Marco Polo est né à Venise en 1254 et mort en 1324. Il quitte sa ville natale en 1271 et ne rentre en Italie qu’en 1295.

Alors que la Sérénissime est en guerre contre Gênes, Marco Polo est fait prisonnier. C’est durant cet épisode de détention qu’il dicte ses souvenirs de voyages qui deviendront Le livre des Merveilles.

Au service de Koubilaï Khan pendant de nombreuses années, voici la description que Marco Polo  offre de Pékin, « de tout temps (…) très fameuse et capitale des rois » et de ses faubourgs.

 


« 10- La ville de Pékin est située sur le bord d’une puissante rivière dans la province de Chine. De tout temps elle a été très fameuse et capitale des rois. Son nom tartare, Cambaluc, signifie « ville du seigneur ». Le Grand Khan l’a transférée de l’autre côté de la rivière, parce qu’il avait appris par les astrologues qu’elle devait, dans l’avenir, être rebelle à l’empire.
La ville est construite en carré et peut avoir huit lieues de tour car chacun de ses côtés doit mesurer environ six mille pas de long. Ses murailles sont blanches; elles ont dix toises de hauteur et cinq de large, leur épaisseur étant moindre en haut qu’à la base des murs. Chaque côté de la muraille a trois portes principales, ce qui fait qu’il y en a douze en tout. Chaque porte est encadrée de bâtiments imposants et magnifiques. Il y a aussi de belles bâtisses dans les angles des murs; elles servent de dépôt pour les armes de la cité.
Les rues et les places de Pékin sont si droites qu’on peut, sans que rien n’empêche le regard, voir d’une porte à l’autre à travers toute la ville. Les maisons bâties de chaque côté des rues sont très belles, au point de ressembler à de petits palais.
Au milieu de la ville, il y a un bâtiment plus somptueux que les autres où est pendue une grosse cloche qu’on sonne par trois fois chaque soir. Ce signal signifie que plus personne ne doit sortir de sa maison jusqu’au lendemain matin, à moins que ce ne soit pour une cause urgente telle que secourir des malades ou de proches parents. Et encore, ceux qui sortent ainsi par obligation doivent-ils porter de la lumière avec eux.
Mille homme sont commis à la garde de chaque porte, pas tant par crainte des ennemis que des voleurs et des bandits, car le roi prend grand soin de pourchasser et de punir les larrons et les brigands, pour éviter que son pays n’en soit infesté ».

« 11- Autour de Pékin, il y a douze grands faubourgs, chacun situé près d’une des douze portes. On y trouve beaucoup de négociants de passage et d’étrangers à la cité. Du fait de la présence de l’empereur et de la cour, toutes sortes de marchandises y affluent, et on y croise tous les jours une grande foule de gens qui viennent à Pékin pour faire du commerce et qui s’arrêtent dans ses faubourgs. Du reste, ces faubourgs ne ressemblent pas à ceux des autres cités, car les bâtiments qu’on y voit égalent en splendeur et en somptuosité les plus beaux de la ville elle-même, exception faite du palais royal.
Aucune sépulture ne se fait dans l’enceinte de la ville, mais seulement en dehors des faubourgs: les idolâtres brûlent le corps de leurs morts, et les tenants des autres religions les enterrent. Et parce qu’il y a une très forte affluence d’étrangers, il se rencontre dans ces faubourgs un très grand nombre de prostituées, plus de vingt mille. Toutefois, on n’en tolère aucune dans l’enceinte de la ville.
Il est impossible de dire précisément combien de sortes de marchandises et de richesses arrivent là depuis un peu partout: on a l’impression qu’il y en aurait assez pour en fournir au monde tout entier. On apporte des pierres précieuses, des perles, de la soie et diverses épices et parfums, des Indes, de la Chine méridionale ou d’ailleurs dans le pays. Cette ville apparaît comme le centre de toutes les régions et provinces avoisinantes, et il ne se passe pas un jour de l’année sans que les marchands étrangers y apportent mille chariots chargés de soie avec laquelle les artisans locaux fabriquent de très belles et très originales étoffes ».

D’après: Marco Polo, Le Livre des Merveilles, Livre deuxième. Des régions de l’Inde Orientale, édition Le Livre de poche jeunesse, p.95-97.