Les résolutions de la conférence de Londres du 26 avril 1915
Voici les 15 principales résolutions du traité secret entre l’Italie et les Alliés le 26 avril 1915:
Rendu public pour la première fois par les Izvestia , le 28 février 1917, sous le titre « Les résolutions de la conférence de Londres du 26 avril 1915″.
» L’ambassadeur d’Italie à Londres, le marquis Imperiali, sur ordre de son gouvernement, a l’honneur de communiquer les observations mémorables qui suivent au ministre britannique des Affaires étrangères, sir E. Grey, à l’ambassadeur de France, M. Jules Cambon, et à l’ambassadeur de Russie, le comte Beckendorff :
1- Entre les États-Majors de France, de Grande-Bretagne, de Russie et d’Italie, une convention militaire sera conclue dans le plus bref délai. Cette convention déterminera le minimum des forces armées que la Russie mettra en mouvement contre l’Autriche-Hongrie dans le cas où le pays dirigerait ses forces contre l’Italie, et où la Russie aurait décidé de jeter ses forces surtout contre l’Allemagne. Cette convention militaire devra aussi régler les questions relatives à l’éventuel armistice dans la mesure où ces questions relèveront de la compétence des commandants en chef des armées.
2- L’Italie s’engage, d’autre part, à conduire la guerre avec toutes ses forces disponibles aux côtés de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie contre les pays avec lesquels ces puissances sont en guerre.
3- Les forces maritimes de la France et de la Grande-Bretagne accorderont une aide sans faiblesse et active à l’Italie pour l’anéantissement de la flotte autrichienne, du moins jusqu’à la conclusion de la paix. La France, la Grande-Bretagne et l’Italie concluront à cet effet sans délai une convention maritime.
4- Lors de la conclusion de la paix, l’Italie obtiendra la région du Trentin, tout le Tyrol du Sud, jusqu’à la frontière naturelle, c’est-à-dire le Brenner, la ville et la région de Trieste, les comtés de Gorizia et Gradisca, toute l’Istrie, jusqu’au Quarnero, Volosca et les îles Chesro et Lussin et les petites îles Plavnica, Unie, Canidole, Palazzoli, ainsi que les îles Saint-Pierre de Nembi, Azinello et Gruica, avec les îles voisines.
5- L’Italie obtiendra la province de Dalamatie, sous sa forme actuelle, y compris, au nord, Lissarik et Trebinje, ainsi que les îles situées au nord et à l’ouest de la côte dalmate ; la côte au sud de Raguse, la base de Cattaro (Kotor) comprise, sera neutralisée ; par conséquent, les droits relatifs du Monténégro, reconnus par la déclaration de 1909, seront annulés, à l’exception de la partie de la côte, à partir de la baie de Volosca, jusqu’à la frontière d’Istrie et à la frontière nord de la Dalamatie, y compris la partie de la côte appartenant à présent à la Hongrie, toute la côte de Croatie, leport de Fiume, les îles Velia, Pervicchio, Gregorio, Goli et Arbe seront attribués à la Croatie. Au sud, auquel la Serbie et le Monténégro sont intêressés, la côte, à partir du cap Planka jusqu’au fleuve Drina, avec les forts de Spalato, Raguse, Cattaro, Antivari, Dilcigno et San Giovanni di Medina, sera attribuée à ces pays. Le port de Durazzo pourrait être attribué à l’Albanie indépendante.
6- L’Italie obtient la pleine possession de Valona, l’île Sasseno et leur région indispensable à sa sécurité.
7- L’Italie ne s’opposerait pas au partage des régions frontalières nord et sud de l’Albanie entre la Serbie, le Monténégro et la Grèce, si tel était le souhait des puissances alliés. L’Italie aurait le droit de diriger les relations extérieures de l’Albanie.
8- L’Italie reçoit la pleine possession des îles Dodécanèse, qu’elle occupe.
9- La France, la Grande-Bretagne et la Russie reconnaissent fondamentalement l’intérêt de l’Italie à maintenir l’équilibre de la Méditerranée et son droit à avoir, lors d’un partage de la Turquie, la même participation à la Méditerranée, notamment dans la partie adjacente à la province Adalin, où l’Italie a déjà acquis des droits particuliers et développé ses intérêts mentionnés dans la convention italo-britannique.
La zone tombant dans la possession de l’Italie sera, en même temps, délimitée en correspondance avec les intérêts vitaux de la France et de la Grande-Bretagne. De même, les intérêts de l’Italie devront être pris en considération si l’indépendance territoriale de la Turquie est maintenue pour une plus longue durée par les puissances, et on en viendra à une délimitation des sphères d’intérêt respectives. Si la France, la Grande-Bretagne et la Russie occupent pendant la guerre actuelle quelque territoire de la Turquie asiatique, la région avoisinant l’Italie devra être abandonnée à ce pays, qui obtiendra le droit de l’occuper.
10- En Libye, les droits et prétentions qui, aujourd’hui encore, appartiennent au sultan, conformément aux accords de Lausanne, passeront à l’Italie.
11- L’Italie obtiendra la part des indemnités de guerre qui correspondra à la mesure de ses sacrifices et efforts.
12- L’Italie adhère à la déclaration franco-anglo-russe, qui abandonne l’Arabie et les Lieux saints des musulmans à une puissances musulmane indépendante.
13- Dans le cas d’une extension des territoires coloniaux anglais et français aux dépens de l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne reconnaissent en principe le droit de l’Italie à une compensation dans le sens de l’extension de ses possessions en Érythrée, en Somalie, en Libye, et dans les territoires coloniaux avoisinant les colonies anglaises et françaises.
14- La France, la Grande-Bretagne et la Russie s’engagent à soutenir l’Italie dans l’affaire de la non-conclusion de représentants du Saint-Siège à quelques démarches diplomatiques que ce soit, concernant une conférence de paix ou un règlement de questions se rapportant à la présente guerre.
15- Le traité présent doit être tenu secret. En ce qui concerne l’adhésion de l’Italie à la déclaration du 5 septembre, elle sera rendue publique dès que l’Italie déclarera la guerre ou que la guerre lui sera déclarée.
Après avoir pris connaissance de la note mémorable présente, les représentants de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie, autorisés à cet effet, se sont mis d’accord avec les représentants dûment mandatés de l’Italie. La France, la Grande-Bretagne et la Russie déclarent être entièrement d’accord avec la note mémorable qui leur a été présentée par le gouvernement italien.
Cet acte a été signé en quatre exemplaires, le 26 avril 1915, et crédité par les signataires:
Sir Edward Grey,
Jules Cambon,
Marquis Imperiali,
Comte Beckendorff. »
Source: François Fejto, Requiem pour un empire défunt. Histoire de la destruction de l’Autriche-Hongrie, Paris, Éditions du Seuil, 1993, pp. 404-406.
l’Italie aux côtés de l’Entente.
La négociation commence au début de 1915
» L’Italie neutre est, en réalité, partagée en trois camps interventionnistes, neutralistes et » retardistes « . Ces derniers, persuadés que l’intervention est inévitable, voudraient cependant gagner du temps (…). Du côté allemand, on fit tout pour amener un revirement de l’opinion publique italienne qui s’était de prime abord déclarée francophile (…). Les efforts échouèrent ; la neutralité devint un dogme que l’on n’abandonnerait pas, sinon pour libérer les provinces italiennes du joug étranger (…). Rome est devenue le centre des pourparlers et des conciliabules. Jamais on n’y a tant intrigué dans tous les milieux (…). Quand l’Allemagne nomma le prince de Bülow comme ambassadeur, il tenta de gagner à sa cause un illustre homme d’États actuellement « désoccupé », M. Giovanni Giolitti.
M. Giolitti apprit ainsi que l’Allemagne soutiendrait l’Italie dans ses revendications nationales, (…) que l’Autriche serait disposée à céder à l’Italie une partie du Trentin et même la presqu’île de l’Izonzo, pourvu qu’elle maintienne une stricte neutralité (…) .
M. Sonnino Ministre des Affaires Étrangères. a peine à accorder toutes les audiences sollicitées. (…) L’Autriche en effet ne semble pas vouloir entrer dans les vues allemandes (…). Mais le temps presse ; les armements italiens sont terminés (…). Le 15 mars prochain, l’Italie aura 1’100’000 hommes sur pied. De là à la mobilisation générale, il n’y a qu’un pas. »
in » L’Illustration » du 6 mars 1915
L’intervention saluée par Mussolini.
Des groupes minoritaires de droite, d’extrême gauche et de gauche font campagne en faveur de l’intervention ; le socialiste dissident MUSSOLINI se joint au nationaliste D’ANNUNZIO.
» L’Italie se tourne vers l’Ouest et entre dans la Triple Entente. Nous nous sommes délivrés de la lourde tutelle allemande, de la répugnante compagnie des Autrichiens. Nous redevenons nous-mêmes. Une fois encore, la sainte et droite diplomatie du peuple a vaincu ! Nous nous battrons à côté des Français, des Belges, des Serbes, des Anglais, des Russes ; Par notre intervention nous fermerons le cercle de fer et de feu qui entoure les Empires responsables de la conflagration européenne ; nous abrégerons la durée de la guerre, nous vaincrons. Nous vaincrons parce que le peuple veut cette guerre qui est « sa guerre ». L’enthousiasme de ces jours-ci est d’excellent augure, c’est une garantie de victoire. L’Italie retrouve aujourd’hui son calme, sa confiance, sa vigilance (…). Nous avons dispersé les ennemis du dedans, nous écraserons ceux du dehors.
Baïonnettes italiennes : le destin des peuples de l’Europe est confié, avec celui de l’Italie, à votre acier. »
in » Popolo d’Italia » du 17 mai 1915
Un désastre comme résultat : Caporetto.
Le front italien des Alpes, resté secondaire, est enfoncé en 1917.
« L’offensive contre l’Italie, à Tolmino, commença le 24 octobre. Le groupe de Flitsch, sous le commandement du général austro-hongrois von Krauss, et la 14e armée allemande devaient se rendre maîtres du massif montagneux (…) La concentration de la 14e armée allemande (…) très difficile dura des jours et fut divulguée aux Italiens. (…) Au point de vue tactique, Cardona * ne semble avoir pris aucune mesure. Peut-être ne croyait-il pas au succès de l’offensive (…) . Dès le 27 novembre, le front italien du Nord, à la frontière de la Carinthie, et le front de l’Izonzo commençaient à vaciller. Malheureusement le groupe d’armées Boroevic ne poursuivit pas assez énergiquement, si bien qu’un trop grand nombre d’Italiens réussit à s’enfuir (…). Le 30 novembre, 60’000 Italiens furent encore faits prisonniers à l’Est du Tagliamento franchi le 6 décembre, et, dès le 11 nous atteignîmes la Piave (…). Ce fleuve qui était en pleine crue nous arrêtait. Au-delà de la Piave, les Italiens se remettaient en ordre. Les premières troupes franco-anglaises arrivaient à leurs côtés. L’opération contre l’Italie avait atteint tout ce qu’on pouvait espérer. L’armée italienne était battue à fond et avait besoin de ses alliés. L’armée austro-hongroise ainsi que le front ouest étaient soulagés (…). »
in : Général Erich Ludendorff, Souvenirs de guerre , Payot 1920 * Commandant en chef italien.