Le vendredi 28 février 2025, une rencontre diplomatique devait avoir lieu entre Donald Trump, J.D. Vance et Volodymyr Zelensky, rencontre encouragée par Emmanuel Macron en dépit des tensions perceptibles en amont.

L’objectif de cette rencontre était double : l’Ukraine devait signer un accord avec les États-Unis sur l’exploitation des terres rares et discuter d’un éventuel accord de paix avec la Russie. Mais cette rencontre, qui aurait dû se tenir loin des caméras, finit par tourner au pugilat face à la volonté du président des États-Unis et de son vice-président J.D Vance d’humilier publiquement Zelensky tout en affichant son alignement sur Moscou, ce qui constitue une vraie révolution géopolitique et culturelle (Staline en a rêvé, Trump l’a fait).

Lors de cet échange télévisé, prémédité et organisé pour piéger Zelensky, Donald Trump se montre égal à lui-même avec un ego démesuré, persuadé de sauver le monde à chacune de ses décisions, et obsédé par Joe Biden et sa défaite de 2020. Le lecteur attentif relèvera un vocabulaire simpliste, beaucoup d’imprécisions et de généralités dans la bouche du Président américain qui, décidément, ne connaît toujours pas les règles de la diplomatie, ni les règles de la guerre et de la paix, ni les dossiers, ni l’histoire.

Trump, homme de télé avant d’être président ?

En mettant en scène devant les caméras cette rencontre diplomatique, Donald Trump cherche à se mettre dans son rôle favori de présentateur vedette de télé-réalité, ce qu’atteste sa réflexion finale : « Ça va faire de la très bonne télévision. » N’oublions pas qu’il a animé un show, The Celebrity Apprentice, de 2008 à 2015. Mais la diplomatie est-elle compatible avec ce genre télévisuel reposant sur des attitudes agressives, des attaques gratuites et le voyeurisme ? Nous en doutons. Il est aussi possible que Donald Trump (dont la culture télévisuelle est inversement proportionnelle à sa connaissance de l’histoire) se soit inspiré d’un épisode de la série des Sopranos, la scène relevant quasiment d’un copié-collé de cette dernière. Ce ne serait pas la première fois que cette série, centrée sur des mafieux, serait une source d’inspiration pour le milliardaire-président.

Nous vous proposons ici de larges extraits de ce moment diplomatique. Sur les 50 minutes d’échanges, nous avons distingué trois temps que nous reproduisons ici. La traduction que nous vous proposons est personnelle. Nous l’avons travaillé à partir de la vidéo de la rencontre et nous l’avons recoupé et comparé avec celles proposées par différents médias (l’AFP, le Monde, Le Grand Continent …). Nous avons procédé à quelques reformulations plus claires, l’improvisation verbale et les répétitions de formulations similaires régulières chez Donald Trump rendant difficiles le suivi d’un fil pas toujours cohérent.

NB : Merci à Ludovic Chevassus pour les précisions techniques et les documents complémentaires concernant la troisième partie !


Extrait n° 1 : un début d’échanges montrant deux hommes ayant des attentes différentes

Le début de l’échange est calme, les deux présidents ne se coupent pas la parole et s’écoutent mutuellement. (Nous ne reviendrons pas sur les remarques désobligeantes de Trump et d’un journaliste sur la tenue militaire de Zélensky, Trump ignorant que Churchill avait rendu visite à Roosevelt dans une tenue assez similaire en décembre 1941 lors de la conférence Arcadia.)

Mais la lecture de cet échange nous montre que, clairement, les deux présidents n’attendent pas les mêmes choses de cet accord. Pour Trump, il s’agit uniquement de faire main basse sur les terres rares de l’Ukraine, sans contrepartie, semble-t-il. Le président Zelensky, quant à lui, envisage bien cet accord, mais avec une contrepartie : que les États-Unis assurent la sécurité du territoire ukrainien d’une manière ou d’une autre. Pour rappeler à Trump la réalité de cette guerre qu’il semble ignorer, il n’hésite pas à lui montrer des photos de soldats et de prêtres qui ont été torturés par l’armée russe, photos que Trump a regardées d’un œil passif.

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Donald Trump : Eh bien, merci beaucoup, c’est un honneur d’accueillir le président Zelensky d’Ukraine et nous avons travaillé très dur, très étroitement et nous nous connaissons depuis longtemps. Nous avons eu des échanges très étroits et nous avons eu peu de différends dans les négociations, mais je pense que cela a bien fonctionné pour nos deux pays, je pense pour le monde en fait, au-delà de nos deux pays, et nous avons quelque chose qui est un accord très équitable et nous avons hâte de venir et de creuser, creuser, creuser, travailler et obtenir une partie de la terre rare. Cela signifie que nous allons être à l’intérieur et c’est un gros engagement des États-Unis. Nous apprécions beaucoup de travailler avec vous et nous continuerons à le faire.

Nous avons eu de très bonnes discussions avec la Russie, j’ai parlé avec le président Poutine et nous allons essayer de mettre un terme à cela, c’est quelque chose que vous voulez et qu’il veut, nous devons négocier un accord. Nous avons commencé à en définir les contours et je pense que quelque chose peut être réalisé, le plus important est le nombre de soldats, principalement à ce stade. Des soldats sont tués, vous perdez des milliers de soldats des deux côtés, nous perdons beaucoup de soldats et nous voulons que cela cesse et nous voulons que l’argent soit utilisé à des fins différentes, comme la reconstruction. Nous allons y travailler très dur.

Mais nous avons eu de très bons échanges. Je dirai que jusqu’à ce que nous arrivions, l’administration Biden n’a pas du tout parlé à la Russie, ils n’ont parlé à personne, ils ont juste permis que cela continue, et je dirai que je dirai devant vous, vous m’avez entendu le dire mille fois. Si j’avais été président, cette guerre n’aurait jamais eu lieu, nous aurions négocié un accord pour vous sans avoir à passer par ce que vous avez traversé. Vos soldats ont été incroyablement courageux, nous leur avons donné un excellent équipement, […] c’était censé se terminer très rapidement et nous voici trois ans plus tard, donc je donne un énorme crédit à vos généraux, à vos soldats et à vous-même […] mais maintenant nous voulons en finir, c’est suffisant, nous voulons en finir, donc c’est un honneur de vous avoir ici. Merci beaucoup d’être venu. Nous allons signer l’accord lors de la conférence dans la salle Est dans quelques instants, juste après le déjeuner, et nous déjeunerons ensemble. Nous discuterons également d’autres choses et nous apprécions la présence de tout le monde, c’est un moment quelque peu excitant, mais le moment vraiment excitant, est celui de l’arrêt des tirs ou que nous parvenons à un accord et je pense que nous sommes assez proches de l’obtenir, et c’est un honneur de vous avoir et, s’il vous plaît, j’aimerais dire quelque chose, oui ! Merci beaucoup.

Volodymyr Zelensky : M. le Président, merci pour l’invitation et j’espère vraiment que cet accord sera le premier pas vers de véritables garanties de sécurité pour l’Ukraine, notre peuple, et nos enfants. J’y compte vraiment et, bien sûr, nous comptons sur le fait que l’Amérique ne cessera pas de nous soutenir. C’est très important de nous soutenir et de continuer à le faire. Je veux en discuter, je vais en parler plus en détail au cours de notre conversation, et bien sûr en ce qui concerne les garanties d’infrastructure ou de sécurité car pour aujourd’hui je comprends ce que l’Europe est prête à faire. Bien sûr je veux discuter avec vous de ce que les États-Unis seront prêts à faire et je compte vraiment sur votre position forte pour arrêter Poutine. Vous avez dit qu’il en avait assez de la guerre je pense que c’est très important de dire ces mots à Poutine au tout début de la guerre parce qu’il est un tueur et un terroriste. J’espère qu’ensemble, nous pourrons l’arrêter.

Pour nous, c’est très important, vous savez, il s’agit de sauver notre pays, nos valeurs, notre liberté, la démocratie. Aucun compromis avec un tueur sur nos territoires mais nous verrons plus tard. Nous avons parlé ensemble par téléphone de la production de drones. Nous en avons une très bonne, je pense que c’est la meilleure au monde aujourd’hui à cause de la guerre oui. Nous avons vraiment besoin d’une défense aérienne vous avez la meilleure au monde, et vraiment, vous nous avez aidés lors des attaques des Russes.  Je souhaite parler de la façon dont nous pouvons échanger les licences nous sommes ouverts à l’idée de partager les licences de tous nos drones avec vous, bien sûr avec les États-Unis. Nous en avons besoin pour une production rapide, même après la guerre. Nous avons besoin que notre nation soit calme et que nous soyons sécurisés, c’est pourquoi ce bouclier aérien est nécessaire. […]

Dernier point, le dernier et non le moindre, C’est à propos des échanges sur notre peuple et nos enfants.  Vous savez que ces fous de russes ont volé 20 000 enfants ukrainiens, ils ont changé leurs noms, leurs familles, leurs proches. Maintenant ils sont en Russie, nous voulons les ramener et c’est vraiment notre grand objectif pour moi et nos soldats. Monsieur, nous avons échangé, et fait libérer plus de 4 000 guerriers des prisons russes, mais il y en a des milliers d’autres. Je voulais partager avec vous quelques images pour comprendre dans quelles circonstances, dans quelle situation ils se trouvent et quelle est l’attitude de la Russie envers nos soldats prisonniers. Les gars, juste avant avant et après et vous voyez avant et après, juste pour que vous compreniez maintenant des milliers de ces gars, femmes et hommes, là-bas ne mangent pas, ils les battent alors que la guerre elle-même a des règles, tout le monde le sait. Mais ces gars-là n’ont pas de règles, vous voyez, […] Oui, c’est dur, oui, je voulais vraiment vous le donner et vous voyez, c’est un prêtre, au fait, ils ont kidnappé des prêtres parce qu’ils ne font pas partie de l’église russe, et ils les ont mis en prison. […] nous voulons que ça se termine bien, oui. […]

[…]

Extrait n° 2 : questions des journalistes et des réponses confirmant un décalage

Nous avons sélectionné ici quelques moments de ces échanges, parfois lunaires de la part de Donald Trump qui revendique le fait d’avoir pu empêcher des guerres. Lesquelles ? mystère, mais peut-être pense-t-il abusivement à un éventuel conflit qui aurait pu surgir entre les deux Corées durant son mandat ?

Dans ces extraits, nous pouvons relever le fait que Trump ne fait pas de distinction entre les morts russes et les morts ukrainiens, les morts civils et les morts militaires. D’après les statistiques du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), la guerre a fait plus 30 010 victimes civiles ukrainiennes entre février 2022 et juin 2024 : 11 284 tués et 22 594 blessés. Du côté russe, la saignée est la plus importante que le pays a connue depuis la Seconde Guerre mondiale puisque, d’après les divers services de renseignements, ce serait plus de 600 000 soldats russes qui seraient morts ou blessés dans cette guerre, ce nombre s’expliquant par la tactique de combat employée par l’armée russe. Les civils russes ont été quant à eux très peu touchés ; on en dénombrait environ 150 en février 2024. Trump ne fait pas mention de victimes provenant de nombreux autres pays (comme les soldats nord-coréens.) 

Nous vous proposons également l’intégralité des propos tenus par Trump au sujet d’Abraham Lincoln, qu’il essaie de faire passer pour un trait d’humour. Il n’est pas sûr que ce dernier soit compris dans le contexte présent.

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Journaliste :  Monsieur le Président Trump, vous avez qualifié à plusieurs reprises l’accord avec l’Ukraine d’historique. En tant que président des États-Unis, vous prenez des décisions historiques sur d’autres questions qui affectent l’Amérique et le reste du monde, alors quelle place dans l’histoire du monde voulez-vous prendre et à quels personnages historiques célèbres vous associez-vous ?

Donald Trump : Je dirais George Washington, Abraham Lincoln  … Je dirais que je suis de loin supérieur à George Washington et Abraham Lincoln. Maintenant tu sais que je plaisante parce que quand je dis que les fausses nouvelles vont se déchaîner ils vont dire qu’il se considère meilleur que Washington mais on ne sait jamais on ne sait jamais. Je ne me compare à personne. Je suis ici pour faire un travail. Nous avons eu 35 jours formidables ou un peu plus d’un mois où nous avons accompli des choses énormes. Non seulement ce serait une très grande réussite si nous pouvions arrêter cette guerre et normaliser la situation. Je pense que cela va se produire, nous avons eu de très bonnes discussions avec les deux parties comme vous le savez, mais je pense que nous avons fait un très bon travail de manière générale. Si vous regardez tout ce que nous avons accompli en 30 jours, ils disent que c’est inédit pour un président le premier mois, qu’il n’y a jamais eu de premier mois comme celui que nous avons eu et c’est l’une des choses les plus importantes pour moi. C’est l’une des choses les plus importantes parce que des morts terribles se produisent au moment où nous parlons. Pensez aux familles, pensez au fait qu’ils soient Russes ou Ukrainiens, pensez aux parents de tous. Ces gens ont été tués inutilement. Cela n’aurait jamais dû commencer si j’avais été président, cela n’aurait jamais commencé.

[…]

Donald Trump : Ils ne s’aiment pas. Je peux vous dire que ça, oui, ils ne s’aiment pas, ce n’est pas une relation chaleureuse et c’est malheureux, c’est pourquoi vous êtes dans cette situation. Les États-Unis n’auraient pas dû permettre que cela se produise. D’accord, les États-Unis sont dirigés par un homme qui ne savait pas grand-chose. Je vais être très gentil en disant par une personne incompétente. Une personne très incompétente n’aurait jamais dû permettre que cela se produise. J’ai arrêté des guerres. J’ai arrêté de nombreuses guerres, mon peuple vous le dira. J’ai arrêté des guerres dont personne n’a jamais entendu parler. J’ai arrêté des guerres avant qu’elles ne commencent. Vous pouvez en regarder certaines, euh, certaines. Je pourrais vous désigner beaucoup de nations qui vous diraient maintenant qu’elles allaient probablement faire la guerre. Je pourrais vous dire maintenant qu’il y a une nation qui envisage d’entrer en guerre pour quelque chose dont personne dans cette salle n’a jamais entendu parler. Deux nations plus petites mais grandes, toujours grandes. Je pense que je l’ai empêché, mais cela n’aurait jamais dû arriver.

Volodymyr Zelensky (lève la main pour prendre la parole) : Une seconde ! à propos des négociations tout d’abord. Je veux vraiment vous dire et je pense que tout le monde comprend que personne ne veut plus que l’Ukraine et les Ukrainiens souhaitent arrêter cette guerre, mais à l’avenir, dans toutes les négociations, il est compréhensible que les deux parties prenantes de la guerre soient présentes, pas uniquement la Russie et les États-Unis, car ce n’est pas la guerre entre la Russie et les États-Unis. C’est la guerre de la Russie contre l’Ukraine et le peuple ukrainien, donc ces deux parties seront de toute façon à la table des négociations. Ensuite, bien sûr, les États-Unis sont le partenaire le plus fort de l’Ukraine, sans oublier l’Europe. Je pense que l’Europe est très importante. Je veux en parler avec le président. Oui, l’Europe est très importante pour nous parce que nous défendons vraiment l’Europe. Aujourd’hui, tous les Européens reconnaissent vraiment que nous sommes en première ligne. Nos citoyens meurent, et c’est pourquoi ils nous ont aidés. […] comme l’a dit le président, il y a un grand et bel océan entre nous, mais si nous ne tenons pas, la Russie ira plus loin, en envahissant les pays baltes et la Pologne, et en premier dans les pays baltes. C’est compréhensible pour eux parce qu’ils ont été sous domination de l’URSS. Vous savez, ils ont fait partie des républiques de l’URSS et Poutine veut les ramener dans son empire c’est un fait. Et quand il ira là-bas si nous ne restons pas, ce seront vos soldats américains qui se battront, peu importe cet océan.

[…]

Journaliste : Vous avez mentionné la Pologne. Elle a été sous domination russe pendant des décennies après la Seconde Guerre mondiale. Quand j’étais enfant, je voyais les États-Unis non seulement comme le pays le plus puissant, le pays le plus riche du monde, le pays qui a de la bonne musique, de bons films, avec des muscles, mais aussi comme une force pour le bien. Aujourd’hui, je parle avec mes amis en Pologne et ils me disent craindre que vous ne vous aligniez trop sur Poutine. Quel est votre message pour eux ?

Donald Trump : Eh bien, si je ne m’alignais pas sur eux deux, vous n’auriez jamais été d’accord. Vous voulez que je dise des choses vraiment terribles sur Poutine et que je dise ensuite « bonjour Vladimir ! On fait comment pour l’accord ? » Je ne suis pas aligné avec Poutine. Je ne suis aligné avec personne. Je suis aligné avec les États-Unis d’Amérique et pour le bien du monde. Je suis aligné avec le monde et je veux en finir avec cette affaire. Vous voyez la haine qu’il a pour Poutine. C’est très difficile pour moi de conclure un accord avec ce genre de personne. Il a une haine énorme et je comprends ça, mais je peux vous le dire. De l’autre côté, il ne vous aime pas beaucoup non plus, vous le connaissez, donc ce n’est pas une question d’alignement. je dois le faire. Je suis aligné avec le monde, je veux que les choses se mettent en place, je suis aligné avec l’Europe, je veux voir si nous pouvons y arriver. Vous voulez que je sois dur, je pourrais être plus dur que n’importe quel être humain que vous ayez jamais vu, je serais si dur, mais vous n’obtiendrez jamais d’accord de cette façon. C’est comme ça que ça se passe, d’accord. Une autre question !

J.D. Vance : Je veux répondre à cela, alors regardez pendant quatre ans aux États-Unis d’Amérique, nous avons eu un président qui a tenu des conférences de presse et qui a parlé durement de Vladimir Poutine, puis Poutine a envahi l’Ukraine et détruit une partie importante du pays. Le chemin vers la paix et le chemin vers la prospérité sont peut-être de s’engager dans la diplomatie. Nous avons essayé la voie de Joe Biden, qui consistait à se frapper la poitrine et à prétendre que les paroles du président des États-Unis comptaient plus que les actions du président des États-Unis. Ce qui fait de l’Amérique un bon pays, c’est que l’Amérique s’engage dans la diplomatie, et c’est ce que fait le président Trump.

Extrait n° 3 : un dialogue de sourd et un vice-président agressif qui fait monter le ton

La dernière intervention, celle de J. D. Vance, fait alors monter le ton. Loin de se démonter, Volodymyr Zelensky fait face à l’agressivité verbale des deux hommes sous le regard de la presse et des diplomates médusés. Vance, qui n’a aucune expérience politique réelle, ni aucune formation en géopolitique et en diplomatie, se fait accusateur au point de faire passer l’Ukraine pour le pays agresseur et la Russie une victime. Ce passage a été très largement relayé par la presse internationale. Pour éclaircir les propos, voici quelques éléments de compréhension :

  • Vance accuse notamment Zelensky de se répandre devant les médias américains, en oubliant que leur présence relève de la responsabilité de la Maison Blanche. C’est à ce titre que l’on peut légitimement penser à un traquenard diplomatique.
  • Le comportement de Vance n’a rien de surprenant :  fervent opposant à l’aide à l’Ukraine, il est dans la continuité des propos qu’il a tenus en 2022 dans un podcast de Steve Bannon au cours duquel il a déclaré : « je me fiche de ce qui peut arriver à l’Ukraine d’une manière ou d’une autre. » (Source : article du New York Times disponible ICI)
  • Il est question dans cet échange de l’action de Barack Obama, président de 2008 à 2016. Après 2014, Obama a ouvert la voie à un soutien de l’Ukraine, mais sans armes, d’où l’expression employée par Donald Trump  » Obama gave you sheets » en VO (Obama vous a donné des draps), ce qui est factuellement exact : le Président démocrate ayant fait parvenir à l’Ukraine des radios, des lunettes et …. des couvertures ! Les détails sont disponibles sur ce document provenant des archives du Congrès américain : ICI ) .
  • C’est  effectivement Donald Trump qui, une fois président, a débloqué les premiers missiles Javelin en 2018. Mais contrairement à ce qu’il dit, ce ne fut pas un don, les missiles ayant été payés par l’Ukraine pour un montant total de 47 millions de dollars. Financièrement, les États-Unis n’ont donc pas été perdants, contrairement à ce que martèle Trump. Voici pour preuve la facture des États-Unis disponible ICI ! (cadeau des Clionautes !)
  • L’envoi de ces missiles ne s’est finalement pas révélé déterminant dans la mesure où les États-Unis n’ont pas cherché à former les Ukrainiens à leur utilisation, ce que Trump oublie de mentionner !
  • Zelensky fait allusion à un contrat gazier passé entre la Russie et l’Ukraine en 2019, comme le résume cet article du Monde ICI 
  • Trump fait une nouvelle fois référence à Biden qu’il charge décidément de tous les maux et d’une affaire en particulier : l’affaire Hunter Biden, expliquée dans cet article : ICI.

Les propos se situent dans le dernier quart d’heure de l’échange et ont entériné la rupture entre l’Ukraine et les États-Unis. Ils ne reflètent pas complètement le ton agressif employé, et le fait que les trois interlocuteurs se coupent régulièrement la parole.

***

Volodymyr Zelensky : Mais entre 2014 et 2022, la situation était la même. Des gens sont morts sur la ligne de front. Personne ne l’a arrêté. Vous savez que nous avons eu des conversations avec lui. Beaucoup de conversations. Mes conversations bilatérales. Et nous avons signé avec lui, moi en tant que nouveau président en 2019. J’ai signé avec lui l’accord que j’ai signé avec lui, Macron et Merkel. Nous avons signé un cessez-le-feu. Un cessez-le-feu. Tous m’ont dit qu’il ne le repecterait pas. Nous avons signé un contrat gazier avec lui, oui. Mais après cela, il a rompu le cessez-le-feu. Il a tué nos citoyens et il n’a pas procédé à l’échange de prisonniers. Nous avons signé pour échanger des prisonniers. Mais il ne l’a pas fait. De quelle diplomatie parlez-vous J.D ? Que voulez-vous dire ?

J.D. Vance : Je parle du type de diplomatie qui mettra fin à la destruction de votre pays.

(protestation de Zelensky)

JD Vance : Mais, M. le Président, M. le Président, avec tout mon respect, je pense qu’il est irrespectueux de votre part de venir dans le Bureau ovale pour essayer de débattre de cela devant les médias américains. En ce moment même, vous vous promenez et vous forcez des conscrits à rejoindre la ligne de front parce que vous avez des problèmes d’effectifs. Vous devriez remercier le président d’essayer de mettre un terme à ce conflit.

Volodymyr Zelensky : Êtes vous déjà venu en Ukraine pour voir nos problèmes ?

J.D. Vance : J’ai lu des choses et je sais ce qui se passe. Vous emmenez des personnes pour faire une visite de propagande, monsieur le président. Niez-vous avoir un problème pour mobiliser des personnes dans votre armée ? Je pense que c’est très irrespectueux de votre part de venir dans le Bureau ovale des États-Unis et d’ attaquer le gouvernement qui tente d’empêcher la destruction de votre pays ?

Volodymyr Zelensky : Ça fait beaucoup de questions. Commençons par le commencement. D’abord, pendant une guerre, tout le monde a des problèmes, même vous. Mais vous avez un bel océan et vous ne la ressentez pas maintenant, mais vous la ressentirez dans le futur. Que Dieu vous bénisse, je ne sais pas, que Dieu vous bénisse. Que Dieu vous bénisse. Vous devez faire la guerre.

(protestations de Trump en même temps)

Donald Trump : Vous ne savez pas. Ne nous dîtes pas comment nous devons nous comporter. On essaie de résoudre un problème. Ne nous dîtes pas comment on doit se comporter. Vous n’avez aucune légitimité pour ça ! Vous vous êtes mis dans une très mauvaise posture. Vous n’avez pas les cartes là, sans nous, vous n’avez pas les cartes. Vous vous mettez hors jeu ! Vous jouez avec les vies de millions de personnes, vous jouez avec la Troisième Guerre mondiale ! Vous jouez avec la Troisième Guerre mondiale et ce que vous faites est très irrespectueux envers notre pays.

JD Vance : Avez-vous dit merci une fois pour nous avoir rencontrés ? Non. Dans tous ces médias ? Avez-vous dit merci ? Vous êtes allé en Pennsylvanie et avez fait campagne pour l’opposition en octobre, avez prononcé quelques mots de reconnaissance pour les États-Unis d’Amérique et le président qui essaie de sauver votre pays

Donald Trump, en colère : On vous a déjà donné, à cause du stupide président, 350 milliards d’équipement militaire. Vos hommes sont courageux, mais ils utilisent notre équipement. Si vous ne l’aviez pas, cette guerre aurait été finie en deux semaines. Deux jours.

Volodymyr Zelensky : J’ai déjà entendu trois jours de la part de Poutine. Ou quelque chose comme moins de deux semaines.

Donald Trump : Ca va être très dur de négocier comme ça.

J.D. Vance : Dîtes juste merci !

Volodymyr Zelensky : Je l’ai dit de nombreuses fois. Merci au peuple américain.

J.D. Vance : Acceptez qu’il y ait des désaccords. Allons débattre de ces désaccords au lieu d’essayer de les exposer aux médias américains alors que vous avez tort. Nous savons que vous avez tort.

Donald Trump : Mais vous voyez, je pense qu’il est important pour le peuple américain de voir ce qui se passe. Je pense que c’est très important. C’est pourquoi j’ai laissé cette discussion durer si longtemps. Vous devez être reconnaissant.

Volodymyr Zelensky : Je suis reconnaissant.

Donald Trump : Vous n’avez pas les cartes en main. Vous êtes acculé là-bas, votre peuple meurt. Vous manquez de soldats.

Volodymyr Zelensky : Non, s’il vous plaît, Monsieur le Président.

Donald Trump : Écoutez. Vous manquez de soldats. Ce serait une sacrée bonne chose. Ensuite, vous nous dites : « Je ne veux pas de cessez-le-feu. Je ne veux pas de cessez-le-feu. Je veux continuer et obtenir ceci. » Écoutez, si vous pouviez obtenir un cessez-le-feu maintenant, je vous dirais de le prendre. Ainsi, les balles cesseraient de voler et vos hommes cesseraient de mourir.

Volodymyr Zelensky : Bien sûr que nous voulons arrêter la guerre.

Donald Trump : Mais vous dites que vous ne voulez pas de cessez-le-feu.

Volodymyr Zelensky : Mais je vous ai dit, avec des garanties.

Donald Trump : Je veux un cessez-le-feu, parce que vous obtiendrez un cessez-le-feu plus rapidement qu’un accord de paix.

Volodymyr Zelensky : Demandez à notre peuple ce qu’il pense du cessez-le-feu

Donald Trump : Ce n’était pas avec moi. Ce n’était pas avec moi. C’était avec un type nommé Biden, qui n’était pas une personne intelligente. C’était avec Obama.

Volodymyr Zelensky : C’était votre président.

Donald Trump : Excusez-moi. C’était avec Obama, qui vous a donné des draps, et moi, je vous ai donné des Javelins.

Volodymyr Zelensky : Oui.

Donald Trump : Je vous ai donné des Javelins pour détruire tous ces chars. Obama vous a donné des draps. En fait, l’expression est : Obama a donné des draps, et Trump a donné des Javelins. Vous devez être plus reconnaissant parce que, laissez-moi vous dire, vous n’avez pas les cartes en main. Avec nous, vous avez des cartes. Mais sans nous, vous n’avez aucune carte. Ce sera un accord difficile à conclure, car les attitudes doivent changer.

Une journaliste : Et si la Russie viole le cessez-le-feu ? Et si la Russie rompt les négociations de paix ? Que ferez-vous dans ce cas ? Je comprends que la conversation est tendue.

Donald Trump : Que dites-vous ?

J.D. Vance : Elle demande : et si la Russie viole le cessez-le-feu ?

Donald Trump : Et si quoi que ce soit ? Et si une bombe tombait sur votre tête maintenant ? OK ? Et s’ils le violaient ? Je ne sais pas, ils l’ont fait avec Biden, parce qu’ils ne le respectaient pas. Ils ne respectaient pas Obama. Ils me respectent. Laissez-moi vous dire, Poutine en a bavé avec moi. Il a traversé une fausse chasse aux sorcières où ils l’ont utilisé, ainsi que la Russie, la Russie, la Russie, la Russie. Vous avez déjà entendu parler de cette affaire ? C’était un mensonge. C’était une arnaque impliquant Hunter Biden et Joe Biden. Hillary Clinton, le sournois Adam Schiff. C’était une arnaque des démocrates. Et il a dû traverser cela. Et il l’a fait. Nous n’avons pas fini en guerre. Et il a dû le supporter. Il était accusé de toutes ces choses. Il n’avait rien à voir avec ça. C’était sorti de la chambre à coucher de Hunter Biden. Ça venait de la chambre à coucher de Hunter Biden. C’était répugnant. Et puis ils ont dit : « Oh, l’ordinateur portable de l’enfer a été fabriqué par la Russie ». Les 51 agents. Tout cela n’était qu’une escroquerie. Et il a dû supporter tout cela. On l’accusait de toutes ces choses. Tout ce que je peux dire, c’est ceci : il a peut-être rompu des accords avec Obama et Bush, et peut-être avec Biden. Il l’a fait. Peut-être. Peut-être qu’il ne l’a pas fait. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Mais il ne les a pas rompus avec moi. Il veut conclure un accord. Je ne sais pas s’il peut conclure un accord. Le problème, c’est que je vous ai donné du pouvoir pour être un dur à cuire, et je ne pense pas que vous auriez été un dur à cuire sans les États-Unis. Et votre peuple est très courageux.

Volodymyr Zelensky : Merci.

Donald Trump : Mais soit vous concluez un accord, soit nous nous retirons. Et si nous nous retirons, vous devrez vous battre. Je ne pense pas que ce sera joli, mais vous devrez vous battre. Mais vous n’avez pas les cartes en main. Une fois que nous signerons cet accord, vous serez dans une bien meilleure position. Mais vous ne montrez aucun signe de gratitude. Et ce n’est pas une bonne chose. Honnêtement, ce n’est pas une bonne chose. Très bien. Je pense que nous en avons assez vu. Qu’en pensez-vous, hein ? Ça va faire de la très bonne télévision. Je peux vous le dire. Très bien. Nous verrons ce que nous pouvons faire pour arranger cela. Merci.

Donald Trump : Je pense que c’est bien que les Américains voient ce qu’il se passe. Je pense que c’est très important. C’est pour ça que je laisse ça se dérouler aussi longtemps. Vous devez être reconnaissant, vous n’avez pas les cartes. Vos citoyens meurent. Ecoutez, vous êtes à court de soldats et après vous nous dites : « pas de cessez-le-feu, pas de cessez-le-feu ». Ecoutez, si vous pouvez avoir un cessez-le-feu maintenant, je vous le dis, vous le prenez pour arrêter les balles et le massacre de vos hommes. Vous dites que vous ne voulez pas de cessez-le-feu, moi j’en veux un.

Vidéo : l’intégrale des 50 minutes d’échanges dans le Bureau ovale de la Maison Blanche

Document complémentaire : la réaction des Européens

Source : site internet du Grand Continent, disponible ICI