On reconnaît que les femmes n’ont pas la force nécessaire pour supporter toutes les fatigues auxquelles il faut que les hommes s’exposent ; on admet qu’elles n’auront pas à porter les armes pour leur patrie […] et, dans l’ordre social, que chaque jour la science doit s’occuper de leur créer des métiers plus délicats […] et l’on voudrait que, dispensés nécessairement de la plupart des charges de la vie, elles partagent néanmoins avec l’homme le droit de régler les affaires de l’État […] Mais comment peut-on penser que, dès que les femmes seraient admises dans les assemblées […] la balance ne pencherait pas aussitôt vers elles et ne voit-on pas que leur tyrannie, commençant ce jour-là même, n’aurait plus de raison pour cesser ? […]

Quand on demande pour elles le droit de suffrage, on demande évidemment qu’elles jouissent de tous les autres droits, qu’elles soient éligibles en même temps qu’électrices et qu’il n’y ait aucun poste auquel elles ne puissent êtres élues. Mais qui se figure ce que pourrait être une assemblée de législateurs où siégeraient des femmes ?

Tout ce que la grâce et la beauté exercent de séductions dans les salons et dans les relations de vie privée viendrait aussitôt troubler et dénaturer le caractère de cette réunion. Les orateurs du sexe féminin seraient applaudis avant d’avoir parlé et, même sans monter à la tribune, de combien de moyens cette partie de l’assemblée1 aurait-elle le choix pour décider d’avance du résultat des délibérations !

Aucune lutte ne sera possible entre l’homme et la femme. Parlons net : il n’y aura plus de politique en jeu ou bien c’est que le cœur humain sera changé et perverti.

« Femme », Maurice Block (dir.), Dictionnaire général de la politique, Paris, O. Lorenz, 1878.

1 Allusion à la Chambre des députés (Palais Bourbon) et non à l’Assemblée nationale qui peut se tenir à Versailles.

https://clio-texte.clionautes.org/defense-vote-des-femmes-tardieu.html