La Commune de Paris (p. 716)
« Le travail et le commerce reprenaient leur activité et l’on commençait à entrevoir des jours meilleurs, lorsque éclata une insurrection dont les crimes rappelèrent et surpassèrent les horreurs de 1798. Dès le 4 septembre on avait pu pressentir que la révolution irréligieuse et impie chercherait à mettre à profit les événements et que les écoles socialistes et communistes s’appuyant sur cette immense association ouvrière de tous les pays, connue sous le nom d’Internationale, essaieraient de réaliser leurs utopies, même par les moyens les plus violents. La faute commise par le gouvernement qui avait consenti au désarmement de la troupe et qui avait stipulé que la garde nationale conserverait ses armes, fournit à la Révolution l’occasion désirée. Les gardes nationaux des quartiers excentriques, Belleville, Montmartre, La Chapelle, etc., presque tous ouvriers et affiliés à l’Internationale, s’étaient emparés de nombreux canons et mitrailleuses, sous prétexte de les soustraire aux Prussiens qui avaient obtenu d’occuper pendant deux jours le quartier des Champs Elysées. Le gouvernement ayant voulu reprendre ces canons et ces mitrailleuses, les gardes nationaux s’y opposèrent. ; les canons furent gardés, un régiment pactisa avec l’émeute, et le gouvernement, ne se croyant pas capable de tenir dans Paris, abandonna la capitale à elle même (18 mars 1871). L’assassinat des généraux Clément-Thomas [1] et Lecomte [2], à Montmartre, commença la série de crime qui allaient être commis.
La Commune fut proclamée et donnée comme modèle à la France, qui ne devait plus former qu’une vaste fédération de 40.000 communes. On fit un simulacre d’élections, et l’on vit faire partie de la Commune les Delescluze, les Félix Pyat, les Assi, les Raoul Rigault, les Vermorel, les Ferré, les Courbet, etc.., tous révolutionnaires émérites, et détestant non moins la religion que la société. Ils avaient une armée de cent à cent vingt mille hommes, pourvue d’armes et d’artillerie ; ils s’étaient emparés, sans coup férir, des forts de la rive gauche, à l’exception de celui du Mont Valérien, et étaient en état de soutenir un long siège. Il faut citer parmi leurs généraux, la plupart improvisés les Flourens, les Dombrowski, les Rossel, les Eudes, etc. On a remarqué que la plupart des chefs militaires étaient des étrangers ; plus de vingt mille étrangers peut-être combattaient dans les rangs des insurgés, Anglais, Allemands, Italiens, Polonais, Espagnols, etc. Dès les premiers jours, le caractère de cette révolution se dessina clairement : l’irréligion, l’immoralité, le pillage et la cruauté en formèrent les principaux traits. Des hommes attachés à l’ordre voulurent faire une manifestation pacifique sur la place Vendôme ; ils furent accueillis à coup de fusil. Les écoles des Frères et des Sœurs furent fermés ; on remplaça les religieux et les religieuses par des hommes et des femmes sans mœurs ; on proscrivit le crucifix et tout enseignement religieux ; on fit des réquisitions de vivres sans les payer ; on pilla les caisses publiques et les caisses particulières, et Paris revit des orgies pires que celles de la régence et du Directoire : c’était l’enfer même qui semblait s’être emparé de cette malheureuse ville. Enfin, dans l’espoir de se mettre à l’abri des vengeances de la loi, et sans doute aussi pour satisfaire leur haine impie, les chefs de la Commune firent enfermer des prêtres, l’archevêque de Paris en tête, des religieux, des magistrats, d’autres citoyens recommandables qu’ils désignèrent sous le nom d’otages.
Les hostilités entre l’armée de la Commune et l’armée nationale, rapidement reformée à Versailles par M. Thiers sous le commandement du maréchal de Mac-Mahon, guéri de sa blessure reçue à Sedan, commencèrent le dimanche des Rameaux, 2 avril, et se continuèrent pendant deux mois. Ce fut un siège en règle. L’armée Française ne pouvait attaquer que par le côté qui n’était pas occupé par les Prussiens. Les opérations furent poussées avec autant de prudence que de vigueur, pendant que l’attitude de l’autorité faisait échouer en province à Lyon, à Marseille, à Saint-Etienne, etc., les tentatives des hommes de désordres. Les insurgés n’osèrent bientôt plus tenir en rase campagne. Enfin dans la dernière quinzaine de mai, leurs affaires parurent désespérées. Ils avaient déjà perdu beaucoup de monde, et ils sentaient que les jours de la résistance étaient comptés. Alors commencèrent les fureurs et se firent jour les plus abominables projets. La colonne de la place Vendôme fut abattue aux cyniques acclamations d’une foule en délire.
Les forts étaient repris les uns après les autres ; les remparts étaient battus en brèche par une formidable artillerie, et les troupes régulières avançaient méthodiquement et sûrement. Un courageux citoyen hâta le dénouement en faisant savoir qu’une porte, celle d’Auteuil, était mal gardée. Les troupes entrèrent : c’était le dimanche 21 mai et alors commence une épouvantable bataille de huit jours et huit nuits qui ne se termine que le dimanche suivant, jour de la Pentecôte, 28 mai. Qui pourra jamais redire les horreurs de ces huit terribles journées ? Le feu mis par les insurgés aux Tuileries, au ministère des finances, au palais de la Légion d’honneur, à l’Hôtel de Ville, à des magasins, à des rues entières, comme la rue de Lille et la rue Royale, le massacre de Mgr Darboy, archevêque de Paris, des PP. Olivaint, Ducoudray, et de plusieurs autres jésuites, de plusieurs dominicains, de prêtres inoffensifs et connus pour leurs bonnes œuvres ( le P. Captier, l’abbé Planchat, etc.), de M. Bonjean, ancien sénateur et magistrat, de gendarmes, etc. ; tels furent les exploits des misérables qui tenaient Paris sous la terreur. Et c’était des femmes, des furies, qui travaillaient à propager des incendies au moyen du pétrole, c’était des enfants qui s’acharnaient à l’œuvre de destruction. Plusieurs églises, Notre-Dame, la Sainte-Chapelle, un grand nombre de monuments publics et particuliers ne furent sauvés que grâce à la promptitude des secours et à la rapidité de l’armée libératrice. D’ailleurs les hommes de la Commune avaient résolu de brûler et de faire sauter tout Paris ; la ville superbe ne devait plus être qu’un monceau de ruines ; la miséricorde de Dieu ne permit pas que ces exécrables forfaits s’accomplissent ; elle se laissa toucher par le cri du sang des nouveaux martyrs que venait d’immoler la rage satanique des révolutionnaires. »
Source : Histoire contemporaine complément de l’Histoire de France et cours d’Histoire universelle par J. Chantrel, chevalier de Saint-Grégoire-le-Grand. Treizième édition allant jusqu’aux événements les plus récents 1789 – 1878. Paris, Putois-Cretté, Libraire éditeur, 90 rue de Rennes, 1878. (Collection particulière) p. 716
Notes :
[1] Né en 1809, il s’était toujours distingué par ses sentiments républicains et avait vécu à l’étranger pendant l’Empire.
[2] Né en 1811, il venait de se distinguer pendant la guerre, et avait été chargé de reprendre les canons de Montmartre.
Sur le sujet, un incontournable : Prosper-Olivier Lissaragay : Histoire de la Commune de 1871 , réédité en 2000 par les éditions La Découverte avec une préface de Jean Maitron.