Si les fantômes, esprits et autres revenants sont l’apanage des époques récentes, il ne faut pas croire que l’Antiquité n’a pas connu d’histoires de revenants, comme en témoignent les extraits ci dessous.
Le premier extrait provient de Pausanias. Dans ce court extrait, il revient sur les fantômes des combattants et de leurs chevaux morts au combat qui hantent la plaine de Marathon en Grèce.
Le deuxième extrait provient des Fastes rédigés par Ovide [43 avant JC- 17 après JC], poète latin auteur des Métamorphoses et des Fastes, œuvre centrée sur le calendrier des fêtes de la religion romaine et à ses diverses dimensions mythologiques. L’extrait choisi traite des Parentalia et des Feralia qui ont lieu du 13 au 20 février.
Enfin, le troisième extrait provient de l’œuvre de l’historien et moraliste romain Valère Maxime, rédigé entre 24 et 31 après J.C. Dans cet extrait, ce contemporain de l’empereur Tibère revient sur la visite nocturne terrifiante annonciatrice de sa mort prochaine qu’aurait eu Cassius de Parme, un écrivain partisan de Marc-Antoine, et qui fit partie des conspirateurs ayant assassiné César en -44. Il meurt en -31, sur l’ordre d’Octave.
Extrait n° 1 : les fantômes de Marathon
[…] On entend toutes les nuits à Marathon des hennissements de chevaux, et un bruit pareil à celui que font des combattants. Ceux qui n’y viennent que par pure curiosité ne s’en trouvent pas bien ; mais ceux qui, n’ayant entendu parler de rien, passent là par hasard, n’ont rien à craindre du courroux des esprits. Les Marathoniens donnent le nom de héros à ceux qui ont péri dans ce combat, et les honorent comme tels, ainsi que Marathon, de qui leur bourg a pris son nom, et Hercule, auquel ils ont, disent-ils, rendu les honneurs divins avant tous les autres Grecs. […]
Pausanias, Périégèse, Livre II, chapitre XXXII, 4
Extrait n°2 : quand les morts sortent de leurs tombeaux à Rome
Il y a aussi des honneurs pour les tombeaux. Apaisons les mânes de nos pères, et portons quelques dons sur leurs bûchers refroidis. Les mânes se contentent de peu ; ils estiment la piété toute seule à l’égal des plus riches présents ; il n’y a point d’avidité cupide chez les divinités du Styx. C’est assez que la tuile sépulcrale soit cachée sous les couronnes, et qu’on y ait ajouté un peu de blé, quelques grains de sel, un pain amolli dans du vin pur, quelques brins de violettes épars, tout cela dans un vase abandonné au milieu des chemins. Mettez, si vous le voulez, plus de pompe dans vos hommages ; mais ceux-là suffisent aux mânes. Prononcez encore les prières et les paroles consacrées devant les brasiers de leurs autels. O bon roi Latinus ! ce fut le modèle des hommes pieux, ce fut Énée qui introduisit ces usages dans ton empire : le peuple, en le voyant offrir des dons solennels au génie de son père, adopta cette religion du souvenir.
À une époque de guerres longues et sanglantes, il arriva que les jours consacrés aux mânes des ancêtres ne furent point célébrés. La vengeance fut prompte, et, après cet oubli sacrilège, tant de bûchers s’allumèrent dans les faubourgs, que la ville même en sentait les ardeurs. On dit, prodige incroyable, que les mânes des ancêtres sortirent de leurs tombeaux, et firent entendre de lamentables plaintes dans le silence de la nuit ; on dit que la troupe lugubre de ces insaisissables fantômes effraya de ses hurlements les rues de Rome et les campagnes du Latium. On rendit enfin aux ombres et aux sépultures les honneurs qu’elles réclamaient ; les prodiges disparurent, et la mort cessa de sévir.
Ovide Les Fastes, Livre II, chants 533 à 555, traduction de M. Nisard, Paris, 1857, extrait
Extrait n°3 : le cauchemar de Cassius de Parme
[…] Ce songe d’une forme si effrayante est encore dépassé par celui que je vais raconter. Après la défaite des troupes de M. Antoine auprès d’Actium, Cassius de Parme, l’un de ses partisans, se réfugia dans Athènes. Là, au milieu de la nuit, comme il s’était couché et que, accablé d’inquiétudes et de soucis, il s’était endormi, il lui sembla qu’il voyait venir à lui un homme d’une taille gigantesque, d’un teint noir, la barbe négligée et les cheveux épars, que, lui ayant demandé qui il était, le spectre répondit : « Ton mauvais génie. » Épouvanté d’une vision si affreuse et d’un nom si effrayant, il appela ses esclaves et leur demanda s’ils avaient vu un homme d’un pareil aspect entrer dans sa chambre ou en sortir. Ils lui affirmèrent que personne ne s’en était approché. Cassius se recoucha, se rendormit et la même apparition vint encore se présenter à son esprit. Aussi, bannissant le sommeil, il fit apporter de la lumière et défendit à ses esclaves de le quitter. Entre cette nuit et le supplice, auquel le condamna César, il ne s’écoula que bien peu de temps. […]
Valère Maxime Faits et dis mémorables, Livre I, chapitre VII, 6, extrait
Pour aller plus loin :
- Thomas Marlier Histoires de fantômes durant l’Antiquité, bulletin de l’association Guillaume Budé, 2006, 1, pp. 204-224, disponible ICI