Paul Thiry, baron d’Holbach, est né le 8 décembre 1723 à Edesheim et mort à Paris juste avant la Révolution française, le 21 janvier 1789. Avocat, chimiste et philosophe matérialiste d’origine allemande (mais d’expression française !), il est issu d’une riche famille catholique comptant des princes-évêques. Inscrit à l’université de Leyde en 1744, il étudie le droit et les sciences naturelles. Naturalisé français quatre ans plus tard, il devient avocat au Parlement de Paris.

D’Holbach rejoint  Diderot et d’Alembert  en 1751 et participe activement à l’aventure de l’Encyclopédie pour laquelle il rédige un certain nombre d’articles, parfois anonymement, consacrés à la chimie, la médecine ou encore la minéralogie. Athée revendiqué, très critique envers la religion, favorable à l’émancipation féminine et à son éducation, il place l’homme au centre de sa réflexion assez philosophique sur la nature, son but étant de détacher la morale de tout principe religieux, pour n’en dégager que les principes naturels. Dans les années 1760, il commence à rédiger des ouvrages philosophiques sous un nom d’emprunt, pour éviter les ennuis.  Il est considéré comme l’un des principaux acteurs du siècle des Lumières.

 

C’est dans ce contexte que dans les années 1770, il publie un ouvrage rédigé par Nicolas-Antoine Boulanger [1733-1759], philosophe et homme de lettres français qui fut également collaborateur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Dans cet ouvrage emblématique de la littérature philosophique clandestine de l’époque des Lumières, Boulanger revient de manière rationnelle et comparée sur les pratiques religieuses du monde. Ici, dans cet extrait, il s’attarde notamment sur la fête de Noël qu’il contextualise dans un ensemble géographique et temporel plus vaste.


Les Romains veilloient après les saturnales à la fin de Décembre : c’était chez eux une veillée cyclique ; ils n’en sçavoient pas plus le motif que de celle qui précédoit les jeux séculaires, pendant laquelle Rome était rempli d’illuminations. Nous veillons aussi vers le même temps, mais nous connoissons mieux nos motifs, ils ne sont ni plus ni payens, ni apocalyptiques : cependant il est bon d’examiner les usages parce qu’en général ils n’appartiennent presque jamais aux législations nouvelles. […]

Puisque nous parlons ici de la fête de Noël, il est bon de faire attention à quelques autres usages qui n’appartiennent à cette fête, et qui cependant s’y font joints par une tradition muette dont on chercheroit vainement le canal. C’est la nuit de Noël que le pape bénit une épée et un chapeau pour les envoyer à quelques princes de l’Europe que son choix va distinguer : cet usage ne semble-t-il pas supporté l’attente de quelques personnages semblables au Muhadi des persans : quelqu’éloignée que paroisse cette analogie, il semble que Noël prétende une idée d’attente, en effet dans quelques pays on amuse les enfants la nuit de Noël par des présents qu’on leur dit ni venus de l’enfant Jésus, et on leur persuade qu’ils doivent faire des provisions pour l’âne et le bœuf qui accompagnoient la crèche du Sauveur.

[…]

Ce des peuples anciens qui ont célébré une grande fête solaire au 25 de décembre ; nous n’avons fait que les imiter. On a en différents siècles tachés de réformer les erreurs de la partie astronomique de la religion ; mais on peut dire que chaque correction n’a souvent été qu’une erreur nouvelle ajoutée aux anciennes, et n’a fait qu’augmenter la confusion. Dans les premiers temps, l’année été estimée que de 360 jours, et alors la fête funèbre se trouvait placée au jour que l’on regardait comme le dernier de l’année ; lorsque par la suite on s’aperçut qu’on se trompait de cinq jours on les ajouta à la vérité au bout de l’année mais après la fête annuelle, parce qu’on les a regardés comme surnuméraires et hors de compte.

Baron d’Holbach L’Antiquité dévoilée par ses usages, ou examen critique des principales opinions, cérémonies et institutions religieuses et politiques des différents peuples de la terre par feu M. Boulanger, Amsterdam, 1772, tome 3, extraits pages 37 – 44.

 

Bibliographie  indicative :

-Maria Susana Seguin Le traitement des sources érudites dans l’Antiquité dévoilée par ses usages de Nicolas-Antoine Boulanger, consultable ICI