Les Indiens sont des hommes

« Considérant que les Indiens, étant de véritables hommes, non seulement sont aptes à recevoir la foi chrétienne, mais encore, d’après ce que nous savons, la désirent fortement (…), nous décidons et déclarons, nonobstant toute opinion contraire, que lesdits Indiens (…) ne pourront être d’aucune façon privés de leur liberté ni de la possession de leurs biens (…) et qu’ils devront être appelés à la foi de Jésus-Christ par la prédication de la parole divine et par l’exemple d’une vertueuse et sainte vie.

Paul III, bulle Sublimis Deus, 1537.


L’œuvre « civilisatrice » des Espagnols en Amérique

« Des ecclésiastiques envoyés par le roi ont enseigné aux Indiens la doctrine chrétienne qui conduit au salut. De plus, la justice royale est telle que personne ne peut plus nuire au voisin, et que les meurtres, les sacrifices si fréquents naguère, ont désormais disparu. Les Indiens peuvent circuler en sécurité sur toutes les routes et vaquer en paix à leurs occupations. Le Roi les a libérés du portage et de la servitude, leur a fait connaître le pain, le vin, l’huile et bien d’autres vivres, les vêtements de laine, de soie, de lin, les chevaux, les vaches, des outils, des armes et de nombreux objets venus d’Espagne ; il leur a fait apprendre certains métiers, certains commerces qui les font très bien vivre. Les mêmes avantages attendent les Indiens qui embrasseront notre Sainte Religion et rendront hommage à notre Roi. »

Ordonnance générale de Philippe Il (1573).


Evangélisation et défense des Mayas

« Les religieux travaillèrent à apprendre la langue du pays [Yucatan, maya], qui était fort difficile. Celui qui la sut le mieux fut frère Luis de Villalpando qui commença à l’apprendre avec des signes et des petites pierres ; il la coordonna en une sorte de grammaire et écrivit un catéchisme de la doctrine chrétienne dans cette langue, bien qu’il rencontrât beaucoup d’obstacles de la part des Espagnols qui étaient les maîtres absolus de la contrée, et qui ne voulaient autre chose que ce qui favorisait leurs intérêts. Les Indiens, de leur côté, ne cherchaient qu’à demeurer dans leur idolâtrie et leurs festins, et le travail était d’autant plus grand à leur égard, qu’ils étaient plus disséminés dans les bois.
Les Espagnols voyaient, d’ailleurs, avec chagrin que les religieux s’occupassent à construire des monastères : ils chassaient les fils des Indiens de leurs domaines, afin de les empêcher de se rendre au catéchisme, et ils brûlèrent deux fois le monastère de Valladolid avec son église, qui était de bois, couverte en paille. Ce fut au point que les religieux se virent obligés de vivre parmi les Indiens, et que lorsque ceux de cette province se soulevèrent, les Espagnols écrivirent au vice-roi don Antonio, qu’ils s’étaient révoltés par amour pour les moines ; mais le vice-roi s’étant enquis des faits, vérifia qu’à l’époque où eut lieu ce soulèvement, les religieux n’étaient pas encore arrivés dans ce département. On alla jusqu’à surveiller ces derniers durant la nuit, au grand scandale des Indiens, et à s’enquérir de leur vie privée, leur ôtant les aumônes qu’ils avaient reçues.
Les religieux considérant le danger, envoyèrent un des leurs à un juge singulièrement intègre, Cerrato, président de Guatemala, afin de lui rendre compte de que qui se passait. Ce magistrat voyant le désordre et la conduite si peu chrétienne des Espagnols, qui levaient tous les tributs possibles contre la volonté du roi, aggravant le service personnel des Indiens de toutes les manières, jusqu’à les louer même comme des bêtes de somme, établit un tarif, élevé à la vérité, mais supportable ; il faisait connaître ce à quoi l’Indien avait droit, après qu’il avait payé son tribut à son propriétaire, de manière à ce que l’Espagnol ne pût pas s’attribuer tout. Mais on interjeta appel à ce sujet ; car par crainte de la taxe, les Espagnols obligèrent les Indiens à payer encore davantage qu’auparavant. »

in Diego de Landa, Relation des choses du Yucatan, Durand, Paris, 1864 (1566), p. 95-99, ch. XVII
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