La réforme de l’instruction primaire fut l’un des chantiers les plus ambitieux de la seconde République espagnole. Au delà de l’objectif de scolariser l’ensemble des enfants à partir de 6 ans et de supprimer l’analphabétisme, le projet était aussi politique : il s’agissait de former les citoyens et citoyennes de demain afin d’ asseoir la démocratie en Espagne ; et aussi de combattre l’influence jugée excessive de L’Eglise espagnole, par la création d’un enseignement public laïc.
On comprend dès lors que le régime franquiste ait eu à cœur, une fois la victoire assurée, de restaurer un système scolaire conforme à sa vision de la société.
Le premier texte, normes pour l’école élémentaire, a valeur de loi scolaire nationale et s’impose donc à toutes les écoles du pays. Il est daté du 16 mai 1939, un mois et demi après la fin officielle de la guerre civile, en pleine euphorie de la Victoire dans le camp franquiste. La concordance des dates n’est pas anodine : il s’agit, certes, de revenir au plus tôt à la normale, mais surtout de restaurer un système scolaire conforme aux principes du national-catholicisme. Les écoles sont placées sous le double protection de la sainte Vierge et du Caudillo et le maître a pour fonction première de former de bons Espagnols catholiques et patriotes.
Le deuxième texte est extrait d’un manuel scolaire en usage dans les écoles primaires de l’Espagne franquiste, à partir de 1941. Vu l’état de misère du pays après la guerre, on peut supposer qu’il a été en usage de nombreuses années. C’est un bel exemple d’instrumentalisation de l’histoire à des fins de propagande et d’endoctrinement de la jeunesse et il participe aussi au culte de la personnalité de Franco, dont le rôle providentiel de sauveur de l’Espagne est mis en exergue. Mais quel en fut la portée véritable dans un pays où les classe de 50 élèves n’étaient pas rares et les maîtres et maîtresses d’école étaient souvent peu formés ?
Normes pour l’école élémentaire, mai 1939
L’opprobre d’une école laïque est terminée. Afin de former d’authentiques Espagnols, croyants et patriotes austères, l’Espagne resurgit, glorieuse, grâce à l’effort déterminé et gigantesque de ses enfants, de ceux qui sont morts joyeusement pour elle, de ceux qui se sont sacrifiés pour elle et ont voulu lui donner le meilleur et le plus splendide de leur vie. L’École doit baigner dans l’atmosphère héroïque des jeunes qui ont été menés à la victoire par le Caudillo. […]
1. La remise en place du Saint Crucifix marque l’ouverture de l’année scolaire, qui sera rapide et immédiate.
2. En plus du portrait du Caudillo, il y aura dans la salle de classe une image de la Vierge , de préférence de l’Immaculée Conception, et dans un lieu privilégié. `[…]
4 – En entrant dans l’école, les enfants salueront avec le traditionnel « Je vous salue Vierge Marie », auquel l’enseignant répondra : « Conçue sans péché ». […]
6. La cérémonie de lever le drapeau avant de commencer les cours et de le baisser à la fin, pendant que l’hymne national est chanté, est obligatoire pour toutes les écoles.
7. Afin de respecter le précepte d’assister à la messe le dimanche, les enfants, présents avec leurs maîtres devant, se rendront à l’église où les Organisations de Jeunesse la célèbrent. […]
Normes pour l’école élémentaire. 16 mai 1939. Année de la Victoire.
Texte 2 : extrait d’un manuel d’enseignement primaire édité en 1941
Ce fut alors que le général Franco, face une atmosphère de « boue, de sang et de larmes », devint l’interprète de l’indignation nationale et se souleva en Afrique, à la tête de l’armée. Pour cette raison, notre territoire se trouva divisé en deux parties : la dénommée Zone Nationale, dirigée par le grand Caudillo, qui est soutenue par l’Espagne traditionnelle et catholique, et celle qui fut appelée la Zone Rouge, qui ne fut pas dirigée par les Républicains, mais par les marxistes et par d’autres gens sans loi, sans Dieu et sans patrie.
José Udina Cortiles, Encyclopédie Cami. Cours complet d’enseignement primaire selon l’ordre cyclique . Barcelone 1941.