Article de l’Action française approuvant le statut des juifs

Charles Maurras a salué hier la nouvelle réforme du gouvernement du Maréchal.

Comme on a pu le lire, l’article 4 de la loi prévoit que les professions libérales seront protégées : des règlements d’administration publique fixeront la proportion de juifs qui pourront y être admis.

Nous espérons que ces règlements pour le barreau et les professions médicales ne  tarderont pas à paraître. Nous proposerions volontiers que le pourcentage autorisé soit le même que celui de la proportion des juifs qui habitaient la France au moment de la loi Grégoire qui leur donna la nationalité française. Tous ceux qui sont arrivés en France depuis la Révolution y sont pour la plupart entrés comme de simples parasites.

Un point doit attirer l’attention : la loi n’a pas prévu de sanction pour les fausses déclarations et pour les tentatives de fraudes. Nous pensons que cette lacune sera bientôt comblée. De toutes façons, il importe qu’au plus tôt ait lieu le recensement de tous les Français ayant deux grands-parents juifs et de ceux qui ont contracté mariage avec des juifs.

Nous demandons aussi que tous les juifs qui ont été autorisés par le Conseil d’État à changer de nom depuis cinquante ans et leurs descendants soient obligés à reprendre leur nom primitif. Bien entendu, à l’avenir, tout changement de nom devra être interdit aux juifs.

On y verra plus clair.

L’Action Française, dimanche 20 octobre 1940. Page 1.

Y https://gallica.bnf.fr/L’ Action Française, 20 octobre 1940


Commentaires

Le texte ci-dessus est un extrait d’un article non signé publié en page 1 du numéro de l’Action Française du dimanche 20 octobre 1940. Il s’agit de la deuxième partie d’un petit article titré « Les ressortissants étrangers  de race juive pourront être placés dans des camps de concentration » qui commente la promulgation de la loi portant statut des juifs du 3 octobre et celle du 4  octobre  sur l’internement des juifs étrangers, publiées  au Journal Officiel le 18 octobre 1940.

La veille, dans son numéro du 19 octobre, l’Action Française s’était réjouie de la promulgation du statut des juifs par une phrase sans équivoque : « le gouvernement dans son œuvre de reconstruction nationale a dû, dès les premiers jours, étudier le problème des juifs… » (A.F, 19/10/1940, p.1). En page 2, on trouve aussi le texte intégral du statut tel qu’il a été publié au Journal Officiel.

Cette approbation apportée par l’organe d’extrême-droite à la politique antisémite du « Maréchal » n’est évidemmment pas une surprise. L’antisémitisme est au cœur de l’idéologie du « nationalisme intégral » maurrassien depuis ses origines et l’Action Française voit ici un de ses vœux les plus chers exaucés par le gouvernement de Vichy : la réduction drastique de la place des juifs dans la société française par la vertu d’une loi discriminatoire.

L’extrait ci-dessus est bref mais intéressant car son auteur, sans peut-être s’en rendre compte, nous offre un petit aperçu de quelques clichés antisémites  de son époque.

Il se réjouit de la mise en place de mesures dans les professions médicales (les médecins) et juridiques (les avocats), permettant de limiter le nombre de juifs pouvant exercer dans ces domaines. On remarquera qu’il propose de réduire les quotas en prenant pour base démographique la population juive qui avait obtenu la citoyenneté française pleine et entière en septembre 1791. Il n’y avait en France, à l’époque de la Révolution, que quelques dizaines de milliers de juifs ; prendre cette base de calcul reviendrait donc  à réduire à pas grand chose le nombre de médecins ou avocats juifs autorisés à exercer…

La justification est donnée à la ligne suivante : la plupart des juifs sont issus de l’immigration et sont des « parasites » ; préjugé ressassé depuis des décennies depuis la publication de « La France juive » d’Édouard Drumont (1). Argument pourtant  contradictoire : si les juifs sont des parasites dans la société française, alors pourquoi vouloir limiter par la loi leur nombre dans la médecine, profession   dont  aucune personne dotée de bon sens  ne songerait à nier l’utilité sociale…

L’auteur réclame ensuite une application rigoureuse de la loi pour éviter « les fausses déclarations et les tentatives de fraude » et que ceux qui ont changé de nom reprennent leur « nom primitif ». Le juif, tous les antisémites vous le diront !, est sournois, menteur et malhonnête ; il se cache et agit dans l’ombre et la loi permettra de le démasquer afin « d’y voir plus clair »

Enfin, il est nécessaire, toujours pour y « pour y voir plus clair », « qu’au plus tôt ait lieu le recensement de tous les Français ayant deux grands-parents juifs et de ceux qui ont contracté mariage avec des juifs ». Sur ce dernier point, le vœu de l’auteur sera exaucé au delà de ses espérances…

(1)  https://clio-texte.clionautes.org/aux-sources de l’antisémitisme moderne en France-extrait de la France juive d’Edouard Drumont 1886