Le récit traditionnel

« Heureusement un seigneur de leurs amis, parent de Reding de Schwytz, Henri de Hunnenberg, veillait pour eux et lance tout à coup dans leurs rangs une flèche avec ces mots : « Sur vos gardes au Morgarten, la veille de St-Othmar. » Les confédérés se postent aussitôt sur le penchant du Sattel. Ils étaient au nombre de 1300, dont 400 d’Uri et 300 d’unterwald. Cinquante bannis, auxquels sourit l’espoir de se réhabiliter par le courage, demandent et obtiennent la faveur de combattre pour la patrie.

Le samedi après la St-Martin (15 novembre 1315), aux premiers rayons du jour, l’armée autrichienne gravissait péniblement les sentiers glissants de la montagne ; les chevaliers les premiers avec leurs cuirasses étincelantes au soleil, l’infanterie suivait. Tout à coup, vers le plateau de la Haselmatt, les confédérés fondent sur eux avec d’horribles clameurs ; au même instant, les bannis font pleuvoir des quartiers de rochers et des troncs d’arbres sur la cavalerie ennemie ; puis tous, leurs hallebardes et leurs massues à la main, se précipitant sur les Autrichiens en désordre, ils les culbutent dans les ravins et dans les eaux du lac d’Aegeri. Les Zuricois soutinrent vaillamment le choc des confédérés et mordirent tous la poussière. Les nobles tombèrent en foule ; parmi eux, Gessler, des Hallwyl, des Landenberg, un Habsbourg-Rapperschwyl. Léopold lui-même n’échappa qu’à grand’peine au triste sort des siens, et arriva le même soir à Winterthour, pâle, défait et la mort dans l’âme, dit Jean de Winterthur, témoin oculaire et alors âgé de neuf ans.

Le même jour, le comte de Strassberg, qui avait fait invasion dans l’Underwald, apprenant le désastre de l’armée ducale, se retira précipitamment dans l’Oberland.

L’abbaye d’Interlaken, peuplée de gentilshommes comme celle d’Einsidlen, fut dévastée et pillée par les vainqueurs.

L’armée autrichienne avait perdu au Morgarten 1500 hommes, la fleur de la noblesse. Les confédérés n’eurent à regretter, dit-on, que 16 braves, parmi eux Henri d’Ospenthal, Rodolphe Fürst et Conrad de Beroldingen. »

In A. Daguet, Histoire de la Confédération suisse, Corbaz, Lausanne, 1865, p. 133
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