« Je regarde ces pauvres femmes et je n’en crois pas mes yeux. Chacune d’elles s’assied devant un coiffeur (…). Une vieille dame s’assied devant moi ; je coupe ses cheveux et elle me demande une dernière chose avant de mourir : couper lentement car après elle, devant mon camarade, se trouve sa fille et elle voudrait être avec elle pour aller à la mort. Je m’efforce de ralentir et je dis à mon voisin d’accélérer la coupe de la demoiselle, pour qu’elles puissent entrer ensemble dans la chambre à gaz. Je voudrais exaucer la dernière volonté de cette femme mais un assassin se met à hurler et le fouet cingle au-dessus de ma tête. Je dois me dépêcher et je ne peux la retenir plus longtemps. Elle part sans sa fille… C’est ainsi qu’ont défilé des centaines de femmes dans un vacarme de cris et de sanglots. (…) Tout à coup, le flot des victimes s’interrompt : les chambres à gaz sont pleines. L’assassin qui se tient à la porte des chambres à gaz annonce une pause d’une demi-heure et s’en va. (…) Une demi-heure passe ; un assassin vient annoncer que le travail reprend. Nous regagnons nos places afin d’accueillir de nouvelles victimes. Cris et pleurs se font à nouveau entendre et des femmes nues apparaissent ; le travail se poursuit. Au bout d’une heure, le convoi est expédié. Quelques milliers de personnes ont été gazées. »
Chil Rajchman, Je suis le dernier Juif, Treblinka (1942-1943), Les Arènes, Paris, 2009.
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