Dans la nuit du 24 février 2022, à 3h35 du matin, Vladimir Poutine, Président de la Fédération de Russie, annonce  l’invasion de l’Ukraine.

Quelques jours auparavant, le 21 février, au cours d’une intervention-fleuve de 28 minutes , le dictateur réinterprète, à sa façon, l’histoire de la Russie et de l’Ukraine afin de justifier les opérations militaires imminentes. 


 

Chers citoyens de Russie ! Chers amis !

Le sujet de mon discours concerne les événements en Ukraine et pourquoi cette question est si importante pour nous, pour la Russie. Bien entendu, mon adresse s’adresse également à nos compatriotes d’Ukraine. Je vais devoir parler longuement et en détail. La question est très sérieuse.

La situation dans le Donbass est redevenue critique et aiguë. Et aujourd’hui, je m’adresse directement à vous, non seulement pour faire le point sur ce qui se passe, mais aussi pour vous informer des décisions qui sont prises et des éventuelles étapes ultérieures dans cette direction.

Je tiens à souligner une fois de plus que l’Ukraine n’est pas pour nous un simple pays voisin. Elle fait partie intégrante de notre propre histoire, de notre culture et de notre espace spirituel. Il s’agit de nos amis, de nos parents, non seulement de nos collègues, amis et anciens collègues de travail, mais aussi de nos parents et des membres de notre famille proche.

Depuis les temps anciens, les habitants des terres historiques du sud-ouest de l’ancienne Russie se sont appelés Russes et orthodoxes. Il en était ainsi avant le XVIIe siècle, lorsqu’une partie de ces territoires a été réunifiée avec l’État russe, et après.

Il nous semble qu’en principe, nous sommes tous au courant, que nous parlons de faits connus. Toutefois, pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui, pour expliquer les motifs des actions de la Russie et les objectifs que nous nous sommes fixés, il est nécessaire de dire au moins quelques mots sur l’histoire de la question.

Permettez-moi donc de commencer par le fait que l’Ukraine moderne a été entièrement créée par la Russie, ou plus précisément, par la Russie bolchevique et communiste. Le processus a commencé presque immédiatement après la révolution de 1917, et Lénine et ses compagnons d’armes l’ont fait d’une manière très brutale pour la Russie elle-même – par la sécession, en arrachant des parties des territoires historiques de la Russie. Personne, bien sûr, n’a demandé quoi que ce soit aux millions de personnes qui y vivaient.

Puis, à la veille et après la Grande Guerre patriotique, Staline a ajouté à l’Union soviétique et transféré à l’Ukraine des terres qui appartenaient auparavant à la Pologne, à la Roumanie et à la Hongrie. En guise de compensation, Staline a donné à la Pologne certaines de ses terres allemandes ancestrales et, en 1954, Khrouchtchev, on ne sait pourquoi, a pris la Crimée à la Russie et l’a également donnée à l’Ukraine. En fait, c’est ainsi que s’est formé le territoire de l’Ukraine soviétique.

Mais je veux maintenant accorder une attention particulière à la période initiale de la création de l’URSS. Je pense que c’est très important pour nous. Nous devrons, comme on dit, partir de loin.

Permettez-moi de vous rappeler qu’après la révolution d’octobre 1917 et la guerre civile qui a suivi, les bolcheviks ont commencé à construire un nouvel État bien qu’il y ait de nombreux désaccords entre eux. Staline, qui cumule en 1922 les fonctions de secrétaire général du Comité central du PCR(b) et de commissaire du peuple pour les nationalités, propose de construire le pays sur les principes de l’autonomisation, c’est-à-dire de donner aux républiques – les futures unités administratives-territoriales – de larges pouvoirs au fur et à mesure de leur adhésion à l’État unifié.

Lénine critique ce plan et propose de faire des concessions aux nationalistes, comme il les appelle à l’époque – les « indépendants ». Ce sont les idées de Lénine sur une structure étatique essentiellement confédérative et sur le droit des nations à l’autodétermination jusqu’à la sécession qui ont constitué le fondement de l’État soviétique : d’abord en 1922, elles ont été consacrées dans la Déclaration sur l’Union des républiques socialistes soviétiques, puis, après la mort de Lénine, dans la Constitution de l’URSS de 1924.

Dès là de nombreuses questions se posent immédiatement. Et la première d’entre elles, la principale : pourquoi était-il nécessaire de satisfaire, sans compter, les ambitions nationalistes sans cesse croissantes aux confins de l’ancien empire ? Transférer d’immenses territoires, souvent sans lien entre eux, à des unités administratives nouvellement créées, et souvent formées de manière arbitraire – les Républiques de l’Union. Je répète, les territoires transférés l’ont été avec la population de la Russie historique [qui y habitait].

De plus, dans les faits, ces unités administratives ont reçu le statut et une forme d’entités étatiques nationales. Je me demande une fois de plus : pourquoi fallait-il faire des cadeaux aussi généreux, dont ils n’avaient même pas rêvé, aux nationalistes les plus ardents, tout comme pourquoi donner aux Républiques le droit de se séparer de l’État unifié sans aucune condition ?

À première vue, ça n’a pas de sens, c’est une folie. Mais ce n’est qu’à première vue. Il y a une explication. Après la révolution, la tâche principale des bolcheviks était de conserver le pouvoir à tout prix, précisément à tout prix. Pour cela, ils étaient capables de tout : les conditions humiliantes du traité de Brestlitovsk, à une époque où l’Allemagne du Kaiser et ses alliés se trouvaient dans une situation militaire et économique des plus difficiles, à un moment où l’issue de la Première Guerre mondiale était en fait prédéterminée, cela pour satisfaire aux demandes, à tous les désirs des nationalistes à l’intérieur du pays.

Du point de vue du destin historique de la Russie et de ses peuples, les principes léninistes de construction de l’État n’étaient pas seulement une erreur, c’était, comme on dit, bien pire qu’une erreur. Après l’effondrement de l’URSS en 1991, cela est devenu parfaitement clair.

Bien sûr, les événements du passé ne peuvent être modifiés, mais nous devons pour le moins en parler directement et honnêtement, sans aucune réserve et sans aucune coloration politique. Je ne peux qu’ajouter, en ce qui me concerne, que des considérations sur une situation politique conjoncturelle, aussi effective et avantageuses qu’elles puissent paraître à un moment donné, ne doivent et ne peuvent en aucun cas constituer la base sur laquelle repose les principes fondamentaux de l’État.

Je n’accuse personne de quoi que ce soit maintenant, la situation du pays à l’époque et après la guerre civile, ou encore à la veille de celle-ci, était incroyablement difficile, critique. Tout ce que je veux dire aujourd’hui, c’est que c’était comme ça. C’est un fait historique. En fait, comme je l’ai déjà dit, la politique bolchevique a abouti à l’émergence de l’Ukraine soviétique, qui, encore aujourd’hui, peut être appelée à juste titre « L’Ukraine de Vladimir Lénine ». Il en est l’auteur et l’architecte. Cela est totalement confirmé par les documents d’archives, y compris les directives strictes de Lénine sur le Donbass, qui a été littéralement encastré au sein de l’Ukraine. Et maintenant, de  » reconnaissants descendants  » [de cette Ukraine] démolissent les monuments à Lénine. Ils appellent cela la « décommunisation ».

Vous en voulez de la décommunisation ? Eh bien, ça nous convient parfaitement. Mais nous ne nous arrêtons pas à mi-chemin. Nous sommes prêts à vous montrer ce que signifie pour l’Ukraine une véritable décommunisation.

Pour en revenir à l’histoire de la question, je répéterai qu’en 1922, l’URSS a été formée sur le territoire de l’ancien Empire russe. Mais la vie elle-même a immédiatement montré qu’il était tout simplement impossible de maintenir un territoire aussi vaste et complexe, ni de le gouverner en se basant sur les principes amorphes, de facto confédéraux [qui étaient] proposés. Ils étaient complètement déconnectés de la réalité et de la tradition historique.

Il est logique que la Terreur rouge, une transition rapide vers une dictature stalinienne, la domination de l’idéologie communiste et le monopole du parti communiste sur le pouvoir, les nationalisations et la planification de l’économie nationale – tout cela a transformé en pratique les principes déclarés mais inapplicables de l’État en une déclaration vide de sens en une simple. En réalité, les Républiques de l’Union [soviétique] n’avaient aucun droit souverain, ils n’existaient tout simplement pas. Dans la pratique, un État strictement centralisé et totalement unitaire a été créé.

En fait dans la pratique Staline a pleinement réalisé non pas les idées de Lénine, mais ses propres idées sur l’État. Cependant, il apporté aucune modification pertinente pertinents dans les documents fondamentaux ; dans la Constitution du pays, il n’a pas révisé formellement les principes léninistes proclamés lors de la naissance de l’URSS. Cela semblait alors inutile – tout fonctionnait sous le régime totalitaire, et extérieurement, il semblait beau, attrayant et même ultra-démocratique.

Et pourtant, il est dommage que les bases fondamentales, formellement légales, sur lesquelles tout notre État a été construit n’aient pas été rapidement expurgées des fantaisies odieuses et utopiques inspirées par la révolution, mais absolument destructrices pour tout pays normal. Mais personne ne pensait à l’avenir, comme cela a souvent été le cas dans notre pays.

Les dirigeants du parti communiste semblaient être convaincus qu’ils avaient réussi à former un système de gouvernement solide, qu’ils avaient finalement résolu la question nationale grâce à leurs politiques. Mais la falsification, la substitution des concepts, la manipulation de la conscience publique et la tromperie ont été coûteuses. Le bacille de l’ambition nationaliste n’avait pas disparu, et la bombe initiale qui avait été posée pour miner l’immunité de l’État contre la contagion du nationalisme n’attendait que son heure soit venue. Une telle bombe, je le répète, était le droit de sortir de l’URSS.

Au milieu des années 80, dans un contexte de problèmes socio-économiques croissants et de crise évidente de l’économie planifiée, la question nationale, dont l’essence n’est pas une quelconque attente et aspiration non satisfaite des peuples de l’Union, mais surtout l’appétit croissant des élites locales, devient de plus en plus pressante.

Cependant, la direction du PCUS, au lieu d’analyser en profondeur la situation, de prendre des mesures adéquates, en premier lieu dans l’économie, et d’effectuer une transformation graduelle, réfléchie et délibérée du système politique et de la structure de l’État, s’est limitée à un verbiage pur et simple sur la restauration du principe léniniste d’autodétermination.

De plus, alors que la lutte pour le pouvoir se déroulait au sein même du parti communiste, chacun des camps opposés a commencé à stimuler, encourager et jouer inconsidérément sur le sentiment nationaliste, promettant à ses partisans potentiels tout et n’importe quoi. Au milieu des bavardages superficiels et populistes à propos de la démocratie et d’un avenir radieux construit soit sur la base d’une économie de marché, soit sur une économie planifiée, mais dans des conditions d’appauvrissement réel et de déficit total, le pouvoir n’a jamais pensé aux inévitables conséquences tragiques pour le pays.

Puis le pouvoir a suivi un chemin bien tracé visant à la satisfaction des ambitions des élites nationalistes, nourries dans les rangs de leur propre parti, oubliant que le PCUS n’avait plus, et Dieu merci, les instruments indispensables pour garder le pouvoir et le pays lui-même. [Ces instruments étant] la terreur d’État et une dictature de type stalinien. Et cela au moment même où le fameux rôle de leader du parti, tel un brouillard matinal, disparaissait sous leurs yeux.

En septembre 1989, le plénum du Comité central du PCUS a adopté un document fatidique – la soi-disant « politique des nationalités du Parti dans les conditions modernes » qui constitue la plate-forme du PCUS. Elle contenait les dispositions suivantes : « Les républiques de l’Union ont tous les droits correspondant à leur statut d’États socialistes souverains.

Autre point : « Les organes représentatifs suprêmes des républiques de l’Union peuvent faire appel et suspendre les décrets et ordonnances du gouvernement de l’Union sur leurs territoires ».

Enfin : « Chaque république de l’Union dispose de sa propre citoyenneté, qui s’applique à tous ses habitants ».

N’était-il pas évident de savoir à quoi mèneraient de telles formulations et décisions ?

Ce n’est ni le lieu ni le moment d’aborder des questions de droit étatique ou constitutionnel, de définir la notion même de citoyenneté. Mais la question se pose quand même : dans ces circonstances déjà difficiles, pourquoi fallait-il ébranler le pays de cette manière ? Les faits restent des faits.

Deux ans avant l’effondrement de l’URSS, son sort était déjà pratiquement scellé. Maintenant ce sont les radicaux et les nationalistes, y compris et surtout en Ukraine, qui s’attribuent le mérite d’avoir conquis leur l’indépendance. Comme nous pouvons le constater, ce n’est pas le cas. L’effondrement de notre pays un et indivisible a été causé par les erreurs historiques et stratégiques des dirigeants bolcheviques, par la direction du PCUS, commises à différents moments de la construction de l’État, de la politique économique et de la politique des nationalités. L’effondrement de la Russie historique appelée alors URSS est à mettre sur leur conscience.

Malgré toutes ces injustices, ces tromperies et le vol pur et simple commis contre la Russie, notre peuple, précisément le peuple, a reconnu les nouvelles réalités géopolitiques apparus après l’effondrement de l’URSS et a reconnu les nouveaux États indépendants. Et ce n’est pas tout : la Russie elle-même, qui se trouvait dans une situation très difficile à l’époque, a aidé ses partenaires de la CEI, y compris ses collègues ukrainiens, dont les demandes de soutien matériel ont commencé à affluer immédiatement après la déclaration d’indépendance. Et notre pays a apporté ce soutien dans le respect de la dignité et de la souveraineté de l’Ukraine.

Selon les estimations des experts, qui sont confirmées par un simple calcul de nos prix de l’énergie, du volume des prêts préférentiels, les préférences économiques et commerciales que la Russie a accordés à l’Ukraine, se sont montées à un bénéfice total pour le budget de l’Ukraine, entre 1991 et 2013, à environ 250 milliards de dollars.

Mais c’est loin d’être tout. À la fin de 1991, les obligations de l’URSS envers les pays étrangers et les fonds internationaux s’élevaient à environ 100 milliards de dollars. Et initialement, il était supposé que ces prêts seraient remboursés par toutes les anciennes républiques soviétiques de manière solidaire, proportionnellement à leur potentiel économique. Cependant, la Russie a repris la totalité de la dette soviétique et l’a remboursée intégralement. Elle a finalement achevé ce processus en 2017.

En contrepartie, les nouveaux États indépendants devaient renoncer à certains de leurs avoirs de l’époque soviétique présents à l’étranger. Des accords en ce sens ont été conclus avec l’Ukraine en décembre 1994. Toutefois, Kiev n’a pas ratifié ces accords et, plus tard, a tout simplement refusé de les mettre en œuvre, revendiquant le fonds diamantaire, la réserve d’or ainsi que des biens et d’autres actifs anciennement soviétiques à l’étranger.

Et pourtant, malgré les problèmes bien connus, la Russie a toujours coopéré avec l’Ukraine de manière ouverte, honnête et, je le répète, dans le respect des intérêts de ce pays. Nos liens se sont développés dans divers domaines. Par exemple, en 2011, le chiffre d’affaires du commerce bilatéral a dépassé 50 milliards de dollars. Je dois noter que le volume des échanges commerciaux de l’Ukraine avec tous les pays de l’Union européenne en 2019, c’est-à-dire même avant la pandémie, était inférieur à ce chiffre.

Dans le même temps, il est frappant de constater que les autorités ukrainiennes préféraient agir de manière à bénéficier de tous les droits et avantages dans leurs relations avec la Russie, mais sans contracter aucune obligation.

Au lieu d’un partenariat, c’est l’oisiveté qui a prévalu, laquelle a parfois pris un caractère absolument cavalier de la part des autorités officielles de Kiev. Il suffit de se souvenir du chantage permanent dans le domaine du transit énergétique et du vol criant de [notre] gaz.

J’ajouterai que Kiev a essayé d’utiliser le dialogue avec la Russie comme un prétexte pour négocier avec l’Occident, en le faisant chanter sous la menace de se rapprocher de Moscou, tout cela en tentant d’obtenir des avantages pour son compte ; sinon l’influence russe en Ukraine grandirait.

Dans le même temps, les autorités ukrainiennes ont commencé, et je tiens à le souligner, dès les premiers pas, à construire leur État sur la négation de tout ce qui nous unit. Ces autorités ont cherché à déformer la conscience et la mémoire historique de millions de personnes, de générations entières vivant en Ukraine. Il n’est pas surprenant que la société ukrainienne ait été confrontée à la montée d’un nationalisme extrême, qui a rapidement pris la forme d’une russophobie agressive et d’un néonazisme. D’où l’implication des nationalistes et des néonazis ukrainiens dans les bandes terroristes du Caucase du Nord et leurs revendications territoriales de plus en plus vives à l’encontre de la Russie.

Un rôle a aussi été joué par de forces extérieures, qui ont utilisé un vaste réseau d’ONG et de services secrets pour cultiver leur clientèle en Ukraine et promouvoir leurs représentants au pouvoir.

Il est également important de comprendre que l’Ukraine n’a jamais eu une tradition réelle pour un véritable État. Depuis 1991, elle a suivi la voie d’une copie mécanique des modèles étrangers, détachée à la fois de l’histoire et des réalités ukrainiennes. Les institutions politiques de l’État ont été constamment remaniées pour convenir aux clans qui se formaient rapidement, avec leurs propres intérêts égoïstes qui n’ont rien à voir avec les intérêts du peuple ukrainien.

L’objectif du soi-disant choix de civilisation pro-occidental du gouvernement oligarchique ukrainien n’était et n’est pas de créer de meilleures conditions pour le bien-être de la population, mais plutôt de servir servilement les rivaux géopolitiques de la Russie en conservant les milliards de dollars volés aux Ukrainiens et cachés par les oligarques sur des comptes bancaires occidentaux.

Certains groupes financiers industriels, les partis et les hommes politiques qu’ils ont pris en charge se sont d’abord appuyés sur les nationalistes et les radicaux. D’autres groupes se sont félicités d’avoir en apparence de bonnes relations avec la Russie, de maintenir une diversité culturelle et linguistique et sont ainsi parvenus au pouvoir grâce aux votes des citoyens qui soutenaient de tout cœur ces aspirations, y compris des millions de personnes dans le sud-est du pays. Mais une fois en poste, ces groupes ont immédiatement trahi leurs électeurs, abandonné leurs promesses de campagne et mis en œuvre des politiques sous la pression des radicaux, poursuivant parfois leurs anciens alliés – les organisations de la société civile qui prônaient le bilinguisme et la coopération avec la Russie. Ces groupes ont profité du fait que les personnes qui les soutenaient étaient, en règle générale, respectueuses de la loi, modérées dans leurs opinions, habituées à faire confiance aux autorités, et contrairement aux radicaux, ne montraient pas d’agressivité et ne recouraient pas à des actions illégales.

Les radicaux, à leur tour, deviennent insolents et leurs griefs augmentent d’année en année. Ils leur a été facile d’imposer à plusieurs reprises leur volonté à un gouvernement faible, lui-même infecté par le virus du nationalisme et de la corruption, et ont habilement substitué aux véritables intérêts culturels, économiques et sociaux du peuple et à la souveraineté réelle de l’Ukraine toutes sortes de spéculations sur des questions nationales et des signes extérieurs d’appartenance ethnique.

L’Ukraine ne connait d’Etat stable. Les procédures politiques et électorales ne servent que de couverture, d’écran pour la redistribution du pouvoir et des biens entre les différents clans oligarchiques.

La corruption, qui est sans aucun doute un défi et un problème pour de nombreux pays, y compris la Russie, a pris un caractère particulier en Ukraine. Elle a littéralement imprégné, corrodé l’État ukrainien, l’ensemble du système, toutes les branches du pouvoir. Les radicaux ont profité du mécontentement justifié des gens, ont utilisé la contestation et ont transformé en 2014 les manifestations de Maïdan à un coup d’État. Ce faisant, ils ont reçu une aide directe des pays étrangers. Le soutien matériel de l’ambassade des États-Unis au soi-disant camp de protestation sur la place de l’Indépendance à Kiev se serait élevé à un million de dollars par jour. D’autres sommes très importantes ont été transférées sans vergogne directement sur les comptes bancaires des dirigeants de l’opposition. Et nous parlons ici de dizaines de millions de dollars. Mais combien d’argent ont réellement reçu les personnes blessées, les familles de ceux qui sont morts dans les affrontements provoqués dans les rues et sur les places de Kiev et d’autres villes ? Il est préférable de ne pas poser de questions à ce sujet.

Les radicaux qui avaient pris le pouvoir ont organisé la persécution, une véritable terreur contre ceux qui s’élevaient contre leurs actions anticonstitutionnelles. Les politiciens, les journalistes et les personnalités publiques ont fait l’objet de moqueries et d’humiliations publiques. Les villes ukrainiennes ont été submergées par une vague de pogroms et de violence, une série de meurtres bruyants et impunis ont été commis. On ne peut s’empêcher de frémir devant la terrible tragédie d’Odessa, où des manifestants pacifiques ont été brutalement assassinés et brûlés vifs dans la Maison des syndicats. Les criminels qui ont commis ces atrocités n’ont pas été punis et personne ne les recherche. Mais nous connaissons leurs noms et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour les punir, les retrouver et les traduire en justice.

Maidan n’a pas rapproché l’Ukraine de la démocratie et du progrès. Avec le coup d’État, les nationalistes et les forces politiques qui les soutenaient ont finalement bloqué la situation et poussé l’Ukraine dans l’abîme de la guerre civile. Huit ans après ces événements, le pays est divisé. L’Ukraine connaît une crise socio-économique aiguë.

Selon les organisations internationales, en 2019, près de six millions d’Ukrainiens, je souligne, environ 15 %,  de toute la population et pas seulement de celle en âge de travailler, ont été contraints de partir à l’étranger à la recherche d’un emploi. Et souvent, en règle générale, pour des emplois occasionnels et non qualifiés. Le fait suivant est également indicatif : depuis 2020, plus de 60 000 médecins et autres soignants ont quitté le pays et cela dans le contexte de la pandémie.

Depuis 2014, les tarifs de l’eau ont augmenté de près d’un tiers, l’électricité de plusieurs fois et le gaz domestique de plusieurs dizaines de fois. De nombreuses personnes n’ont tout simplement pas l’argent nécessaire pour payer leurs charges ; elles sont littéralement contraintes à survivre.

Que s’est-il passé ? Pourquoi tout cela arrive-t-il ? La réponse est évidente : parce que la dote reçue non seulement de l’ère soviétique, mais aussi de l’Empire russe, a été dilapidée et empochée par certains. Des dizaines et des centaines de milliers d’emplois, qui procuraient aux gens un revenu stable et faisaient rentrer des impôts notamment grâce à l’étroite coopération avec la Russie, ont été perdus. Des branches industries telles que la construction de machines, la fabrication d’instruments, l’électronique, la construction navale et la construction aéronautique sont soit mal en point, soit détruites, alors qu’elles faisaient la fierté non seulement de l’Ukraine, mais aussi de toute l’Union soviétique.

En 2021, le chantier naval de la mer Noire à Nikolaïev, où les premiers chantiers navals ont été construits à l’époque de Catherine la Grande, a été liquidé. Le célèbre konzern« Antonov » n’a pas produit un seul avion de série depuis 2016, et l’usine « Yuzhmash », spécialisée dans la production de fusées et d’équipements spatiaux, est au bord de la faillite, tout comme l’aciérie de Krementchouk. Cette triste liste pourrait s’allonger encore et encore.

Quant au système de transport du gaz, construit par toute l’Union soviétique, il est tellement délabré que son exploitation comporte de grands risques et des coûts environnementaux.

Et cela soulève la question suivante : la pauvreté, le désespoir et la perte de capacité industrielle et technologique constituent-ils ce choix de civilisation pro-occidental qui trompe des millions de personnes depuis de nombreuses années en leur promettant le paradis ?

En fait, on en est arrivé à un point où l’effondrement de l’économie ukrainienne s’accompagne d’un vol pur et simple de ses citoyens. Cela alors que l’Ukraine elle-même simplement été placée sous direction étrangère. Une telle direction provient non seulement des ordres des capitales occidentales, mais aussi sur le terrain, par le biais de tout un réseau de conseillers étrangers, d’ONG et d’autres institutions déployées en Ukraine. Ces réseaux ont une influence directe sur toutes les grandes décisions concernant la composition, toutes les structures et les banches du gouvernement, du niveau central au niveau municipal, sur les principales entreprises et sociétés d’État, notamment Naftogaz, Ukrenergo, les chemins de fer ukrainiens, Ukroboronprom, Ukrposhta et l’administration des ports maritimes ukrainiens.

Il n’y a tout simplement pas de tribunal indépendant en Ukraine. À la demande de l’Occident, les autorités de Kiev ont accordé aux représentants des organisations internationales un droit de priorité pour la sélection des membres des plus hautes instances judiciaires – le Conseil de justice et la Commission de qualification des juges.

En outre, l’ambassade des États-Unis contrôle directement l’Agence nationale pour la prévention de la corruption, le Bureau national de lutte contre la corruption, le Bureau du procureur spécialisé dans la lutte contre la corruption et la Cour suprême anticorruption. Tout cela est fait sous le prétexte plausible de rendre la lutte contre la corruption plus efficace. Bon, d’accord, mais où sont les résultats ? La corruption a fleuri, et elle fleurit encore plus maintenant.

Les Ukrainiens eux-mêmes sont-ils conscients de toutes ces méthodes de gestion ? Se rendent-ils compte que leur pays n’est même pas sous un protectorat politique et économique, mais a été réduit au niveau d’une colonie dirigée par un régime fantoche ? La privatisation de l’État a conduit au fait que le gouvernement, qui s’appelle lui-même « le pouvoir des patriotes », a perdu son caractère national et suit systématiquement une voie allant vers la dé-souverainisation complète du pays.

Le cours de la dé-russification et d’assimilation forcée se poursuit. La Verkhovna Rada publie sans relâche des lois de plus en plus discriminatoires, y compris une loi sur de soi-disant peuples de souche qui est déjà en vigueur. Les personnes qui se considèrent Russes et qui souhaitent préserver leur identité, leur langue et leur culture ont reçu le message explicite selon lequel elles sont étrangères en Ukraine.

Les lois sur l’éducation et sur le fonctionnement de la langue ukrainienne en tant que langue d’État ont banni le russe des écoles, de toutes les sphères publiques, jusqu’aux magasins ordinaires. La loi sur la « lustration », c’est-à-dire la « purification » de l’administration, a permis de se débarrasser des fonctionnaires indésirables.

Les lois donnant aux forces de l’ordre ukrainiennes des prétextes pour réprimer durement la liberté d’expression et de dissidence, de persécuter l’opposition, se multiplient. La triste pratique des sanctions unilatérales illégitimes contre d’autres États, des personnes physiques et morales étrangères est bien connue dans le monde. L’Ukraine a surpassé ses manipulateurs occidentaux et a inventé un outil tel que les sanctions contre ses propres citoyens, entreprises, chaînes de télévision, autres médias et même les membres du parlement.

Kiev continue à préparer un massacre contre l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou également. Et ce n’est pas une évaluation émotionnelle, des décisions et des documents spécifiques le montrent. Les autorités ukrainiennes ont cyniquement transformé la tragédie de la scission de l’Église en un instrument de politique d’État. Les dirigeants actuels du pays ne répondent pas aux demandes des citoyens ukrainiens d’abroger les lois qui portent atteinte aux droits des croyants. En outre, de nouveaux projets de loi ont été enregistrés à la Rada contre le clergé et les millions de paroissiens de l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou.

Je parlerai séparément de la Crimée. Les habitants de la péninsule ont fait leur libre choix – être avec la Russie. Les autorités de Kiev n’ont rien pour contrer cette volonté claire et explicite du peuple. Elles misent donc sur des actions agressives, sur l’activation de cellules extrémistes, y compris d’organisations islamiques radicales, sur l’envoi de groupes subversifs pour commettre des actes terroristes sur des infrastructures critiques et pour enlever des citoyens russes. Nous avons des preuves directes que de telles actions agressives sont menées avec le soutien de services secrets étrangers.

En mars 2021, l’Ukraine a adopté une nouvelle Stratégie militaire. Ce document est presque entièrement consacré à la confrontation avec la Russie et vise à entraîner des États étrangers dans un conflit avec notre pays. La stratégie propose l’organisation de ce que l’on peut qualifier d’organisation terroriste clandestine en Crimée russe et dans le Donbass russes. Cette Stratégie dessine également les contours d’une guerre en préparation, qui devrait se terminer, comme le pensent les stratèges actuels de Kiev, et je cite encore, « avec l’aide de la communauté internationale dans des conditions favorables à l’Ukraine ». Et aussi, comme Kiev l’exprime aujourd’hui, et je le cite ici aussi, écoutez plus attentivement, s’il vous plaît – « avec le soutien militaire de la communauté internationale dans la confrontation géopolitique contre la Fédération de Russie ». En substance, ce n’est rien d’autre que la préparation d’une action militaire contre notre pays – contre la Russie.

Nous savons également qu’il y a déjà eu des déclarations selon lesquelles l’Ukraine va développer ses propres armes nucléaires, et ce ne sont pas de vaines bravades. L’Ukraine dispose de la technologie nucléaire soviétique et des vecteurs pour ces armes, notamment l’aviation et les missiles Tochka-U, également de conception soviétique, d’une portée de plus de 100 kilomètres. Mais ils en feront plus, ce n’est qu’une question de temps car ils disposent déjà de certains travaux de base de l’ère soviétique.

Ainsi, il sera beaucoup plus facile pour l’Ukraine d’acquérir des armes nucléaires tactiques surtout en cas de soutien technologique de l’étranger, que pour certains autres États –que je ne nommerai pas maintenant – mais qui développent effectivement de telles armes. Et nous ne devons pas exclure une telle possibilité.

Avec l’apparition d’armes de destruction massive en Ukraine, la situation dans le monde, en Europe, et surtout pour nous, pour la Russie, va changer de façon spectaculaire. Nous ne pouvons pas ne pas répondre à ce danger réel, surtout, je le répète, que des mécènes occidentaux pourraient faciliter l’apparition de telles armes en Ukraine afin de créer une autre menace pour notre pays. Nous pouvons voir avec quelle persistance le renforcement militaire du régime de Kiev est effectué. Depuis 2014, les États-Unis ont envoyé à eux seuls des milliards de dollars à cette fin, notamment des armes, des équipements et des formations spécialisées. Au cours des derniers mois, les armes occidentales ont afflué en Ukraine à un rythme soutenu, de manière démonstrative, au vu et au su du monde entier. Les activités des forces armées et des services de sécurité ukrainiens sont dirigées par des conseillers étrangers, nous en sommes bien conscients.

Ces dernières années, des contingents militaires des pays de l’OTAN ont été présents sur le territoire ukrainien de manière quasi continue sous le prétexte d’exercices. Le système de commandement et de contrôle des troupes ukrainiennes est déjà intégré aux troupes de l’OTAN. Cela signifie que le commandement des forces armées ukrainiennes, même des unités et sous-unités, peut être exercé directement depuis les Etats-majors de l’OTAN.

Les États-Unis et l’OTAN ont commencé sans vergogne à aménager le territoire de l’Ukraine comme théâtre d’hostilitésmilitaires potentielles. Les exercices conjoints réguliers ont une orientation clairement antirusse. Rien que l’année dernière, plus de 23 000 militaires et plus de mille pièces d’équipement y ont participé.

Une loi a déjà été adoptée pour permettre aux forces armées d’autres États d’entrer en Ukraine en 2022 afin de participer à des exercices multinationaux. Il est clair qu’il s’agit avant tout des troupes de l’OTAN. Au moins dix manœuvres conjointes de ce type sont prévues pour cette année.

Il est évident que ces événements servent de couverture au renforcement rapide du groupement militaire de l’OTAN en Ukraine. D’autant plus que le réseau d’aérodromes modernisés avec l’aide des Américains – Borispol’, Ivano-Frankovsk, Tchuguev, Odessa, etc. – est capable d’assurer le transfert d’unités militaires dans les plus brefs délais. L’espace aérien de l’Ukraine est ouvert aux vols de l’aviation stratégique et de reconnaissance américaine et aux drones utilisés pour surveiller le territoire russe.

Je dois ajouter que le centre d’opérations maritimes construit par les Américains à Otchakov permet aux navires de l’OTAN d’opérer, y compris en utilisant des armes de précision, contre la flotte russe de la mer Noire et nos infrastructures sur toute la côte de la mer Noire.

À un certain moment, les États-Unis ont eu l’intention de mettre en place des installations similaires en Crimée, mais les Criméens et les habitants de Sébastopol ont contrecarré ces projets. Nous nous en souviendrons toujours.

Je le répète, aujourd’hui un tel centre est déployé à Otchakov. Laissez-moi vous rappeler que les soldats d’Alexandre Souvorov ont combattu pour cette ville au XVIIIe siècle. Grâce à leur courage, elle est devenue une partie de la Russie. À la même époque, au XVIIIe siècle, les terres de la mer Noire, rattachées à la Russie à la suite des guerres contre l’Empire ottoman, étaient appelées Novorossiya. Aujourd’hui, ces jalons historiques sont oubliés, tout comme les noms des grands militaires de l’Empire russe, sans les efforts desquels de nombreuses grandes villes et même l’accès à la mer Noire ne serait pas à la disposition de l’Ukraine moderne.

Récemment, un monument à la mémoire d’Alexandre Souvorov a récemment été détruit à Poltava. Que dire ? Vous renoncez à votre propre passé ? Au soi-disant héritage colonial de l’Empire russe ? Alors, soyez cohérent !

Plus avant. Je dois noter que l’article 17 de la Constitution ukrainienne n’autorise pas le déploiement de bases militaires étrangères sur son territoire. Mais il s’avère que ce n’est qu’une convention qui peut être facilement contournée.

Les pays de l’OTAN ont déployé des missions de formation en Ukraine. En fait, il s’agit déjà de bases militaires étrangères. Il suffit d’appeler la base une « mission » et le tour est fait.

Kiev a longtemps proclamé une orientation stratégique vers l’adhésion à l’OTAN. Oui, bien sûr, chaque pays a le droit de choisir son propre système de sécurité et de conclure des alliances militaires. Et il pourrait sembler que ce soit le cas, s’il n’y avait pas un « mais ». Les documents internationaux consacrent expressément le principe de la sécurité égale et indivisible, qui, comme nous le savons, comprend l’obligation de ne pas renforcer sa propre sécurité au détriment de celle des autres États. Je fait référence ici à la Charte de l’OSCE pour la sécurité européenne adoptée à Istanbul en 1999 et à la Déclaration d’Astana de l’OSCE de 2010.

En d’autres termes, les choix en matière de sécurité ne doivent pas menacer d’autres États, et l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN constitue une menace directe pour la sécurité de la Russie.

Je me souviens qu’en avril 2008, lors du sommet de Bucarest de l’Alliance de l’Atlantique Nord, les États-Unis ont poussé à l’adoption d’une décision selon laquelle l’Ukraine et, accessoirement, la Géorgie allaient devenir membres de l’OTAN. De nombreux alliés européens des États-Unis étaient déjà bien conscients de tous les risques d’une telle perspective, mais ils ont dû s’accommoder de la volonté de leur partenaire principal. Les Américains les ont simplement utilisés pour poursuivre une politique nettement antirusse.

Un certain nombre d’États membres sont encore très sceptiques quant à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Dans le même temps, certaines capitales européennes nous envoient le message suivant : « De quoi vous inquiétez-vous ? Cela ne se produira pas demain ». En fait, nos partenaires américains disent la même chose. « Bon », répondons-nous, « pas demain, mais certainement après-demain. Qu’est-ce que cela change dans la perspective historique ? En fait, rien ».

En outre, nous connaissons la position et les propos des dirigeants des États-Unis selon lesquels les combats persistants dans l’est de l’Ukraine n’excluent pas la possibilité pour ce pays de rejoindre l’OTAN s’il peut satisfaire aux critères de l’Alliance de l’Atlantique Nord et vaincre la corruption.

Pourtant, on ne cesse d’essayer de nous convaincre que l’OTAN est une alliance pacifique et purement défensive. Selon eux, il n’y a pas de menaces pour la Russie. Une fois de plus, ils nous suggèrent de les croire sur parole. Mais nous connaissons le prix réel de telles paroles. En 1990, lorsque la question de l’unification allemande a été discutée, les dirigeants soviétiques ont reçu des États-Unis la promesse qu’il n’y aurait pas d’extension, ne serait-ce que d’un pouce, de la juridiction ou de la présence militaire de l’OTAN vers l’Est. Et que l’unification allemande ne conduirait pas à une extension de l’organisation militaire de l’OTAN vers l’Est. C’est une citation.

Ils parlaient et nous donnaient des assurances verbales, mais tout cela n’était qu’un bruit vide. Plus tard, on nous a assuré que l’adhésion à l’OTAN des pays d’Europe centrale et orientale ne ferait qu’améliorer les relations avec Moscou, soulagerait ces pays des craintes nées d’un héritage historique difficile et même créerait une ceinture d’États favorables à la Russie.

Il s’est avéré que c’est exactement le contraire qui s’est passé. Les autorités de certains pays d’Europe de l’Est, colportant la russophobie, ont apporté à l’Alliance leurs complexes et leurs stéréotypes sur la menace russe et ont insisté sur le renforcement des capacités de défense collective devant être principalement déployer contre la Russie. Et cela s’est produit dans les années 1990 et au début des années 2000, lorsque, grâce à notre ouverture et à notre bonne volonté, les relations entre la Russie et l’Occident étaient à un niveau élevé.

La Russie a rempli toutes ses obligations, y compris le retrait des troupes d’Allemagne et des États d’Europe centrale et orientale, contribuant ainsi largement à surmonter l’héritage de la guerre froide. Nous avons toujours proposé diverses options de coopération, notamment dans le cadre du Conseil OTAN-Russie et de l’OSCE.

En outre, je vais maintenant dire quelque chose que je n’ai jamais dit publiquement, je vais le dire pour la première fois. En 2000, lors d’une visite à Moscou du président américain sortant Bill Clinton, je lui ai demandé : « Que penserait l’Amérique d’accepter la Russie dans l’OTAN ? »

Je ne révèlerai pas tous les détails de cette conversation, mais la réaction à ma question semblait, disons-le, très retenue. Et la façon dont les Américains ont effectivement réagi à cette possibilité se voit dans les mesures concrètes prise contre notre pays. Cela inclut un soutien ouvert aux terroristes du Caucase du Nord, une attitude dédaigneuse à l’égard de nos demandes et de nos préoccupations en matière de sécurité dans le domaine de l’élargissement de l’OTAN, du retrait du traité ABM, etc. Cela donne envie de se demander : pourquoi, pourquoi tout ça, pour quoi faire ? D’accord, vous ne voulez pas nous voir comme votre ami et allié, mais pourquoi faire de nous un ennemi ?

Il n’y a qu’une seule réponse : il ne s’agit pas de notre régime politique, il ne s’agit de rien d’autre, ils n’ont tout simplement pas besoin d’un pays indépendant aussi grand que la Russie. Telle est la réponse à toutes les questions. C’est la source de la politique américaine traditionnelle à l’égard de la Russie. D’où leur attitude à l’égard de toutes nos propositions dans le domaine de la sécurité.

Aujourd’hui, il suffit de regarder la carte pour voir comment les pays occidentaux ont « tenu » leur promesse de ne pas permettre à l’OTAN d’avancer vers l’Est. Ils nous ont simplement trompé. Nous avons connu cinq vagues d’expansion de l’OTAN, l’une après l’autre. La Pologne, la République tchèque et la Hongrie en 1999, la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie en 2004, l’Albanie et la Croatie en 2009, le Monténégro en 2017 et la Macédoine du Nord en 2020.

En conséquence, l’alliance et son infrastructure militaire ont atteint directement les frontières de la Russie. Cette situation a été l’une des principales causes de la crise de l’euro-sécurité et a eu un impact très négatif sur l’ensemble du système des relations internationales, entraînant une perte de confiance mutuelle.

La situation continue de se détériorer, y compris dans la sphère stratégique. Par exemple, en Roumanie et en Pologne, dans le cadre du projet américain de défense antimissile mondiale, des zones de positionnement pour les missiles antimissile sont en cours de déploiement. Il est bien connu que les lanceurs de missiles déployés ici peuvent être utilisés pour les missiles de croisière Tomahawk – des systèmes de frappe offensive.

En outre, les États-Unis développent un missile universel Standard-6 qui, en plus de résoudre les tâches de défense aérienne et antimissile, peut également frapper des cibles sur air-sol et air-mer. En d’autres termes, le système de défense antimissile américain, censé être défensif, s’étend et de nouvelles capacités offensives apparaissent.

Les informations dont nous disposons nous donnent toutes les raisons de croire que la décision de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et du déploiement ultérieur d’installations de l’OTAN est déjà prise ; ce n’est qu’une question de temps. Nous comprenons clairement que dans un tel scénario, le niveau des menaces militaires à l’encontre de la Russie augmentera de façon spectaculaire, à plusieurs reprises. Et j’attire particulièrement l’attention sur le fait que le danger d’une attaque surprise contre notre pays sera multiplié.

Permettez-moi d’expliquer que les documents de planification stratégique américains (des documents officiels !) consacrent la possibilité d’une frappe dite préventive contre les systèmes de missiles ennemis. Et nous savons aussi parfaitement qui est le principal adversaire des États-Unis et de l’OTAN. C’est la Russie. Dans les documents de l’OTAN, notre pays est officiellement déclaré directement comme étant la principale menace pour la sécurité euro-atlantique. Et l’Ukraine servira de place forte pour porter un tel coup. Si nos ancêtres en avaient entendu parler, ils ne l’auraient probablement pas cru. Et nous ne voulons pas le croire aujourd’hui, mais c’est vrai. Je veux que cela soit compris à la fois en Russie et en Ukraine.

De nombreux aérodromes ukrainiens sont proches de nos frontières. L’aviation tactique de l’OTAN déployées ici, y compris les porteurs d’armes à guidage de précision, pourra frapper notre territoire le long de la ligne Volgograd – Kazan – Samara – Astrakhan. Le déploiement de moyens de reconnaissance radar en Ukraine permettra à l’OTAN de contrôler étroitement l’espace aérien russe jusqu’à l’Oural.

Enfin, après que les États-Unis ont rompu le traité sur les missiles à portée intermédiaire et à plus courte portée, le Pentagone développe déjà ouvertement toute une gamme d’armes de frappe basées au sol, y compris des missiles balistiques capables d’atteindre des cibles situées jusqu’à 5 500 kilomètres. Si ces systèmes sont déployés en Ukraine, ils pourront frapper des cibles sur l’ensemble du territoire européen de la Russie, ainsi qu’au-delà de l’Oural. Il faudraitalors moins de 35 minutes aux missiles de croisière Tomahawk pour atteindre Moscou, 7-8 minutes aux missiles balistiques de la région de Kharkov et 4-5 minutes aux frappes hypersoniques. Cela s’appelle, directement, « un couteau sous la gorge ». Et je ne doute pas qu’ils comptent mettre en œuvre ces plans comme ils l’ont fait à maintes reprises au cours des années précédentes, en étendant l’OTAN vers l’est, en poussant les infrastructures et les équipements militaires jusqu’aux frontières russes, en ignorant complètement nos préoccupations, nos protestations et nos avertissements. Désolé, mais ils ont simplement craché dessus et fait simplement ce que bon leur semblait.

Et bien sûr, on attend aussi d’eux qu’ils continuent à se comporter selon le proverbe bien connu : « Le chien aboie mais la caravane passe ». Permettez-moi de dire tout de suite que nous n’avons pas accepté cela et que nous ne le ferons jamais. Dans le même temps, la Russie a toujours été favorable à la résolution des problèmes les plus complexes par des moyens politiques et diplomatiques, à la table des négociations.

Nous sommes bien conscients de notre énorme responsabilité en matière de stabilité régionale et mondiale. En 2008, la Russie a présenté une initiative visant à conclure un traité sur la sécurité européenne. Son essence était qu’aucun État ou organisation internationale de la région euro-atlantique ne devait renforcer sa sécurité au détriment de celle des autres. Mais notre proposition a été rejetée dès le départ : on ne peut pas permettre à la Russie de limiter les activités de l’OTAN.

En outre, il nous a été dit explicitement que seuls les membres de l’Alliance de l’Atlantique Nord peuvent avoir des garanties de sécurité juridiquement contraignantes.

En décembre dernier, nous avons transmis à nos partenaires occidentaux un projet de traité entre la Fédération de Russie et les États-Unis d’Amérique sur les garanties de sécurité, ainsi qu’un projet d’accord sur les arrangements de sécurité entre la Fédération de Russie et les États membres de l’OTAN.

La réponse des États-Unis et de l’OTAN a consisté en de nombreuses généralités. Il y a eu quelques arguments rationnels, mais ils portaient tous sur des questions secondaires et semblaient être une tentative de détourner la discussion.

Nous avons répondu en conséquence, en soulignant que nous étions prêts à négocier, mais à la condition que toutes les questions soient considérées comme un paquet, sans les séparer des propositions russes de base, fondamentales. Et ceux-ci contiennent trois points essentiels. Le premier est la prévention d’un nouvel élargissement de l’OTAN. Le second est un refus de permettre à l’Alliance de déployer des systèmes d’armes de choc aux frontières de la Russie. Et enfin, un retour des capacités et des infrastructures militaires du bloc en Europe à l’état de 1997, date de la signature de l’Acte fondateur OTAN-Russie.

Ce sont précisément nos propositions de principe qui ont été ignorées. Nos partenaires occidentaux, je le répète, ont une fois de plus énoncé la formule toute faite selon laquelle chaque État a le droit de choisir librement la manière d’assurer sa sécurité et d’adhérer à toute alliance et à tout groupement militaire. En d’autres termes, rien n’a changé dans leur position, les mêmes références à la fameuse politique de la « porte ouverte » de l’OTAN sont entendues. De plus, ils tentent à nouveau de nous faire chanter, en nous menaçant à nouveau de sanctions, qu’ils imposeront d’ailleurs toujours au fur et à mesure que la souveraineté de la Russie et la puissance de nos Forces Armées augmenteront. Et le prétexte pour une nouvelle attaque de sanctions sera toujours trouvé ou simplement inventé, quelle que soit la situation en Ukraine. L’objectif est le même : étouffer le développement de la Russie. Et ils le feront, comme ils l’ont fait auparavant, même sans le moindre prétexte formel, simplement parce que nous sommes et ne serons jamais amenés à compromettre notre souveraineté, nos intérêts nationaux et nos valeurs.

Je veux être clair, je le dis sans détour, dans la situation actuelle, alors que nos propositions de dialogue d’égal-à-égalsur des questions de principe sont restées sans réponse de la part des États-Unis et de l’OTAN, alors que le niveau des menaces contre notre pays augmente de manière significative, la Russie a tout à fait le droit de prendre des contre-mesures pour assurer sa propre sécurité. C’est exactement ce que nous ferons.

En ce qui concerne la situation dans le Donbass, nous pouvons constater que les dirigeants de Kiev déclarent constamment et publiquement qu’ils ne sont pas disposés à mettre en œuvre le paquet de mesures de Minsk pour résoudre le conflit et qu’ils ne sont pas intéressés par une solution pacifique. Au contraire, ils tentent d’organiser à nouveau une guerre éclair dans le Donbass, comme ils l’ont déjà fait en 2014 et 2015. Nous nous rappelons comment ces aventures se sont terminées à l’époque.

Désormais, il ne se passe presque pas un jour sans que des zones peuplées de Donbass soient bombardées. Un groupe important de troupes utilise en permanence des drones d’attaque, des équipements lourds, des roquettes, de l’artillerie et des systèmes de lance-roquettes multiples. Le meurtre de civils, le blocus, les mauvais traitements infligés aux personnes, y compris aux enfants, aux femmes et aux personnes âgées, se poursuivent sans relâche. Comme nous le disons ici, il n’y a pas de fin en vue.

Et le monde dit civilisé, dont nos collègues occidentaux se sont autoproclamés les seuls représentants, préfère ne pas s’en apercevoir, comme si toute cette horreur, le génocide dont sont victimes près de 4 millions de personnes, n’existait pas. Et cela seulement parce que ces personnes n’étaient pas d’accord avec le coup d’État soutenu par l’Occident en Ukraine en 2014 et s’opposaient à la politique d’Etat tournée vers un nationalisme de caverne agressif et le néonazisme. Et ces gens ne se battent que pour le respect de leurs droits élémentaires – vivre sur leur propre terre, parler leur propre langue, préserver leur culture et leurs traditions.

Combien de temps cette tragédie peut-elle durer ? Combien de temps encore peut-on tolérer cela ? La Russie a tout fait pour préserver l’intégrité territoriale de l’Ukraine, et a travaillé avec persistance et patience pendant toutes ces années pour la mise en œuvre de la résolution 2202 du Conseil de sécurité des Nations unies du 17 février 2015, qui consacrait le paquet de mesures de Minsk du 12 février 2015 pour résoudre la situation dans le Donbass.

Tout a été en vain. Le président du pays change, les députés de la Rada changent, mais l’essence, la nature agressive et nationaliste du régime qui a pris le pouvoir à Kiev, ne change pas. Il est entièrement le produit du coup d’État de 2014, et ceux qui ont emprunté la voie de la violence, du bain de sang et de l’anarchie ne reconnaissaient et ne reconnaîtront aucune autre solution à la question du Donbass qu’une solution militaire.

Dans ce contexte, je considère qu’il est nécessaire de prendre la décision, attendue depuis longtemps, de reconnaître immédiatement l’indépendance et la souveraineté de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Louhansk.

Je demande à l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie de soutenir cette décision et de ratifier ensuite les traités d’amitié et d’assistance mutuelle avec les deux républiques. Ces deux documents seront préparés et signés dès que possible.

Nous exigeons que ceux qui ont pris et détiennent le pouvoir à Kiev cessent immédiatement les hostilités. Sinon, toute la responsabilité de la poursuite éventuelle de l’effusion de sang reposera totalement et entièrement sur la conscience du régime au pouvoir sur le territoire de l’Ukraine.

En annonçant les décisions prises aujourd’hui, je suis confiant dans le soutien des citoyens de Russie, et de toutes les forces patriotiques du pays.

Merci de votre attention.

Traduit par Gaël-Georges Moullec, pour le site de la Revuepolitique.fr


 

Y Le Président Zelensky s’adresse à l’opinion publique russe quelques minutes avant le début du conflit