Dion Cassius (ou Cassius Dion ; 155-235 ap.J.-C.) est un historien romain né en Bythinie. Son cursus honorum est particulièrement bien fourni puisqu’il a été sénateur, prêteur, consul suffect, proconsul puis consul ordinaire. Il est l’ auteur d’une Histoire romaine en 80 livres (parvenue à nous de manière fragmentaire), allant des origines de l’Urbs au règne d’Alexandre Sévère.
L’extrait ci-dessous évoque le suicide de la dernière reine lagide, Cléopâtre VII Philopator. Si l’auteur ne statue pas sur la façon dont celle-ci se donna la mort, son récit vaut autant pour le dépit que le décès inspira au futur Auguste que par la digression sur les Psylles (une tribu berbère) qui ne craignent rien quant aux morsures de serpent et qui même « éprouvent leurs enfants en les jetant dès leur naissance au milieu des serpents ».
« Personne ne sut clairement de quelle manière elle périt. On ne trouva que de légères piqûres sur son bras. Les uns disent qu’elle approcha d’elle un aspic, introduit auprès d’elle dans un vase à eau ou peut-être parmi des fleurs. D’autres qu’elle avait enduit une aiguille qui lui servait à attacher ses cheveux, d’un venin ayant un pouvoir tel qu’il n’est pas du tout nocif pour le corps habituellement mais que, s’il touche du sang, si peu que ce soit, il fait périr très rapidement et sans douleur. Jusqu’alors elle portait, dit-on, cette aiguille sur la tête comme elle en avait l’habitude, mais à ce moment-là, elle se fit une piqûre au bras et la fit pénétrer dans son sang. C’est de cette façon ou d’une autre tout à fait voisine qu’elle mourut ainsi que deux servantes. Car l’eunuque s’était livré volontairement aux serpents dès l’arrestation de sa maîtresse et, une fois mordu par eux, s’était jeté dans un cercueil préparé pour lui. Quand il apprit la mort de Cléopâtre, Octavien fut frappé de stupeur ; il vit son corps, lui fit appliquer des remèdes et fit venir des Psylles dans l’espoir qu’elle se remettrait. Ces Psylles sont des hommes-car il n’y a de femme psylle ; ils peuvent sucer le venin de tout serpent sur-le-champ, avant que la victime ne meure, et n’éprouvent eux-mêmes aucun mal, puisqu’ils ne sont mordus par aucun de ces animaux. Ils s’engendrent les uns les autres et éprouvent leurs enfants en les jetant dès leur naissance au milieu des serpents ou bien en lançant leurs langes à certains de ces reptiles. ceux-ci ne font aucun mal à l’enfant et sont engourdis par ses vêtements. Voilà ce qu’il en est. Pour en revenir à Octavien, n’ayant pu par aucun moyen rappeler Cléopâtre à la vie, il éprouva pour elle à la fois de l’admiration et de la pitié et fut lui-même fortement affligé, comme s’il avait été privé de toute la gloire de sa victoire ».
Dion Cassius, Histoire romaine, LI, 14,1.