L’avocat Richard Msimang (1883-1933) fut l’un des membres fondateurs du Congrès national des indigènes sud-africains (South African Native National Congress, SANNC, ANC en 1923). Il fut aussi le fondateur d’une Église indépendante. Il collecta en son temps des témoignages sur les effets de la loi de 1913 sur les terres indigènes qui organisait la spoliation foncière des habitants noirs de l’Union sud-Africaine. L’Union sud-Africaine est devenue un dominion en 1910, après le Dominion of Canada (1867), le Commonwealth of Australia (1901), la Nouvelle-Zélande (1907) et avant l’Irish Free State (bizarrement traduit État libre d’Irlande, 1922). Le terme « dominion » n’est acté qu’avec le statut de Westminster de 1931..
Un petit demi-siècle avant l’Apartheid proprement dit, l’application de la loi sur les terres indigènes permit à des fermiers blancs d’acquérir à prix réduit des cheptels dont les propriétaires noirs étaient contraints de se défaire, faute de pouvoir disposer d’un droit de pâture après la confiscation de leurs terres. La loi fut un formidable facteur de paupérisation des paysans noirs, propriétaires ou non.
« Waaschbank, district de Dundee, province du Kwazulu-Natal – 80 familles individuelles. Les faits et les détails concernant ces personnes seront collectés avec soin à partir de la déclaration sous serment du chef Sandanezwe Mcunu et de son peuple qui sont les 80 personnes visées par l’ordre de quitter leur ancien lieu de résidence. Le chef, déclare en son serment :
1. Je suis le chef des Amacunu de la tribu Abanguni à Waschbank, Klipport, Elands Laagte et Hattingspruit dans la division ou le district de Dundee, Natal. Mon peuple et moi-même vivons dans plusieurs fermes privées dans les différents endroits mentionnés ci-dessus, certains comme occupants sans titres et d’autres comme locataires.
2. En janvier 1914, j’ai reçu du propriétaire de Waschbank, la ferme où je demeure, une notification m’enjoignant de quitter ladite ferme avec mes familles et mon bétail dans les six mois à compter du début de l’année. Des avis similaires ont été adressés à d’autres personnes de mon peuple […]
3. En outre, au cours de la même période, beaucoup de ceux du peuple dont je suis le chef, qui étaient demeurés sans titre ou qui avaient résidé dans les divers lieux précités, reçurent chacun notification d’expulsion de leurs fermes respectives dans les six mois. Chacune de ces personnes m’a informé desdites notifications d’expulsions de leurs fermes […]
4. Lorsque je reçus la notification d’expulsion de ladite ferme, et aussi lorsque les cas individuels de mes gens furent portés à ma connaissance, j’informai le magistrat de Dundee de la situation des miens et il renvoya l’affaire devant le Commissaire en chef des indigènes à Pietermaritzburg. Je demandai qu’on trouve une place pour moi et pour mon peuple, mais jusqu’à présent, aucun endroit ou ferme de ce genre n’a pu être trouvé. Le magistrat de Dundee a promis de trouver une place pour moi seul, mais je n’aime pas être séparé de mon peuple.
5. Plus de 80 familles dont la mienne sont touchées par ces notifications d’expulsion. Chacune d’elles m’a rapporté avoir du bétail et des biens. J’ai moi-même trois kraals Kraal : hameau et unité sociale de base, notamment chez les Zoulous, principaux habitants du Natal à partir du début du XIXe.: l’un de six familles, le deuxième de cinq familles et le troisième de deux. Ce dernier a été expulsé de la ferme et se trouve à présent transféré à Toleni’ Klipport.
6. J’ai un cheptel composé de 50 moutons, 30 chèvres, 30 vaches et 7 chevaux. Si le délai de préavis expire avant que j’aie trouvé une autre ferme pour mon pauvre peuple et moi-même, je crains de ne pas avoir d’endroit où aller et d’être obligé de vendre ou de garder mon bétail à perte, car je n’aurai aucun lieu pour l’installer et le faire paître. Mes gens me demandent de leur trouver une place pour eux-mêmes, leurs familles et le cheptel qu’ils possèdent mais je ne sais pas à qui m’adresser dans cette situation. Le fermier nous dit de vendre tout notre bétail.
Le magistrat et d’autres personnes me conseillent de faire de mon mieux pour moi-même et pour mon peuple ou de parvenir avec les différents propriétaires de fermes à un arrangement en vertu duquel nous devons accepter de travailler sur la ferme gratuitement et sans rémunération conformément à la nouvelle loi. »
Richard Msimang, Native Land Act (la loi sur les terres indigènes), 1913, Le Cap, 1914.