Esclaves francs


« Un jour, alors que je chevauchais aux côtés du sultan face aux Francs, un éclaireur de l’armée vint à nous avec une femme qui sanglotait en se frappant la poitrine. « Elle est sortie de chez les Francs, nous expliqua l’éclaireur, pour rencontrer le maître, et nous l’avons amené » Saladin demanda à son interprète de l’interroger. Elle dit : « Des voleurs musulmans sont entrés dans ma tente et ont volé ma petite fille. J’ai passé toute la nuit à pleurer, alors nos chefs m’ont dit : « Le roi des musulmans est miséricordieux, nous te laisserons aller vers lui et tu pourras demander ta fille. » Alors je suis venue et j’ai mis tous mes espoirs en toi. » Saladin fut ému et des larmes lui vinrent aux yeux. Il envoya quelqu’un au marché des esclaves pour chercher la fille et moins d’une heure après un cavalier arriva portant l’enfant sur ses épaules. Dès qu’elle les vit, la mère se jeta à terre, se barbouilla le visage de sable et tous les présents pleuraient d’émotion. Elle regarda vers le ciel et se mit à dire des choses incompréhensibles. On lui rendit donc sa fille et on la raccompagna au camp des Francs.

Chronique de Bahâ ad-Dîn. Extrait de F. Gabrieli, Chroniques arabes des croisades, Sindbad, 1977