Sur l’Inde traditionnelle, voyez [->5209]

L’Inde et le marxisme

« La grande crise économique mondiale semblait justifier l’analyse marxiste. Alors que toutes les autres théories tâtonnaient dans le noir, seul le marxisme en offrait une explication à peu près satisfaisante et proposait une vraie solution (…).

Il me semblait évident que le nationalisme resterait la force agissante principale tant que l’on n’aurait pas atteint un certain degré d’émancipation politique. Le Congrès, pour cette raison, avait été et demeurait (à part certaines sphères ouvrières) l’organisation d’avant-garde de l’Inde, comme il était la plus puissante. Durant les treize dernières années, sous l’impulsion de Gandhi, il avait provoqué un extraordinaire éveil des masses et, malgré son idéologie vague et bourgeoise, servi une cause révolutionnaire. Il n’avait pas encore fini d’être utile, et ne cesserait probablement de l’être que lorsque la poussée nationaliste ferait place à la poussée sociale. Abandonner le Congrès, c’eût été, me semblait-il, se dissocier de l’aspiration la plus vitale de la nation, émousser notre arme la plus puissante, gaspiller peut-être notre énergie dans de vaines aventures (…).

Les communistes, en Inde, ont lié leur sort à celui des travailleurs de l’industrie citadine. Ils connaissent mal les campagnes, n’ont que peu de contacts avec elles. Les travailleurs industriels, dont l’importance ne cessera de grandir chez nous, n’en passent pas moins après les paysans, car le grand problème de l’Inde présente reste celui de la paysannerie. Les militants du Congrès, à l’opposé, se sont répandus à travers les campagnes et le Congrès, sur sa lancée actuelle, doit normalement devenir une vaste organisation paysanne. Le paysan persiste rarement dans ses humeurs révolutionnaires, une fois son but immédiat atteint; et, il est vraisemblable que, un jour ou l’autre, l’Inde verra à son tour se poser le problème habituel: ville contre village, ouvrier contre paysan.  »

Extrait de Nehru, « Une autobiographie » , 1936.

Résolution Quit India (Parti du Congrès, août 1942)

« [Le Parti du Congrès] pense que de récents évènements viennent de démontrer clairement que la domination anglaise en Inde doit cesser aussi vite que possible. (…) La puissance de cette domination est avilissante, affaiblit l’Inde et la rend de moins en moins capable de se défendre d’abord et de défendre ensuite la cause de la liberté. (…)

L’Inde, cette victime type de l’impérialisme moderne, est devenue le nœud de l’affaire, car c’est de la libération de l’Inde que l’on jugera l’Angleterre et les Nations unies et que les peuples d’Asie et d’Afrique trouveront source d’enthousiasme et d’espoir.

La fin de la domination britannique sur ce pays est donc une question vitale et primordiale ; de son dénouement proche dépendront l’avenir de la guerre et le triomphe de la liberté et de la démocratie. (…)

Dès la déclaration de l’indépendance de l’Inde, un gouvernement provisoire sera formé et l’Inde libre deviendra l’alliée des Nations unies, partageant avec elles ses entreprises et ses épreuves, dans le combat commun pour la liberté. »

Décolonisation de l’Inde, Déclaration d’Attlee

C’est parmi les peuples asiatiques que se développe d’abord le processus d’émancipation. L’Angleterre a accompli la premier geste en prenant la décision de quitter l’Inde (où l’agitation n’avait pas cessé durant la guerre). Le 20 février 1947, le Premier ministre Attlee déclarait aux Communes :

« Depuis longtemps, la politique des gouvernements britanniques successifs a été de travailler à la réalisation du self-government dans l’Inde. En fonction de cette politique, une responsabilité croissante a été dévolue aux Indiens et, aujourd’hui, l’administration civile et les forces armées indiennes sont dans une large mesure aux mains de fonctionnaires et d’officiers indiens. En matière constitutionnelle, les lois de 1919 et 1935 votées par le Parlement britannique représentent un substantiel transfert de pouvoir politique. En 1940, le gouvernement de coalition reconnut que les Indiens devaient se donner eux-mêmes une nouvelle Constitution pour une Inde pleinement autonome et, par l’offre de 1942, il les invita à établir une Assemblée constituante dans ce but aussitôt que la guerre serait terminée.

Le gouvernement de Sa Majesté croit que cette politique a été juste et en accord avec les principes démocratiques. Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, il a fait son possible pour la conduire vers sa réalisation.

Le Premier ministre dans sa déclaration du 15 mars dernier, appuyé par l’approbation du Parlement et du peuple, a spécifié qu’il appartenait au peuple indien lui-même de choisir son futur statut et sa Constitution et que le gouvernement pense que le moment est venu de faire passer la responsabilité du gouvernement de l’Inde dans des mains indiennes.

Il est soucieux de transférer ses responsabilités à un gouvernement qui, reposant sur la base solide de l’appui populaire, soit capable de maintenir la paix et d’administrer l’Inde avec justice et efficacité. Il est dès lors essentiel que tous les partis mettent fin à leurs différends pour être prêts à prendre en charge les grandes responsabilités qui leur incomberont l’année prochaine (…)

S’il apparaissait que la Constitution ne peut être élaborée par une Assemblée pleinement représentative avant juin 1948, le gouvernement de S.M. aurait à étudier à qui les pouvoirs du gouvernement central dans l’Inde britannique devraient être transmis, à la date voulue, soit intégralement à un gouvernement central, soit dans certaines régions aux gouvernements provinciaux existants, soit de toute autre façon qui pourrait sembler raisonnable et conforme aux intérêts du peuple indien. »

Extrait de Jacques Dalloz, « Textes sur la décolonisation », PUF, Paris, 1989

L’Inde

Bilan de la démocratie indienne vers 1960.

« Il est incontestable, à la fin des années 50, que l’Inde a réussi son indépendance. Les formidables menaces qui pesaient sur la survie et l’unité du pays, afflux des réfugiés, guerre frontalière, marasme économique, morcellement politique, ont été levées. Le pays s’est donné un corps d’institutions, une politique de développement, une personnalité internationale… L’Inde est un des rares pays du Tiers Monde où fonctionne un véritable système démocratique. Contrairement à bien des pronostics, cette démocratie a survécu à la mort de son fondateur, Nehru, et ne semble menacée, dix ans plus tard, ni par une révolution ni par un coup d’Etat… Pour beaucoup, l’expérience indienne fait contrepoids à l’expérience chinoise, et son issue, réussite ou échec, aura valeur exemplaire. »

J. Pouchepadass, L’Inde au XXe siècle, p. 180, PUF, 1975