Rentrant d’un séjour en Angleterre, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, un agent très spécial de Louis XV, le chevalier d’Éon de Beaumont (1728-1810), explique comment le mouvement des enclosures s’est accompagné d’un véritable remembrement :
« Autrefois, l’on ne donnait aux enclos qu’une étendue médiocre, qui passait rarement un acrame ou dix acres : mais on en fait aujourd’hui qui contiennent jusqu’à cent acres. Les fermiers expérimentés n’approuvent point des enclos si vastes ; ils leur trouvent trop de ressemblances avec les rases campagnes, et ils prétendent même que la récolte sera d’autant plus abondante que les enclos auront moins d’étendue, surtout dans les terres médiocres, telles que les sablonneuses et les graveleuses, etc., où les petits enclos sont indispensables parce qu’ils y entretiennent l’humidité, dont elles ont absolument besoin.
Indépendamment de l’avantage qu’ont les terres encloses sur les rases campagnes, en fournissant des abris au bétail qu’elles retiennent dans le champ, en empêchant les grains de verser, et en les défendant contre les irruptions des bestiaux, des passants et des chasseurs, ces terres sont encore moins sujettes aux déchirures formées par les torrents d’été, si fréquentes dans les campagnes d’Angleterre. Elles fournissent au propriétaire du bois pour bâtir et pour brûler, des fruits pour faire du cidre, des glands et des faînes pour les pourceaux. On ajoute que les terres deviennent une ressource continuelle pour les pauvres, par les travaux qu’elles exigent, soit pour creuser et entretenir les fossés qui les entourent, soit pour faire et relever les barrières ; mais ce que les Anglais regardent comme un avantage qui surpasse les autres, c’est que chaque particulier, au moyen de la réunion de toutes les terres qui lui appartiennent, a la liberté de suivre la culture qui lui convient sans être obligé de s’astreindre aux diverses soles où elles se trouvaient auparavant, et comme est tenu de le faire celui qui habite les provinces dont les terres ne sont point encloses ; aussi une terre qui a une haie, se vend-elle, pour cela seul, le double d’un champ ras de même étendue et de même qualité. »
Tiré de « Les loisirs du chevalier d’Éon de Beaumont« , 1774.