La haine du Sud

Le texte ci-dessous est un bon exemple de la haine qu’a pu inspirer John Kennedy aux conservateurs sudistes. Néanmoins, la violence du propos étonne et doit nous rappeler tout un courant dans l’opinion américaine, néo-conservatrice et anticommuniste dure, dont les rejetons les plus à l’extrême-droite, sectataires du Klan ou autres néo-nazis, seront à l’origine de l’attentat à la bombe contre un édifice du F.B.I. à Oklahoma City, le 19 avril 1995, qui fera plus de 150 victimes.

N’en déduisons pas que de là vient nécessairement la cause de l’assassinat de J.F. Kennedy. Si complot il y a eu, le crime organisé semble le mieux placé ; il avait les moyens et les raisons d’assassiner John Fitzgerald Kennedy, car la famille Kennedy ne fut pas sans lien avec la Mafia qui ne fut pas payée en retour à cause de l’action de Robert Kennedy, frère du président et son ministre de la justice, lui-même assassiné le 6 juin 1968, alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle.

C’est un mafieux du sud connu, Jack Ruby, qui assassina le 24 novembre Lee Harvey Oswald, probablement pour l’empêcher de parler.
(P. Delpin, avis personnel)


Traduction de la première page du « Dallas Morning News » du 22 novembre 1963, jour de l’assassinat de Kennedy. En lisant cette page le président américain s’exclamera :  » Nous sommes vraiment un pays de fou » (…).

Tiré de Frédéric Pottecher, Grands procès, tome 2 : « Dallas, L’affaire Ruby », éd Arthaud, 1965, p. 266

« BIENVENUE Mr. KENNEDY A DALLAS

…ville si déshonorée par une récente tentative libérale malhonnête que ses habitants viennent d’élire deux nouveaux Conservateurs américains aux fonctions publiques.

…ville où l’extension économique foudroyante n’est pas due aux aumônes fédérales, mais à la science économique et aux méthodes des Conservateurs.

…ville qui continuera à s’agrandir et à prospérer en dépit de tous vos efforts et de ceux de votre administration pour la punir de ne pas se plier à la politique « Nouvelles Frontières ».

…ville qui à rejetée en 1960 votre éthique et votre politique et qui les rejettera de nouveau en 1964, plus énergiquement que jamais.

Mr. Kennedy, malgré les prétentions de votre administration, du Ministère des Affaires Etrangères, du maire de Dallas, du conseil municipal de Dallas et des membres de votre parti, nous, citoyens de Dallas, pensant librement et pensant américain, nous avons encore le droit, grâce à la Constitution que vous paraissez ignorer, de vous adresser nos doléances, de vous interroger, d’être en désaccord avec vous, de vous critiquer.

En revendiquant ce droit constitutionnel, nous désirons vous poser publiquement les questions suivantes auxquelles nous voulons croire que vous répondrez…publiquement, et, sans échappatoire. Voici ces questions :

  • POURQUOI l’Amérique Latine est-elle en train de devenir anti-américaine ou communiste, ou les deux à la fois, en dépit de l’aide américaine à l’étranger de la politique du Ministère des Affaires Etrangères et de vos propres déclarations du haut de votre Tour d’Ivoire ?
  • POURQUOI déclarez-vous avoir élevé autour de Cuba un « mur de liberté » alors que la liberté n’existe plus à Cuba aujourd’hui ? Par la faute de votre politique, des milliers de Cubains ont été emprisonnés, meurent de faim ou sont persécutés ; avec les milliers qui attendent d’être exécutés, la population tout entière de près de sept millions de Cubains vit dans l’esclavage.
  • POURQUOI avez-vous approuvé les ventes de blé et de maïs à nos ennemis, quand vous savez fort bien que les soldats des armées communistes « marchent avec leur estomac » tout comme les nôtres ? Les soldats communistes blessent et (ou) tuent chaque jour des soldats américains au Sud Viet-Nam.
  • POURQUOI avez-vous reçu, accueilli, fêté Tito – le cheval de Troie de Moscou – peu de temps après que notre ennemi juré, Khrouchtchev, eût serré sur son c¦ur le dictateur yougoslave comme étant le grand héro, le chef du communisme ?
  • POURQUOI avez-vous insisté pour augmenter l’aide américaine à la Yougoslavie, la Pologne, la Hongrie et les autres pays communistes, pour les encourager, les reconnaître et arriver é des ententes avec eux, alors que dans le même temps vous ignoriez délibérément les malheurs des Hongrois, des Allemands de l’Est, des Cubains et des autres anti-communistes qui se battent pour la liberté ?
  • POURQUOI le Cambodge a-t-il chassé les Etats-Unis de son pays après que nous ayons versé près de 400 millions de dollars d’aide à son gouvernement d’extrême-gauche ?
  • POURQUOI Gus Hall, chef du parti communiste américain, a-t-il approuvé presque toutes vos prises de positions politiques et a-t-il annoncé que le parti appuierait et soutiendrait votre ré-élection en 1964 ?
  • POURQUOI avez-vous interdit de projeter le film Opération Abolition dans les bases militaires américaines (film de la Commission de la Chambre sur les activités non américaines, dénonçant le communisme aux Etats-Unis) ?
  • POURQUOI avez-vous donné ordre ou avez-vous permis à votre frère Bobby, Procureur Général du Gouvernement, d’être indulgent avec les communistes, les communisants et les extrémistes de gauche en Amérique qui vous critiquent vous, votre administration, et votre conduite en tant que chef du Gouvernement ?
  • POURQUOI êtes-vous d’avis de continuer l’aide économique à l’Argentine alors que l’Argentine a purement et simplement confisqué près de 400 millions de dollars de biens privés américains ?
  • POURQUOI la politique étrangère des U.S.A. a-t-elle dégénérée au point que la CIA prépare des coups et extermines cruellement les dévoués alliés anti-communistes des Etats-Unis ?
  • POURQUOI avez-vous remplacé la doctrine de Monroe par l’ « Esprit de Moscou » ?

Mr. Kennedy, en tant que citoyens de ces Etats-Unis d’Amérique, nous EXIGEONS une réponse à ces questions, et nous la voulons TOUT DE SUITE.

Le Comité américain de la découverte des faits,

« Un groupe de citoyens, non affiliés, et non partisans, qui ne cherchent que la vérité ».

Bernard Weissman,
Président.
P.O. Box 1792-Dallas, 21, Texas. »


Edward M. Kennedy et le rapport Warren

Dans ses Mémoires, Edward M. Kennedy donne son opinion à propos du rapport de la commission Warren publié après l’assassinat de son frère Jack (John).

« Fin 1964, Bobby me demanda de lire le rapport de la commission Warren qui venait de sortir. Lui-même, psychologiquement, ne se sentait pas capable de parcourir les conclusions de l’enquête sur l’assassinat. La commission nommée par le président Johnson sept jours après la mort de Jack à Dallas devait déterminer qui avait tiré et pourquoi. Johnson avait désigné Earl Warren président de la commission. Il s’agissait de l’ancien gouverneur de Californie et Chief justice, président de la Cour suprême des États-Unis depuis 1953. Ses conclusions, rendues publiques en septembre dans un document de huit cent quatre-vingt-huit pages, affirmaient que Lee Harvey Oswald avait agi seul pour tuer Jack et blesser le gouverneur du Texas John Connally, présent à ses côtés dans la limousine décapotable, aux côtés de leurs épouses.

Lorsque je l’ai joint au téléphone, Warren m’a assuré qu’il serait ravi de me récapituler son rapport et de revoir avec moi les parties les plus litigieuses ; celles qui provoqueraient probablement le plus de questions de la part de la presse et du public. Je me souviens du bureau de la commission, grand mais dépouillé. Il faisait la moitié de la taille du bureau de l’Attorney General. Il me semble que Warren disposait d’un assistant, peut-être un juge stagiaire, présent lors de la réunion. À coup sûr, j’étais venu accompagné.

Warren m’a fait un rapport complet, comme je l’avais exigé. J’ai posé de nombreuses questions. Nous avons passé quatre heures ensemble. Sur ce, j’ai fait mon compte-rendu à Bobby. J’avais accepté les conclusions de la commission et lui conseillais de faire de même.

Bobby lui aussi les a admises. Il ne voulait pas continuer d’enquêter sur la mort de Jack. Earl Warren, en outre, défendait particulièrement bien son rapport et sa précision. De façon assez convaincante, il m’a expliqué qu’il se sentait responsable devant la nation. Il a véritablement plaidé sa cause, m’a montré les quelques faiblesses du document, m’a permis de me mettre à la place des membres de la commission.

J’ai bien conscience que de nombreux travaux ont remis en cause ces conclusions depuis que le rapport a été rendu public. Il existe des centaines de « théories du complot ». Selon moi, la commission Warren ne s’était pas trompée et je m’en réjouissais. C’est le cas encore maintenant. Je n’aime pas parler pour mon frère, mais je sais que Bobby trouvait primordial que l’enquête soit sérieuse et précise. Dans chacune des conversations ultérieures, en tout état de cause, il me semble que Bobby avait accepté les conclusions de la commission Warren. »

Edward M. Kennedy. Mémoires. Paris, Albin Michel, 2010, pp. 259 – 261.