En mars 1986, la gauche au pouvoir depuis 1981 est confrontée au mécontentement d’un électorat déçu en même temps qu’à l’offensive de droites dénonçant l’étatisme en se réclamant volontiers de Ronald Reagan. Depuis 1983, on assiste au retour dans l’opinion d’une extrême-droite qu’on croyait disparue depuis la libération. Elle réapparaît sous les traits du Front national, fondé en 1972 dans des conditions pourtant difficiles, autour de plusieurs groupuscules antagonistes. Cette extrême-droite, qui séduit certains hommes politiques de la droite modérée et répugne à d’autres, est également instrumentalisée par le pouvoir mitterrandien pour limiter une défaite électorale annoncée.
Le terme «Nord-Africains», utilisé à l’époque coloniale et encore très courant dans les années 1960-1970, a peu à peu été remplacé par «immigrés», alors que sévit une polémique sur l’immigration instrumentalisée par l’extrême-droite qui en fait une question prioritaire. Cette tension du débat politique succède au vrai aux nombreuses violences arabophobes (ratonnades) du début des années 1970. Les enfants d’immigrés sont alors perçus comme des immigrés eux-mêmes et nombreuses sont les voix qui, en cette période électorale, tentent de faire valoir une expertise sur la question migratoire.
Dix jours avant les élections législatives du 16 mars qui conduisent à la première cohabitation (1986-1988), une ancienne rectrice et ancienne ministre de VGE (1974-1981) propose ses solutions dans un quotidien régional. Les enfants d’immigrés sont ici des « enfants vivant en France » sans que leur éventuelle vocation à être français soit réellement évoquée.

Ancien recteurTerme employé avant la féminisation de certains noms de métiers alors réputés masculins. de l’Académie de Reims et ministre des Universités de Valéry Giscard d’Estaing, Alice Saunier-Seité, conseiller de Paris, vient de proposer certaines mesures concernant l’école et les immigrés. Elle a fondé sa réflexion sur l’expérience qu’elle a vécu dans la région Champagne-ArdenneAncienne région française associant avant 2016 plaine de Champagne et massif de l’Ardenne en regroupant les départements de la Marne, des Ardennes, de la Haute-Marne et de l’Aube. La région correspond alors à l’académie de Reims.. Alice Saunier traite le problème des écoles primaires à forte population d’élèves étrangers. Certaines écoles dans le pays comptant plus de 50 % et parfois plus de 80 % d’enfants d’immigrés connaissant mal la langue française.

L’ancien recteur souligne que, le principal objectif de l’école était l’instruction de la langue française et aux caractéristiques simples de la société occidentale. Cet objectif a donné des résultats satisfaisants auprès de familles aujourd’hui totalement intégrées dans la société. Toutefois la question se pose à l’heure actuelle en des termes différents.

Pour justifier cette appréciation, Mme Saunier-Séïté fait trois remarques : on dénombre une forte proportion d’enfants immigrés de civilisation islamique ; certains professeurs et hommes politiques mettent en cause la finalité de l’assimilation culturelle ; le taux de jeunes immigrés dans certains établissements dépasse 50 % sans que la pédagogie soit modifiée.

Certes. Il ne s’agit pas d’oublier les intérêts légitimes des écoliers français mais l’organisation pédagogique doit faire face au problème. L’ancien recteur dit qu’il est impératif que les obstacles soient levés dès les premières classes du primaire : cours préparatoire et cours élémentaire première année. Mme Saunier-Séïté suggère un cycle spécial de deux années où serait dispensé un enseignement intensif de la langue française aux enfants étrangers de toutes les origines ethniques et linguistiques. En même temps, il faudrait introduire les disciplines de base de l’enseignement. Tous les enfants se retrouveraient dès le cours élémentaire deuxième année.

Alice Saunier-Séïté considère qu’ainsi, on s’armerait contre la ségrégation scolaire dans la mesure où l’Éducation manuelle et sportive resterait commune antérieurement. Le ministre insiste sur le besoin de maîtres expérimentés et motivés pour rendre opérationnel ce système.

Il y en a beaucoup dit-elle et elle ajoute qu’on pourrait y associer de jeunes retraités. II est plus difficile d’appliquer le plan Saunier dans les petites communes industrielles. L’ancien recteur de Champagne-Ardenne prend comme exemple les Ardennes et la Haute-Marne. A l’époque on lui a proposé de regrouper ces enfants dans les centresTerme proposé en lieu et place de ce qui semble être une faute de frappe ou un lapsus calami dans la version originale, voire un terme illisible dans une version manuscrite. urbains et elle s’y est refusée, dénonçant leur retrait de la famille. Alice Saunier-Séïté cite l’exemple d’un véhicule doté de cabines audiovisuelles financé par le conseil général des Ardennes sous la direction d’un spécialiste qui circulait d’une commune à l’autre pour apprendre aux enfants d’immigrés les rudiments de français afin de prévenir le retard scolaire dû à la méconnaissance de la langueAu début des années 1970, de nombreux instituteurs conseillaient aux immigrés de parler français à leurs enfants, ce qui est aujourd’hui déconseillé comme contre-productif pour un bon apprentissage du français..

Alice Saunier-Seïté ne considère pas que son plan est limitatif mais elle entre en campagne sur la responsabilité des pouvoirs publics dans la formation de tous les enfants vivant en France.

Hervé Chabaud, «Ancien recteur de l’académie de Reims Alice Saunier-Seïté parle de l’école et des immigrés», L’UnionQuotidien régional rémois, issu de la résistance, appartenant alors au groupe Hersant et lu dans la Marne, l’Aisne et les Ardennes (sous le nom l’Ardennais). L’Union utilisa en 1944 les presses de l’ancien Éclaireur de l’Est du député-maire radical et ancien Garde des Sceaux Paul Marchandeau, quotidien supprimé par l’ordonnance de 1944 en raison de sa parution après le 25 juin 1940., 11 mars 1986.