Dans la forêt de Châteauneuf, au lieu-dit « les Trois Chevaux », les partisans ont établi leur campement. Le long de la ligne des crêtes, cette forêt s’étend sur 14 kilomètres […] une multitude de chemins tortueux, tracés par les charrettes aux cours des âges pour l’exploitation des bois, s’y enchevêtrent à l’infini. Il est difficile de s’y orienter. […] Le seul repère est une antique borne romaine. […]
Le camp des « Trois Chevaux » est rigoureusement secret. Seuls connaissent son emplacement ceux qui en ont fait leur refuge et les deux ravitailleurs. Jamais une liaison n’y arrive : quand des contacts seront nécessaires, les rendez-vous seront toujours fixés en d’autres endroits.
Par mesure de prudence, au cours de l’été 1943, le camp essaimera sur d’autres versants de la forêt. En septembre, les partisans seront répartis en trois camps voisins au lit-dit « les Trois Hêtres », à mi-chemin entre la Croisille et Sussac, afin de s’épauler mutuellement en cas d’attaque.
Toujours pour des raisons de sécurité, le recrutement des partisans est strictement contrôlé. En règle générale, ce seront des gars de la région que l’on connaît. Pour ceux qui viennent des villes, un parent ou un ami se porteront garants. De ce fait, aucun mouchard ne pourra s’y infiltrer. Pas de désillusion non plus pour les hommes, car ils savent d’avance qu’ici, il ne s’agit pas simplement de se soustraire au S.T.O., mais de combattre. […]
Cependant, pour les jeunes qui arrivent au camp, la transition est brutale. Pour dormir, des branches de bouleau qui, les premiers jours, occasionnent des meurtrissures, mais la sape prévue comme dortoir a dû être abandonnée parce que trop humide ; on y range maintenant les ustensiles de cuisine. Une ancienne bâche de batteuse servira de toit. Quelques planches et quelques rondins constituent la table et les bancs du réfectoire en plein air.
Plus de vie diurne, ou presque ; mais la garde est vigilante, surtout à l’aube car, la nuit, il n’y a plus aucun risque. C’est à ce moment-là que l’activité est la plus grande. Dès la chute du jour, ce sont les corvées de ravitaillement. On apporte à dos d’homme, vers minuit, une heure du matin, tourtes de seigle, sacs de pommes de terre, morceaux de lard. Que de jurons étouffés dans ces sentiers tortueux parsemés de roches traîtresses où, ne voyant goutte, on se foule facilement la cheville !
Vivre en groupe au fond des bois, cela peut paraître romantique. En réalité, ce n’est pas simple ! Ils l’apprirent à leurs dépends, les premiers occupants du camp des « Trois Chevaux ».
Pommes de terre et eau claire, c’était leur régime, plus que spartiate, au début. Hélas, ils furent bientôt tous atteints de dysenterie. C’est que la source où ils puisaient leur breuvage, sortant de l’humus, dans un vallon encaissé où jamais le soleil ne pénètre, était pollué. Réservant cette eau à la cuisson des aliments, il leur fallu trouver du vin. […]
Autre alerte : un beau jour, on s’aperçut qu’une magnifique volute de fumée s’élevant du campement révélait à coup sûr son emplacement. Il fallut donc se livrer à une nouvelle corvée : rechercher dans la forêt les touffes de genêt sec qui flambent gaillardement, sans cette fumée dénonciatrice. […]
On leur avait bien fait parvenir des poules, des lapins, du salé, mais ceux qui les aidaient étaient souvent pauvres eux-mêmes. il fallait trouver autre chose. Eh bien, on ferait comme pour le vin, on se servirait soi-même. Naturellement, le prélèvement sera fait chez ceux qui se seront montrés favorables au nouveau régime.
Georges GUINGOUIN 4 ans de lutte sur le sol limousin ; éditions Lucien Souny, extraits: Chapitre VIII, « les trois chevaux » camp secret des partisans, pp. 84-85
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