Joseph Soleil, Le livre des instituteurs traité complet des devoirs et des droits des membres de l’enseignement Paris librairie le Soudier, 1934, 346 pages.

Le Code Soleil, titré à l’origine Le livre des instituteurs traité complet des devoirs et des droits des membres de l’enseignement est un guide professionnel destiné aux instituteurs, publié à partir de 1923. Il prend rapidement le surnom de « Code Soleil » du nom de son auteur originel, Joseph Soleil. Ce dernier, radical-socialiste, est alors chef de bureau honoraire au ministère de l’éducation nationale chargée des conférences de législation scolaire aux Écoles normales supérieures de Fontenay et de Saint-Cloud.

La question de la laïcité fait partie des premières questions abordées dans l’ouvrage et s’appuie essentiellement sur la pensée et les textes de Ferdinand Buisson.

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7.-L’état enseignant doit ouvrir ses écoles aux enfants de tous les citoyens, sans exception mais tous les citoyens ne professent pas les mêmes croyances religieuses : si l’État inscrivait dans ses programmes une morale fondée sur un dogme religieux, il exclurait de ses écoles quiconque adopte un autre dogme : c’est donc pour l’école publique  une nécessité d’être laïque et d’enseigner une morale laïque. Par cela même, elle garantit à tous la liberté de conscience.

En substituant, dans la première ligne du programme, à la « morale religieuse », « l’instruction morale et civique », le législateur de 1882 a proclamé la neutralité confessionnelle de l’école publique. La loi met ainsi en dehors du programme obligatoire l’enseignement de tout dogme particulier : l’instruction religieuse appartient à la famille et à l’église, l’instruction morale à l’école.

Les adversaires de l’école laïque n’ont pas manqué de soutenir que l’enseignement de la morale est inefficace s’il n’a pas pour fondement le droit divin, pour sanction la promesse ou la menace de récompenses et de punitions supraterrestres. Cette thèse, inspirée par l’esprit de parti, a été maintes fois et victorieusement réfutée. Elle ne saurait affaiblir votre foi dans la puissance de la raison, de la conscience, de la justice humaines. […]

Extrait page 13

[…] Ces principes, si noblement exprimés par l’éminent fondateur de l’école laïque, n’ont pas varié. Nous les retrouvons en substance dans une déclaration faite, au nom de la délégation française au Congrès international d’éducation morale de 1908, par M. Ferdinand Buisson, ancien directeur de l’enseignement primaire : « nous estimons qu’une nation libre peut et doit donner à tous ses enfants dans les écoles publiques, une éducation morale complète par les seules ressources de la raison et de la conscience, quelles que soient d’ailleurs les croyances religieuses qui s’y ajoutent ou ne s’y ajoutent pas. Notre école publique laïque ne fait pas la guerre à ces croyances. Elle ne se charge pas non plus de les enseigner, ni de les recommander. Elle ne fait de propagande ni pour ni contre une foi religieuse quelconque.

Elle ne s’inquiète pas de savoir si l’enfant est ou sera protestant ou catholique, juif, chrétien ou libre penseur : elle ne songe qu’à en faire un honnête homme, rien de plus. Et pour cela, elle s’efforce de développer son cœur, son caractère, en lui faisant aimer le vrai, le bien et le goût » […]

Neutralité religieuse n’est pas mépris des religions. N’oublions jamais que la doctrine rationaliste est une doctrine de tolérance. L’instituteur peut remplir sa mission sans avoir à faire personnellement ni adhésion ni opposition à aucune des diverses croyances confessionnelles. Bien mieux : « il devra éviter comme une mauvaise action tout ce qui, dans son langage ou dans son attitude, blesserait les croyances religieuses des enfants confiés à ses soins, tout ce qui porterait le trouble dans leur esprit, tout ce qui trahirait de sa part envers une opinion quelconque un manque de respect ou de réserve ». […]

12-La neutralité religieuse n’implique pas davantage la différence. Être neutre en matière religieuse, ce n’est pas être nul, n’avoir aucune foi, aucune opinion, aucune préférence ; c’est donner l’exemple de la tolérance large et généreuse pour toutes les idées qui ne sont pas les nôtres, jusqu’au point où elles deviennent des idées d’intolérance et de haine.

L’instituteur devra donc respecter les idées et les hommes de bonne foi. Il sera d’une correction parfaite à l’égard de tous les représentants du culte, il exigera la même correction vis-à-vis de lui-même. Il n’aura pas à redouter d’être accusé de manquer à son devoir de neutralité, en approuvant toute manifestation de fraternité, de bonté, de justice, de quelque religion qu’elle provienne, pas plus qu’en s’élevant d’une manière modérée mais ferme en face de l’intolérance et de l’impartialité, fût-elle proclamée au nom d’un dogme.

Il est bien entendu que toutes les querelles politiques ou religieuses doivent s’apaiser au seuil de l’école ; leur écho, même affaibli, ne doit pas s’y répercuter. Mais l’instituteur, citoyen laïque, ne saurait demeurer indifférent, par exemple devant les attaques d’un fanatisme agressif : il ne saurait être question de neutralité entre le juste et l’injuste, ni de tolérance devant la calomnie systématique. Il est des limites au-delà desquelles la tolérance deviendrait un coupable abandon.

« Ce serait, de la part des instituteurs, mésuser de leur indépendance que de se laisser émouvoir par des tentatives d’intimidation. Le résultat intentionnellement poursuivi serait, s’il s’y prêtait, de procurer aux adversaires de la laïcité l’occasion de se targuer d’une victoire qui, loin de satisfaire leur esprit de domination, ne ferait qu’encourager des entreprises nouvelles. »

13- Tout enseignement religieux, toute récitation de prières, tout emblème religieux sont bannis de l’école laïque. Mais toute liberté doit être laissée aux familles pour donner ou faire donner si elle le désire, à leurs enfants, l’éducation religieuse en dehors des heures de classe. […]

Extraits pages 15 – 18

Joseph Soleil Le livre des instituteurs traité complet des devoirs et des droits des membres de l’enseignement Paris librairie le Soudier, 1934, extraits du chapitre II – l’instituteur dans sa classe, I- La Neutralité scolaire