Le Programme commun de gouvernement est un programme de réformes, adopté le  par le Parti socialiste, le Parti communiste français. Quelques radicaux les rejoignent par la suite. Il prévoyait un grand bouleversement dans les domaines économique, politique et militaire en France. Ce texte est avant tout l’aboutissement d’une démarche de rapprochement entamée par les deux frères ennemis de la Gauche au début des années 60.

Diffusé au format poche par les Éditions sociales, il constitue dès lors l’identité de la gauche française inscrite dans une stratégie de conquête du pouvoir du Parti socialiste jusqu’alors plutôt tourné vers le centre.

Les extraits choisis reprennent les propositions de la partie consacrée aux libertés montrent toute l’influence que ce texte aura par la suite à partir de 1981 et l’élection de François Mitterrand.

 

Depuis 1958, année après année, le régime actuel a mis en place un arsenal de lois répressives et policières qui menacent la démocratie et la liberté de chacun. La France doit préserver et développer les traditions démocratiques propres à son peuple. Les lois qui atteignent les libertés des citoyens doivent être abrogées ; des lois qui les protègent doivent être votées.

  1. Les libertés individuelles.

Le régime d’habeas corpus sera institué, le respect du principe de la présomption d’innocence assurée. Toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer d’un prévenu engagera la responsabilité personnelle de ses auteurs.

La garde à vue, la procédure de flagrant délit et les pouvoirs de police judiciaire des préfets seront abrogés, ainsi que les dispositions de la loi du 17 juillet 1970 portant atteinte aux droits de mise en liberté provisoire. Seront interdites les mesures temporaires privatives de liberté décidées par l’administration.

La France ratifiera à la Convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles annexes.

Les libertés de la pensée et de l’expression seront garanties. L’inviolabilité du domicile, le secret de la correspondance et des conversations sont garanties.

Le citoyen sera protégé contre les atteintes qu’un développement de l’informatique pourrait porter à sa vie privée. Le secret du vote sera effectivement garanti.

La liberté de conscience des cultes sera garantie notamment par la séparation des églises et de l’État, ainsi que par la laïcité de l’État et de l’enseignement public.

Les discriminations raciales et antisémites et leur expression seront interdites et réprimées par la loi.

Le parlement élira pour trois ans un délégué parlementaire à la liberté, qui aura pour fonction d’enquêter sur les violations de la liberté individuelle qui lui auront été signalées et d’en rendre compte au Parlement.

La France reconnaîtra solennellement le droit d’asile. Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté aura droit d’asile sur le territoire de la République et bénéficiera du statut des réfugiés politiques.

Le régime des expulsions sera contrôlé par la justice. Il sera mis fin aux expulsions arbitraires dont la Ve République s’est faite une spécialité déshonorante.

  1. Les libertés collectives.

Les libertés de manifestation, de diffusion des écrits, de réunion et d’associations seront assurées. La loi du 8 juin 1970 dite « loi anticasseurs » sera abrogée.

Le droit de grève sera garanti. Toutes les lois et tous les règlements qui en restreignent le libre exercice, dans le secteur public et privé, seront abrogés. Seront garanties la liberté de constitution des syndicats, leur indépendance à l’égard de l’État et des parties et leur liberté d’appréciation sur les modalités de leur engagement dans la vie publique. […]

  1. La police.

Le pouvoir actuel détourne la police de son rôle républicain d’auxiliaires de la justice. Utilisant essentiellement comme instrument de répression, il suscite le désordre et des abus de toute nature. Il jette le trouble parmi les policiers eux-mêmes en les isolant de la nation.

La force publique instituée pour la garantie des libertés individuelles et collectives devra rester en permanence au service du peuple souverain.

La police sera démocratisée dans son recrutement et sa formation, l’instruction professionnelle revue et prolongée.

Les personnels de police bénéficieront du statut général de la fonction publique.

La police judiciaire sera rattachée au ministère de la justice. Les polices parallèles seront dissoutes. Le SDECE sera supprimé. [… ]

  1. La justice.

L’indépendance de la justice à l’égard du pouvoir doit être rétabli et garanti. Le Conseil Supérieur de la Magistrature sera démocratisé. Certains de ses membres seront désignés par le président de la République et choisis parmi les juristes représentatifs du barreau et de l’enseignement du droit, d’autres sont élus par l’Assemblée nationale et par le Sénat, d’autre part chaque catégorie de magistrats. Le Conseil élira son président parmi ses membres. […]

L’indépendance de l’avocat sera garantie. Son intervention pourra avoir lieu dès qu’une personne sera arrêtée.

Le régime des peines et celui des prisons seront réformés pour permettre la réinsertion sociale. Un effort particulier sera entrepris en faveur de l’éducation surveillée.

La peine de mort sera abolie.

Programme commun de gouvernement du parti communiste et du parti socialiste, 27 juin 1972, Paris, éditions sociales, 3ème partie « démocratiser les institutions, garantir et développer les libertés », chapitre premier « les libertés « , extraits pages 143 – 148

 

François Mitterrand (premier secrétaire du PS), Georges Marchais (secrétaire général du PCF) et Robert Favre (député radical de l’Aveyron) participent à une manifestation du Comité national d’action laïque (Cnal) 9 décembre 1972.