L’impact économique de la Chine

« Le gigantisme de l’avion (le pays le plus peuplé de la planète), l’originalité de son moteur (l’« hypercapitalisme ») et le moment de son envol (une heure de pointe) [internet, nouvelles technologies de la communication] : le cas chinois se différencie donc à bien des égards des décollages précédents. »

Erik Izraelewicz, « Quand la Chine change le monde », éd. Grasset, 2005, p. 19

« Quoi qu’il en soit donc, la Chine est et va être, au cours des vingt prochaines années au moins, le facteur principal de déstabilisation de l’économie mondiale. »

Erik Izraelewicz, « Quand la Chine change le monde », éd. Grasset, 2005, p. 21

La Chine de 2006 et la démocratie

« Qu’est-ce que la démocratie ? Si l’on se réfère aux travaux de Robert Dahl, son ouvrage Sur la démocratie (On Democraty) fait ressortir cinq critères : 1) la participation effective, 2) l’égalité devant le vote, 3) une transparence satisfaisante de la situation politique du moment, 4) le peuple est le juge de la politique en dernier recours, 5) le statut de citoyen pour toute personne adulte.

La Chine d’aujourd’hui répond grosso modo aux critères deux et cinq mais les critères décisifs que sont un et trois lui font défaut. Robert Dahl éclaircit certains points de la manière suivante : « La participation effective » signifie : « Avant qu’une décision politique soit appliquée par le corps social, chaque membre de ce corps social dispose d’une possibilité égale et efficace pour faire connaître aux autres ses positions par rapport à la décision politique en question » ; « une transparence satisfaisante de la situation politique du moment » signifie que, « dans un délai de temps raisonnable, tous les membres du corps social disposent de possibilités équivalentes et efficaces pour comparer les options politiques qui leur sont proposées, ainsi que leurs conséquences possibles ». Je considère que ces deux conditions recouvrent en réalité la liberté d’expression (y compris celle de publication).

Bien évidemment, dans n’importe quelle organisation sociale de dimension respectable, le recours aux médias est inévitable, pour que la liberté d’expression soit mise en pratique. Or les médias sont toujours inextricablement liés aux intérêts financiers, et c’est pourquoi les riches disposent parfois davantage d’occasions d’exprimer leurs opinions que les pauvres. Cette situation a donc des répercussions sur la qualité et le degré de démocratie mais cela n’interfère pas sur l’existence même de la démocratie. Par ailleurs, je considère qu’il ne faut pas surestimer le pouvoir de l’argent à propos des médias. En effet, lors des premières élections qui se sont déroulées dans bon nombre de pays de l’ancienne Europe de l’Est, les partis de l’opposition l’ont emporté alors que le Parti communiste contrôlait encore la majorité écrasante des organes de presse, n’est-ce pas ?

Le quatrième point stipule que « le peuple est le juge de la politique en dernier recours », qu’il a le dernier mot, et c’est bien sûr primordial. En Chine, l’Assemblée nationale populaire (ANP) est considérée comme l’organe politique suprême ; cependant, lors de la tenue d’une assemblée plénière, un député lambda n’aura même pas l’occasion de prendre la parole devant l’ensemble de ses collègues. Il ne pourra s’exprimer que devant les sous-commissions. La prise de parole à l’Assemblée est tributaire de la décision du président de l’ANP. Il en va de même pour les assemblées au niveau des districts et des quartiers. La situation est identique dans les instances du Congrès, à tous les niveaux du PCC. Rien d’étonnant donc, si, lors de ces assemblées, les délégués ordinaires se transforment en automates destinés à entériner machinalement les décisions.

Depuis cinquante ans, le régime communiste chinois a connu plusieurs fois d’importantes passations de pouvoir d’un dirigeant à un autre, ainsi que des bouleversements en ce qui concernait la ligne politique à suivre, mais aucun de ces changements ne s’est déroulé au cours d’une réunion du Congrès du PCC ou de l’ANP. De toute évidence, ces deux instances ne servent qu’à apposer des tampons au bas des documents qui leur sont soumis. Cependant, j’ose affirmer que, dès que la Chine disposera d’une véritable liberté d’expression, ces institutions sauront adapter leur fonctionnement en réponse à ce qu’exigera vigoureusement l’opinion publique. Dès que les dirigeants auront perdu le contrôle de l’opinion, ils perdront aussi la possibilité qu’ils se réservaient d’avoir toujours le dernier mot sur les politiques à suivre. Voilà pourquoi je suis persuadé que, pour démocratiser un pays communiste, il est crucial de lutter pour obtenir la liberté d’expression. La mise en pratique de la liberté d’expression suit généralement un même schéma : avant un moment donné, les gouvernants peuvent encore condamner quelqu’un en l’accusant de crime de libre expression ; après ce moment précis, les dirigeants ne peuvent plus faire de la libre expression un crime. Alors, la démocratie est sur les bons rails. »

Hu Ping, Chine. A quand la démocratie ? Les illusions de la modernisation. Paris, l’aube, 2004/2007, pp. 55 – 58.