Cet extrait a été publié le 27 décembre 1848  dans le quotidien Le peuple, dont le rédacteur en chef n’est autre que le révolutionnaire Pierre-Joseph Proudhon.  Celui-ci y commente le banquet des femmes socialistes qui s’est tenu à Paris la veille ou les jours précédents.

Les femmes ont pris une part active dans  la Révolution de Février 1848 qui a donné naissance à la seconde République. En 1848,  Le droit de vote des femmes   est revendiquée  par toute une génération de féministes et, au delà de ce sujet politique fondamental, c’est bien la question de  la place et du  statut des femmes dans la société  qui est posée. On voit ainsi se créer clubs et  journaux qui défendent la cause des femmes.

L’analyse du texte de Proudhon est intéressante pour analyser la profondeur des préjugés des hommes de cette époque quand il s’agit d’aborder la question de la place des femmes dans la Cité, y compris chez des socialistes a priori plus ouverts au principe de l’égalité.

Sa première critique porte sur « les tendances mystiques qui peuvent s’abriter sous le langage des dames qui portent la parole » ; en clair sur les références chrétiennes de certains discours des dames.  On comprend en  poursuivant la lecture que Proudhon n’ a pas l’intention d’entamer ici un débat théorique avec les « soeurs » sur la dimension  religieuse ou non  du socialisme. Ce qu’il ne supporte pas au fond, c’est que ces femmes prétendent faire de la politique, c’est à dire marcher sur les plate-bandes des hommes – les siennes en particulier – et il leur conseille vivement de revenir bien vite à  » la tranquilité du foyer domestique »  puisque tel est « le rôle de la femme » assigné en quelque sorte par la nature…


Banquet fraternel des femmes socialistes

Un journal en  publiant ce matin le compte rendu du banquet des femmes socialistes, annonce qu’il fait réserve de son appréciation personnelle, disposé qu’il est à combattre très ouvertement les tendances mystiques qui peuvent s’abriter sous le langage des dames qui portent la parole dans ces solennités.

Non seulement nous joindrons notre voix à celle de notre confrère, quand il entamera cette question importante, mais nous croyons devoir déclarer dès à présent que notre intention est de combattre le langage mystique des femmes qui portent la parole dans les banquets, et de leur faire comprendre qu’elles manquent au rôle qui leur est échu en partage dans l’humanité quand elles prennent l’initiative de ce genre de fêtes.

Le rôle de la femme n’est point la vie extérieure, la vie de relation et d’agitation, mais bien la vie intime, celle du sentiment et de la tranquilité du foyer domestique. Le socialisme n’est pas venu seulement pour restaurer le travail ; Il est venu pour réhabiliter le ménage, sanctuaire de la famille, symbole de l’union matrimoniale.

Les femmes qui rêvent une émancipation qui leur enlève les peines de la vie de famille, ressemblent à ces sectaires qui pensent que l’humanité pourra vivre un jour sans se livrer au travail.

Nous n’avons pas le temps de donner aujourd’hui des développements à notre pensée ; nous reviendrons une autre fois sur ce sujet grave. Nous invitons nos sœurs à méditer ce que nous venons de dire et à bien se pénétrer de cette vérité, que la pureté et la moralité gagnent plus dans les fêtes patriarcales que dans les manifestations bruyantes de la vie politique. […]

Le Peuple : journal de la République démocratique et sociale, 27 décembre 1848, p.2

Y Le Peuple 27 décembre 1848