Cassiodore (en latin Magnus Aurelius Cassiodorus Senator)  est né vers 485 à Scolacium (Calabre) dans une famille de la haute noblesse sénatoriale et il est  mort vers 580, aux alentours de l’actuel hameau de Copanello. Très jeune, Cassiodore commence une carrière politique. Il est successivement questeur, consul, gouverneur de Lucanie, maître des offices et préfet du prétoire. Lors de l’effondrement du royaume ostrogoth, il renonce à ses charges et se retire dans son Monastère du Vivarium, situé dans l’actuelle province de Catanzaro en Calabre, dont il fit un important foyer de culture. C’est dans ce contexte qu’il rédige les Variae, un recueil de 468 lettres, circulaires et formules officielles réparties en 12 livres et  classées dans un ordre chronologique allant de 506 à 537. Les Variae sont donc une source précieuse pour appréhender le mode de fonctionnement du Royaume ostrogoth [493-553]. Non datés, les textes de Cassiodore semblent concerner les premières années du règne de Théodoric au moment où ce dernier cherche à mettre en place de nouvelles institutions. 

Dans l’extrait choisi, Cassiodore revient sur la charge instituée par l’Empereur Théodoric le Grand [455-526] pour trancher les procès entre les Goths, mais aussi ceux qui opposent les Goths et les Romains. D’après ce texte, Théodoric en profite pour exprimer une préoccupation majeure : la coexistence de deux peuples réunis sous son autorité fondée sur un intérêt commun et basée sur une loi, une solidarité et des services partagés. 


[…] Comme nous savons que, Dieu aidant, les Goths habitent mêlés à vous, nous avons jugé nécessaire, afin qu’aucun désordre ne naisse, comme il arrive entre gens qui partagent le même territoire, de vous envoyer comme comte cet homme sublime, recommandé à nous par ses bonnes mœurs, qui devra trancher selon nos édits tout procès entre deux Goths ; si un différend vient à s’élever entre un Goth et un Romain, il s’adjoindra un Romain compétent, pour résoudre le conflit de façon équitable ; entre deux Romains ces derniers s’en rapporteront aux juges que nous avons délégué dans les provinces : ainsi chacun conservera son droit propre et, sous la diversité des juges, une seule justice sera rendue à tous les hommes.

Ainsi dans la paix commune, l’une et l’autre nation jouiront, par la divine Providence, d’une douce tranquillité. Sachez que nous avons pour tous une égale affection, mais celui-là ne se recommandera davantage à nos bonnes intentions qui aura aimé la loi d’une volonté pleine de mesure. Nous n’aimons pas ce qui est contraire à la légalité, nous détestons l’orgueil criminel et ses auteurs ; notre piété exècre les violents ; dans les différends, que l’emporte le droit, non les bras, car pourquoi choisiraient-t-ils d’avoir recours à la violence, ceux qui savent pouvoir disposer des jugements des tribunaux ? Si nous donnons des émoluments au juge, si nous entretenons tant d’offices par des largesses diverses, c’est pour qu’entre vous vous ne laissions rien se développer qui puisse aller jusqu’à la haine. Qu’un même désir pour l’organisation de votre vie vous possède, vous sur lesquels est établi un même pouvoir. Que l’un et l’autre peuple entendent ce que nous avons dans le cœur : que les Romains qui sont pour vous des voisins dans la possession du sol, vous soit de même unis par les liens de l’affection ; quant à vous, Romains, vous devez chérir les Goths de grand cœur, eux qui pendant la paix forment avec vous une population nombreuse et qui en temps de guerre défendent l’État tout entier. C’est pourquoi il convient que vous obéissiez au juge que nous vous avons envoyé et que par tous les moyens vous exécutiez ce qu’il aura décidé pour la sauvegarde des lois ; c’est ainsi que vous vous trouverez avoir servi vos propres intérêts en même temps que notre pouvoir.

Cassiodore, Variae VII, 3 MGH, Auctores Antiquissimi, Tome 12, Hanovre, 1894, éditions Mommsen, Th. , p. 202-203

 

L’Occident autour de l’an 500 Source : Ivan Bondarev — Florian Louis, Atlas historique de la Méditerranée, édition Autrement, 2022.