« Et parce que le Duc d’Autriche faisait son amas de gens, principalement à Brug et à Bade, auprès de Zurich, l’on estima qu’il irait encore assiéger cette ville-là. Qui fut cause que les quatre vieux Cantons envoyèrent seize cents hommes au secours de ceux de Zurich.
Le Duc Leopold ayant entendu que cette garnison restait à Zurich, fit soudain marcher son armée vers les Cantons, qui semblaient dénués de la plupart de leurs troupes. Mais ils découvrirent cette entreprise par leurs espions et pourtant ils laissent Zurich en garde aux citoyens, et font retourner leurs seize cents hommes, qui marchèrent sous leurs enseignes jour et nuit, en telle diligence, qu’ils arrivèrent à Sempach à l’instant que le Duc avec ses troupes y vint loger. Ce jour était le neuvième de juillet. Bataille fut donnée en ce même jour, en laquelle Leopold fils d’Albert le sage, et neveu ou petit-fils de l’Empereur Albert, fut tué sur-le-champ, avec six cent septante six gentilshommes, dont (…) trois cent cinquante remarquables entre les autres, à cause de leurs armets [casque de cavalerie] ou bourguignottes [casque d’infanterie] garnies de couronnes et braves panaches. Les Cantons après une tant belle victoire, commencèrent à mener les mains par toute la Suisse, et châtier ceux qui avaient fourragé leurs pays [utilisé les ressources en fourrage de leur pays ?], pillé les citoyens, et fait la guerre sans être occasionnés [offensés, attaqués] : beaucoup de châteaux furent ruinés, et plusieurs villes prises. »
In I.G. Simler, La république des Suisses, Anvers, Iacques Henryx, 1580, p. 73-4
sur books.google.com
Un récit traditionnel des causes de cette guerre
« La paix entre l’Autriche et la Suisse pouvait difficilement être de longue durée. Il se présentait sans cesse des circonstances qui irritaient, les uns contre les autres, les Autrichiens et les Confédérés. Le duc d’Autriche possédait plusieurs châteaux et seigneuries considérables en Suisse, et il envoyait, pour y demeurer, des gouverneurs autrichiens qui, le plus souvent, se faisaient haïr des Suisses par leur arrogance et leur cupidité. On rapporte que le duc Léopold, prince prudent et politique, leur dit plusieurs fois, en soupirant, qu’ils causeraient la ruine de leur maître.
Un autre sujet de plainte des Confédérés contre le duc, c’étaient les péages qu’il avait établis dans la partie de la Suisse encore soumise à sa domination. Ces péages, qui imposaient des droits très-forts sur les marchandises qu’on transportait d’un lieu à un autre, entravaient beaucoup le commerce, et diminuaient, par conséquent, l’aisance du pays.
Mais ce qui indisposa le plus fortement les Confédérés, ce fut un manque de bonne foi dont il est probable, d’après ce que l’histoire nous apprend du caractère de Léopold, que ses employés furent plus coupables que lui-même.
Les habitants de Schwytz s’étaient adressés au duc pour lui demander d’ôter le péage de la ville de Rapperschwyl, qui faisait beaucoup de tort au commerce de ce Canton, parce qu’il se trouvait placé sur le chemin qui conduit d’Allemagne en Italie à travers les Waldstetten et le Saint-Gothard. Léopold leur accorda leur demande, et profita de la satisfaction que sa réponse favorable avait fait naître, pour chercher à conclure une paix perpétuelle avec les Confédérés.
Les Suisses exigèrent, pour condition de la paix, la suppression de tous les nouveaux péages établis dans la partie de la Suisse soumise à l’Autriche. Tandis que l’on débattait cette proposition, le duc réussit à dissoudre une ligue qui s’était formée entre un grand nombre de villes de l’Allemagne et la Confédération helvétique. Enorgueilli de cet avantage, il montra moins d’empressement pour la paix ; ses employés témoignèrent aux Confédérés le même mépris, la même hauteur qu’auparavant, et ceux-ci, voyant à quel point le succès changeait les sentiments du duc à leur égard conçurent beaucoup de défiance.
Il ne manquait plus qu’un prétexte, et la guerre était allumée ; il ne tarda pas à s’en présenter un. […]
Sept jours après, une troupe de Lucernois s’empara du château de Rothenburg, où, contrairement à ce qu’il avait promis, le duc avait laissé subsister un péage. Le gouverneur, chassé du château, envoya des messagers et des lettres au duc d’Autriche, pour lui annoncer ce qui avait eu lieu, et lui demander vengeance et secours. Les Lucernois, de leur côté, comprenant bien qu’en agissant de la sorte ils s’étaient attiré le courroux du duc, se hâtèrent d’envoyer des messagers dans toutes les villes et les campagnes de la Confédération.
A cette même époque, les Lucernois formèrent une alliance avec les habitants de l’Entlibuch. Le duc Léopold, ayant eu besoin d’argent, avait engagé ce pays au baron·de Thorberg pour une somme considérable ; et celui-ci, qui voulait tirer un bon intérêt de son argent, traitait les malheureux habitants de l’Entlibuch avec une extrême dureté, les accablant d’impôts qu’il les contraignait à payer par les moyens les plus rigoureux. Un jour, il renferma un grand nombre d’entre eux dans une église, pour obtenir qu’ils lui payassent cent livres de plus par an, et en même temps il les obligea à livrer sans délai une somme considérable. Une autre fois, il fit semblant de vouloir fortifier la petite ville de Wollhausen et exigea des bourgeois six cents livres qu’il garda pour lui. Enfin, dans un procès que le pays eut avec le Canton d’Unterwald, il se fit donner deux mille six cents livres pour terminer l’affaire, et ne fit rien pour l’arranger.
Lorsque le seigneur de Thorberg apprit que les habitants de l’Entlibuch avaient porté plainte contre lui aux Lucernois ,et qu’ils désiraient s’unir à eux par un traité d’alliance, il fit mettre à mort ceux qui s’étaient chargés de cette négociation, et ravagea le pays jusqu’aux portes de Lucerne. Les Lucernois, par représailles, détruisirent les châteaux forts que ce seigneur possédait dans le voisinage.
Dès cet instant, la guerre fut déclarée ; Lucerne et les autres Cantons confédérés prirent les armes, à l’exception de Berne, qui allégua que la paix conclue en 1358, avec le duc d’Autriche, n’était pas encore expirée. »
Histoire abrégée de la Confédération suisse jusqu’à l’époque de la réformation, Ramboz, Genève, 1846, ch. IX, p. 76-81.
Ouvrage numérisé sur books.google.com.