez d’un peu de sirop.

Autre façon.

Si vous voulez blanchir vos marons, prenez un blanc d’oeuf, et de l’eau de fleurs d’orange , battez-les ensemble, trempez-y vos marons , & les mettez dans un plat avec de la poudre de sucre. Roulez-les tant qu’ils en soient couverts, puis les faites sécher auprés du feu.

Pierre de La Varenne, Traité de confiture ou Le nouveau et parfait confiturier ; qui enseigne la manière de bien faire toutes sortes de confitures tant sèches que liquides,… Avec l’instruction & devoirs des chefs d’office de fruiterie et de sommelerie, Paris, Guillain, 1689, extrait pages 239-240


À la veille de la Révolution française, le marron glacé est identifié cette fois comme une recette à part entière. L’avocat et médecin Pierre-Joseph Buc’hoz [1731-1807] en propose sa version en 1787 :

Le huitième mets est le marron glacé. Ayez de beaux marrons de Lyon , faites-les cuire à la braise; pendant ce temps ayez du sucre, clarifiez-le, faites- le cuire à perlé : pelez ensuire vos marrons , après quoi jettez-Ies, les uns après les autres, dans le sucre; retirez-les aussi-tôt avec une cuiller, & jettez-les à mesure dans de l’eau fraîche, le sucre qui est au tour se glacera aussi-tôt.

 Pierre-Joseph Buc’hoz, L‘Art de préparer les alimens, suivant les différens peuples de la terre, paris, 1787,tome 2 , extrait page 19


À la fin du XIXème siècle, la recette change peu dans l’absolu mais devient plus technique, comme en témoigne cette recette publiée cette fois dans un magazine féminin,  au moment où la confiserie commence à proposer sa version industrielle :

RECETTES ET PROCÉDÉS
Marrons glacés (recette demandée) — Choisissez des marrons de belle grosseur. Faites-les bouillir dans l’eau jusqu’à ce qu’ils soient bons à manger, pelez-les avec précaution pour ne pas les écraser dans vos mains. Déposez~les à mesure qu’ils sont pelés dans l’eau froide pour les raffermir. Une demi-heure après, versez dans un vase du sirop de sucre cuit au petit lissé et mettez-y vos marrons avec précaution pour ne pas les briser. Le lendemain vous égoutterez votre sirop, auquel vous ferez prendre seulement quelques bouillons et le reverserez de nouveau sur les marrons; vous continuerez cette opération toutes les 24 heures pendant quatre jours, en ayant soin de donner à la dernière la cuite du perlé, et vos marrons seront confits. Vous les glacerez ensuite â volonté en les trempant dans un sirop de sucre cuit au petit cassé et en les faisant sécher à l’étuve.

Journal Le petit écho de la mode, hebdomadaire, 22 décembre 1895