Le projet 2025, également appelé « mandat de leadership : la promesse conservatrice », est un ouvrage de 900 pages de propositions politiques conservatrices proposé par la Heritage Foundation. Créée en 1973 par le milliardaire américain Joseph Coors, cette fondation qui s’est radicalisée dans les années 90 est devenue l’un des plus puissants think tanks des États-Unis. Il a connu son heure de gloire sous Ronald Reagan (le fameux projet IDS rebaptisé Stars Wars lui a été inspiré par la Heritage Foundation par exemple). Elle concentre aujourd’hui le gratin intellectuel républicain réactionnaire (fasciste ?) du pays qui soutient la candidature de Donald Trump.
Dans le contexte des élections de 2024, Heritage Foundation a publié un projet politique d’extrême-droite destiné à accompagner Donald Trump, en cas de victoire. Son objectif est clairement lisible : il s’agit de transformer le gouvernement fédéral des États-Unis, en remplaçant 40 000 fonctionnaires par des individus aux ordres, consolider et renforcer le pouvoir exécutif, notamment en lui soumettant une partie du pouvoir législatif. Ce programme, ouvertement réactionnaire, remet en cause certaines libertés fondamentales au point que la question se pose : le fascisme est-il aux portes du pouvoir aux États-Unis ?
Les extraits choisis (et accompagnés de leur version d’origine) nous délivrent une vision apocalyptique des États-Unis. Le premier extrait est issu du chapitre introductif. Ce dernier brosse un tableau chaotique des États-Unis (confondu comme toujours avec l’Amérique) et montre les obsessions classiques des conservateurs envers la gauche démocrate (Joe Biden est cité à de nombreuses reprises dans l’ouvrage) : la pornographie, les migrants et la drogue. Les autres extraits donnent un aperçu de la conception du pouvoir selon les Républicains : sans renier (complètement) la constitution des États-Unis, Heritage Foundation préconise une concentration entre les mains du Président, qui peut et doit s’appuyer sur l’Armée.
Extrait n° 1 : une Amérique livrée à la pornographie et à la drogue selon les conservateurs
Il y a quarante-quatre ans, les États-Unis et le mouvement conservateur étaient dans une situation désespérée. Tous deux avaient été trahis par l’establishment de Washington et ne savaient pas à qui faire confiance. Tous deux étaient divisés en interne et stratégiquement à la dérive. Pire encore, à ce moment de vulnérabilité et de division aiguës, nous nous sommes retrouvés assiégés par des adversaires existentiels, étrangers et nationaux. La fin des années 1970 a été, à tous égards, un point bas historique pour l’Amérique et la coalition politique vouée à la préservation de son héritage unique d’épanouissement et de liberté humaine. Aujourd’hui, l’Amérique et le mouvement conservateur traversent une ère de division et de danger comparable à celle de la fin des années 1970. Aujourd’hui comme hier, notre classe politique a été discréditée par la malhonnêteté et la corruption généralisées. Regardez l’Amérique d’aujourd’hui sous l’élite dirigeante et culturelle : l’inflation ravage les budgets des familles, les décès par overdose continuent d’augmenter et les enfants souffrent de la normalisation toxique du transgenre avec les drag queens et la pornographie envahissant les bibliothèques scolaires. À l’étranger, une dictature communiste totalitaire à Pékin est engagée dans une guerre froide stratégique, culturelle et économique contre les intérêts, les valeurs et le peuple américains, tandis que les élites mondialistes de Washington ne prennent conscience que lentement de cette menace grandissante. De plus, les communautés à faible revenu croulent sous la dépendance de l’État et de la toxicomanie. Les élites contemporaines ont même réutilisé les pires ingrédients du « chic radical » des années 1970 pour construire le culte totalitaire connu aujourd’hui sous le nom de « Grand Réveil ». Et aujourd’hui comme alors, le Parti républicain semble avoir peu de compréhension de ce qu’il doit faire. Le plus alarmant, c’est que les fondements moraux de notre société sont en péril. Pourtant, les étudiants en histoire remarqueront que, malgré tous ces défis, la fin des années 1970 s’est avérée être le moment où la droite politique s’est unifiée. […]
Version originale :
Forty-four years ago, the United States and the conservative movement were in dire straits. Both had been betrayed by the Washington establishment and were uncertain whom to trust. Both were internally splintered and strategically adrift. Worse still, at that moment of acute vulnerability and division, we found ourselves besieged by existential adversaries, foreign and domestic. The late 1970s were by any measure a historic low point for America and the political coalition dedicated to preserving its unique legacy of human flourishing and freedom. Today, America and the conservative movement are enduring an era of division and danger akin to the late 1970s. Now, as then, our political class has been discredited by wholesale dishonesty and corruption. Look at America under the ruling and cultural elite today : Inflation is ravaging family budgets, drug overdose deaths continue to escalate, and children suffer the toxic normalization of transgenderism with drag queens and pornography invading their school libraries. Overseas, a totalitarian Communist dictatorship in Beijing is engaged in a strategic, cultural, and economic Cold War against America’s interests, values, and people—all while globalist elites in Washington awaken only slowly to that growing threat. Moreover, low-income communities are drowning in addiction and government dependence. Contemporary elites have even repurposed the worst ingredients of 1970s “radical chic” to build the totalitarian cult known today as “The Great Awokening.” And now, as then, the Republican Party seems to have little understanding about what to do. Most alarming of all, the very moral foundations of our society are in peril. Yet students of history will note that, notwithstanding all those challenges, the late 1970s proved to be the moment when the political Right unified itself Foreword. […]
Extrait page 1
Extrait n°2 : le refus de la contradiction
[…] Lorsqu’un nouveau président entrera en fonction, il devra décider rapidement de la manière de gérer tout litige majeur en cours ou toute autre question juridique en suspens qui pourrait remettre en cause son programme. Pour offrir des conseils, le conseiller juridique de la Maison Blanche doit se mettre au courant le plus rapidement possible de tous les litiges juridiques importants en cours dans l’ensemble du pouvoir exécutif qui pourraient affecter le programme politique de la nouvelle administration et doit être prêt dès le début de l’administration à présenter des recommandations au président, y compris des recommandations pour reconsidérer ou inverser les positions de l’administration précédente dans tout litige important. Cet examen nécessitera généralement de consulter la nouvelle direction politique du ministère de la Justice, y compris pendant la période de transition.[…]
Version d’origine
[…] When a new President takes office, he will need to decide expeditiously how to handle any major ongoing litigation or other pending legal matters that might pres- ent a challenge to his agenda. To offer guidance, the White House Counsel must get up to speed as quickly as possible on all significant ongoing legal challenges across the executive branch that might affect the new Administration’s policy agenda and must be prepared at the outset of the Administration to present recommenda- tions to the President, including recommendations for reconsidering or reversing positions of the previous Administration in any significant litigation. This review will usually require consulting with the new political leadership at the Justice Department, including during the transition period. […]
Extrait page 60
Extrait n°3 : rejets de l’avortement, de l’euthanasie et des transgenres
Le bureau du secrétaire devrait éliminer le groupe de travail sur l’accès aux soins de santé reproductive du HHS et créer un groupe de travail pro-vie pour s’assurer que toutes les divisions du département cherchent à utiliser leur autorité pour promouvoir la vie et la santé des femmes et de leurs enfants à naître. En outre, le HHS devrait redevenir connu sous le nom de ministère de la vie en rejetant explicitement l’idée que l’avortement est un soin de santé et en rétablissant sa déclaration de mission dans le cadre du plan stratégique et ailleurs pour inclure la promotion de la santé et du bien-être de tous les Américains « de la conception à la mort naturelle ». […]
L’agenda familial. Les déclarations de politique anti-discrimination du secrétaire ne devraient jamais confondre le sexe avec l’identité de genre ou l’orientation sexuelle. Au contraire, le secrétaire devrait déclarer fièrement que les hommes et les femmes sont des réalités biologiques qui sont cruciales pour l’avancement des sciences de la vie et des soins médicaux et que les hommes et les femmes mariés sont la structure familiale idéale et naturelle parce que tous les enfants ont le droit d’être élevés par les hommes et les femmes qui les ont conçus. […]
Version d’origine
The Office of the Secretary should eliminate the HHS Reproductive Healthcare Access Task Force and install a pro-life task force to ensure that all of the department’s divisions seek to use their authority to promote the life and health of women and their unborn children. Additionally, HHS should return to being known as the Department of Life by explicitly rejecting the notion that abortion is health care and by restoring its mission statement under the Strategic Plan and elsewhere to include furthering the health and well-being of all Americans “from conception to natural death.” […]
The Family Agenda. The Secretary’s antidiscrimination policy statements should never conflate sex with gender identity or sexual orientation. Rather, the Secretary should proudly state that men and women are biological realities that are crucial to the advancement of life sciences and medical care and that married men and women are the ideal, natural family structure because all children have a right to be raised by the men and women who conceived them.[…]
Extrait page 521
Extrait n°4 : lutter contre la gauche et s’appuyer sur l’Armée
[…] Les bureaucrates du Département de la sécurité intérieure, suivant l’exemple d’une administration irresponsable, ordonnent aux agences de contrôle des frontières et de l’immigration d’aider les migrants à entrer criminellement dans notre pays en toute impunité ;
Les bureaucrates du Département de l’éducation injectent de la propagande raciste, anti-américaine et ahistorique dans les salles de classe américaines ;
Les bureaucrates du Département de la justice obligent les districts scolaires à saper les sports féminins et les droits des parents pour satisfaire les extrémistes transgenres ;
Les bureaucrates éveillés du Pentagone obligent les troupes à assister à des séminaires de « formation » sur le « privilège blanc » ; et Les bureaucrates du Département d’État infusent les programmes d’aide étrangère américains d’un extrémisme éveillé sur l’« intersectionnalité » et l’avortement. […]
La promesse conservatrice explique comment utiliser bon nombre de ces outils, notamment : comment renvoyer des bureaucrates fédéraux soi-disant « inamovibles » ; comment fermer des bureaux et des services gaspilleurs et corrompus ; comment museler la propagande woke à tous les niveaux du gouvernement ; comment restaurer l’autorité constitutionnelle du peuple américain sur l’État administratif ; et comment économiser par la même occasion des dollars incalculables des contribuables. Enfin, le président peut rétablir la confiance du public et la responsabilité de l’État dans la fonction la plus importante de tous les pouvoirs publics : la défense nationale. Le peuple américain souhaite une armée composée d’hommes et de femmes hautement qualifiés, capables de protéger le pays et nos intérêts à l’étranger. Le prochain président conservateur doit mettre un terme aux expérimentations sociales de la gauche avec l’armée, rétablir la guerre comme seule mission et faire de la lutte contre la menace du Parti communiste chinois sa priorité absolue. […]
Version d’origine
[…] Bureaucrats at the Department of Homeland Security, following the lead of a feckless Administration, order border and immigration enforcement agencies to help migrants criminally enter our country with impunity ;
Bureaucrats at the Department of Education inject racist, anti-American, ahistorical propaganda into America’s classrooms ;
Bureaucrats at the Department of Justice force school districts to undermine girls’ sports and parents’ rights to satisfy transgender extremists ;
Woke bureaucrats at the Pentagon force troops to attend “training” seminars about “white privilege”; and l Bureaucrats at the State Department infuse U.S. foreign aid programs with woke extremism about “intersectionality” and abortion.
[…] The Conservative Promise lays out how to use many of these tools including how to fire supposedly “un-fireable” federal bureaucrats; how to shutter wasteful and corrupt bureaus and offices; how to muzzle woke propaganda at every level of government ; how to restore the American people’s constitutional authority over the Administrative State; and how to save untold taxpayer dollars in the process. Finally, the President can restore public confidence and accountability to our most important government function of all national defense. The American people desire a military full of highly skilled servicemen and women who can protect the homeland and our interests overseas. The next conservative President must end the Left’s social experimentation with the military, restore warfighting as its sole mission, and set defeating the threat of the Chinese Communist Party as its high- est priority.[…]
Extraits pages 40-41
Pour aller plus loin :
- Romuald Sciora (RFI) « États-Unis: «Project 2025», le programme de gouvernement radical pour instaurer un «État Trump», 17 juillet 2024, site de l’IRIS, disponible ICI