Indira Priyadarshini Nehru est née le 19 novembre 1917 à Allahabad (actuel État de l’Uttar Pradesh), en Inde britannique dans une famille brahamane. Son père n’est autre que Jawaharlal Nehru, secrétaire général du Parti du Congrès et futur Premier ministre de l’Inde après son indépendance le 15 août 1947 ; sa mère, Kamala Nehru, décède des suites de la tuberculose en 1936 en Suisse où la famille est installée à partir de 1926. Fille unique, Indira est scolarisée notamment l’école internationale de Genève puis à celle de Bex avant d’intégrer, laborieusement, Oxford en 1937. Elle apprend rapidement le français et a l’occasion de voyager en Europe. Spectatrice de fait de la vie politique en Inde, elle ne tarde pas à s’investir personnellement, dès son adolescence. En 1930, Indira fait la connaissance de Feroze Gandhi qu’elle finit par épouser en 1942.
Très active auprès de son père devenu Premier ministre de l’Inde, elle entre au comité exécutif du Congrès et participe à la conférence de Bandung, ainsi qu’à l’organisation des élections législatives de 1957. Le 2 , elle est élue présidente du Congrès, en dépit de l’opposition de son père. À la mort de ce dernier, elle est pressentie pour lui succéder mais Indira doit se contenter du poste de Ministre de l’information, tout en devenant par ailleurs la personnalité forte voire incontournable du nouveau gouvernement. En 1966, Indira Gandhi devient Premier ministre de l’Inde, fonction qu’elle cumule avec les postes de Ministre des Affaires extérieures de 1967 à 1969, puis des finances en 1970.
Au moment où Indira Gandhi prononce ce discours, cela fait 8 ans qu’elle dirige l’Inde. En 1972, elle parvient à mettre fin au conflit avec le Pakistan. Tout en étant l’incarnation aux yeux des uns de la déesse Durga, de l’autre elle fait face à la montée de la contestation. Pour autant, sa ligne politique s’inscrit dans la droite ligne de celle de son père : socialiste, non alignée et laïque.
La question des femmes fut également une autre de ses préoccupations comme en témoignent les extraits de ce discours qu’elle prononça en novembre 1974 devant les étudiantes du collège d’Indraprastha.
Un ancien proverbe sanscrit dit que la femme c’est la maison, et la maison la base de la société. Autrement dit, c’est en construisant nos maisons que nous pourrons construire notre pays. Si la maison est inadaptée (inadaptée par manque de biens matériels et d’équipements ou bien inadaptée en termes d’atmosphère, sans la bienveillance et l’amour qui permettent l’épanouissement de l’enfant), alors ce pays n’atteindra pas d’harmonie. Or, un pays sans harmonie ne va nulle part.
C’est pourquoi l’éducation des femmes est presque plus importante que l’éducation des garçons et des hommes. Nous (et par « nous », je n’entends pas seulement « nous en Inde », mais dans le monde entier) avons négligé l’éducation des femmes. On ne s’en préoccupe que depuis peu. Bien sûr, en ce qui me concerne, quand j’étais enfant, on parlait beaucoup des débuts de l’éducation des femmes en Angleterre. Tout le monde se souvenait de ses débuts.
[…] Aujourd’hui, l’accès à l’éducation est un acquis, mais le débat actuel qui divise le pays porte sur le fait de savoir si cette éducation est adaptée aux besoins de notre société et aux besoins de nos jeunes. Je fais partie de ceux qui pensent qu’il est toujours important de réformer le système éducatif en profondeur. Mais je pense aussi que tout n’est pas à jeter dans notre système, qu’il a produit des hommes et des femmes de grande qualité, en particulier des scientifiques et des experts dans différents domaines, courtisés partout dans le monde, y compris dans les pays les plus développés. Beaucoup de nos jeunes quittent le pays et partent à l’étranger pour obtenir des salaires plus élevés, de meilleures conditions de travail.
[…] Notre pays est un pays très riche. Il est riche de sa culture, riche de ses traditions ancestrales comme de ses traditions plus récentes. Bien sûr, notre pays souffre également de maux importants, dont certains imprègnent la société. Parmi eux, la superstition, qui n’a cessé de se développer au cours des années, et qui s’impose parfois au détriment des pensées et des valeurs éternelles de l’Inde. Mais également la pauvreté matérielle dans laquelle vit une grande majorité d’entre nous, cette pauvreté qui entrave le développement de millions de jeunes garçons et de jeunes filles. Nous devons lutter contre ces maux, et c’est cette lutte que nous poursuivons depuis l’Indépendance. […] Certains sont liés à nos traditions car toutes ne sont pas nécessairement bonnes. Et l’une des plus grandes responsabilités des femmes éduquées aujourd’hui est de parvenir à opérer une synthèse entre, d’une part les valeurs intemporelles de nos traditions anciennes et, d’autre part, ce que la modernité peut avoir de bénéfique et de précieux. Tout ce qui est moderne n’est pas nécessairement bon à prendre ; de même, tout ce qui est ancien n’est ni entièrement bon ni entièrement mauvais. Nous devons décider, non pas une fois pour toutes, mais au cas par cas, ce qui dans le moderne est utile pour notre pays, et ce qui dans l’ancien peut être conservé et entériné. Qu’est-ce qu’être moderne ? Pour beaucoup, cela se résume à une façon de s’habiller, de parler ou à certains usages. Mais ce n’est pas vraiment cela être moderne. Ce n’est là que la part la plus superficielle de la modernité.
Prenons un exemple : lorsque je me suis coupée les cheveux, c’était lié à mon mode de vie. Nous étions tout le temps en mouvement. Il était tout simplement impossible d’avoir les cheveux longs et de se rendre constamment dans les villages pour les laver. Quand vous menez un certain style de vie, si vous voulez être efficaces, vos vêtements mais aussi tous les aspects de votre quotidien doivent s’y conformer. Si vous devez vous déplacer dans des villages et que vous vous inquiétez de salir vos vêtements, alors il vous sera impossible de bien travailler. Il faut oublier ce genre de considération. C’est pour cela que, peu à peu, les habitudes vestimentaires ont évolué dans certains pays, parce que le mode de vie lui-même évoluait. Est-ce que cela nous correspond ? Est-ce que nous le souhaitons ? Si oui, alors peut-être devrons-nous adopter certains de ces changements, pas seulement parce que cela se passe ainsi dans d’autres pays, et peut-être même pour d’autres raisons. Mais peu importe le type de vêtements que nous portons. Ce qui est important, c’est notre manière de penser.
[…] Aucun travail n’est inutile, personne n’est insignifiant. Tout le monde a un rôle à jouer. Et si chacun donne le meilleur, alors le pays pourra fonctionner. Dans notre système de croyances fondé sur la superstition, nous pensons que certains types de travail sont sales. Balayer, par exemple, a pu être considéré comme un travail sale. Seule une certaine catégorie de personnes pouvait le faire, les autres, non. Or, nous avons découvert récemment que le fumier est l’un des biens les plus précieux dont le monde dispose aujourd’hui. de nombreuses économies mondiales vacillent devant la pénurie de fertilisants chimiques mais aussi de fumier ordinaire, des choses traditionnellement considérées comme sales.
Indira Gandhi, Ce que les femmes instruites peuvent faire, discours prononcé lors du jubilé du Collège pour femmes d’Indraprastha, New Delhi, 23 novembre 1974
L’intégralité du discours en anglais peut être consulté ICI