En 1899, en réponse à une directive ministérielle du 29 décembre 1898, toutes les écoles primaires des communes françaises ont été sollicitées pour rédiger des monographies scolaires. Dans le cadre de l’exposition universelle de 1900 à Paris, il s’agissait ainsi de contribuer à préparer l’exposition du ministère de l’instruction publique consacrée à l’enseignement primaire. L’objectif politique était de célébrer les progrès de l’instruction publique et de mettre en avant  le rôle des instituteurs et des institutrices au service de la nation et de la République.

Ces monographies scolaires ont été rédigées par les enseignant-es en suivant un plan commun fixé par le ministère. Elles constituent des sources précieuses sur l’évolution et les réalités de l’enseignement primaire dans les communes au 19ème siècle. Celles du Gers ont été mises en ligne par les archives départementales.

guerre scolaire GersL’extrait présenté ci-dessous est issu de la monographie de l’école de garçons de Fleurance, petite ville du nord du Gers peuplé d’un peu plus de  4000 habitants à la fin du 19e siècle.  Comme toutes les monographies scolaires, le texte a été rédigé par le directeur de l’école Jean-Marcellin Dubuc. Celui-ci est représentatif des « hussards noirs » de la  la République formés dans les écoles normales.

Dans son exposé, le directeur relie clairement la création de l’école laïque de Fleurance à « l’avènement de la 3ème République », en 1870, faisant de la question de l’école un enjeu politique central pour la République. Jusqu’en  1870,  l’enseignement primaire à Fleurance  était dominé par les frères des écoles chrétiennes  qui avaient un  monopole qu’il s’agit donc  de briser, afin d’enraciner la République.


I. Création de l’école

A.  L’école publique et laïque de Fleurance est de date relativement récente et sa fondation coïncide, peut-on dire, avec l’avènement de la 3ème  République. Dès le 28 septembre 1870, en effet, la commission municipale prenait la délibération suivante : « Un conseil municipal antérieur ayant vivement désiré un instituteur communal laïque et fait des démarches pour l’obtenir, reçut, ce qui est hors de doute, l’adhésion de M. Duruy, alors ministre de l’instruction publique. La commission municipale, jalouse de faire ce qui dépendra d’elle pour faciliter aux enfants de la commune les moyens de recevoir une bonne éducation et une solide instruction, sûre en même temps de l’assentiment général des familles, décide que de pressantes démarches devront être faites pour obtenir la nomination d’un Instituteur qui enseignera gratuitement les élèves . Elle charge en même temps M. le Maire d’informer l’instituteur congréganiste que son traitement comme instituteur communal est supprimé à partir du 1er octobre [1870] prochain. La commission entière, en votant les centimes spéciaux pour l’instruction primaire, entend qu’ils soient affectés à un instituteur laïque.”

M. Montanier, Préfet du gouvernement de la Défense nationale, s’empressa de déférer au vœu qui lui était transmis et, par arrêté en date du 6 novembre [1870] suivant, prononça la laïcisation de l’école congréganiste. Son successeur, M. du Gabé, à tendances moins libérales, sur l’instigation probable des partisans des Frères, essaya de contester la régularité de l’arrêt du 6 novembre; mais une décision ministérielle intervenue à la suite d’une nouvelle délibération du conseil municipal, déclarait l’arrêt de laïcisation inattaquable et parfaitement régulier. L’école laïque actuelle était donc légalement fondée. Toutefois, dans l’esprit de la municipalité, elle ne devait pas jouir d’une autonomie complète. M. Lang, chef d’Institution secondaire, subventionné par le budget communal, paraissait désigné pour en avoir la haute direction. M. le Préfet, consulté, écarta cette prétention “alléguant avec raison, que l’école peut avoir d’autres chefs que ceux que la loi a désignés.”

Monographie scolaire de la commune  Fleurance, 31 août 1899, le directeur de l’école publique  de garçons,  Jean-Marcellin  Dubuc

 

Source : Archives départementales du Gers, Référence : T 156 54, P.4-6

Y  Une école de filles dans le Gers – 1899