Du 15 juin au 17 juillet 1998 s’est tenue à Rome une Conférence réunissant les représentants des États adhérant aux Nations unies. cette conférence aboutit à l’élaboration d’un texte, le Statut de Rome, ratifié par 60 États, qui donne naissance à la Cour pénale internationale, une juridiction pénale internationale permanente, et à vocation universelle. Elle entre en fonction en 2002, tandis que son siège est fixé à La Haye, aux Pays Bas.

La compétence de la Cour n’étant pas rétroactive, elle traite les crimes commis à compter de cette date. Elle mène des enquêtes et, le cas échéant, juge les personnes accusées de 4 types de crimes, les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale : le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le crime d’agression. Son action a, en plus, une dimension préventive et dissuasive, son objectif étant de responsabiliser les individus. En effet, la Cour est compétente pour juger ces derniers, mais pas des Etats, ni des entreprises ou des organisations. Depuis le , 123 États sur les 193 États membres de l’ONU ont ratifié le Statut de Rome et acceptent la compétence de la CPI. Trente-deux États, dont la Russie et les États-Unis, ont bien signé le Statut de Rome mais ne l’ont pas ratifié. Enfin, certains, dont la Chine et l’Inde, ne l’ont pas signé.

Parmi les personnes poursuivies par la CPI, nous pouvons citer Laurent Gbagbo, Thomas Lubanga,  Mouammar Kadhafi, Omar El Béchir président de la République du Soudan de 1989 à 2019, l’ancien vice-président de la République démocratique du Congo Jean-Pierre Bemba. Si certains ont été jugés et condamnés, d’autres sont morts avant d’avoir été jugés, tandis que d’autres ont été acquittés. L’ancien président kényan, Uhuru Kenyatta, a été le premier président en exercice à comparaître devant la CPI à La Haye. Accusé de crimes contre l’humanité, les poursuites à son encontre ont été abandonnées, faute de preuves en décembre 2014.

Le 17 mars 2023, la CPI révèle par un communiqué de presse que Vladimir Poutine fait, depuis le 22 février, l’objet d’un mandat d’arrêt international, de même que Maria Alexeyevna Lvova-Belova. Âgée de 38 ans, mère de 10 enfants (dont 5 adoptés), elle a été nommée commissaire aux droits de l’enfant de Vladimir Poutine en 2021. Le communiqué de presse de la CPI expose les raisons pour lesquelles ce double mandat d’arrêt international, historique car visant expressement le chef d’une puissance membre du Conseil de sécurité de l’ONU, a été émis :


 

Proposition de traduction en français :

Aujourd’hui, 17 mars 2023, la Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale (« CPI » ou « la Cour ») a émis des mandats d’arrêt contre deux personnes dans le cadre de la situation en Ukraine : M. Vladimir Vladimirovitch Poutine et Mme Maria Alekseyevna Lvova-Belova. M. Vladimir Vladimirovitch Poutine, né le 7 octobre 1952, président de la Fédération de Russie, serait responsable du crime de guerre de déportation illégale de population (enfants) et de transfert illégal de population (enfants) des zones occupées d’Ukraine vers la Russie Fédération (en vertu des articles 8(2)(a)(vii) et 8(2)(b)(viii) du Statut de Rome).

Les crimes auraient été commis sur le territoire ukrainien occupé au moins à partir du 24 février 2022. Il existe des motifs raisonnables de croire que M. Poutine est personnellement responsable des crimes susmentionnés, (i) pour avoir commis les actes directement, conjointement avec d’autres et/ou par l’intermédiaire d’autrui (article 25(3)(a) du Statut de Rome), et (ii) pour son manquement à exercer un contrôle approprié sur les subordonnés civils et militaires qui ont commis les actes, ou ont permis qu’ils soient commis, et qui étaient sous son autorité effective. autorité et contrôle, conformément à la responsabilité du supérieur hiérarchique (article 28(b) du Statut de Rome).
Mme Maria Alekseyevna Lvova-Belova, née le 25 octobre 1984, commissaire aux droits de l’enfant au cabinet du président de la Fédération de Russie, serait responsable du crime de guerre de déportation illégale de population (d’enfants) et de transfert illégal de population (enfants) des zones occupées de l’Ukraine vers la Fédération de Russie (en vertu des articles 8(2)(a)(vii) et 8(2)(b)(viii) du Statut de Rome). Les crimes auraient été commis sur le territoire ukrainien occupé au moins à partir du 24 février 2022. Il existe des motifs raisonnables de croire que Mme Lvova-Belova porte une responsabilité pénale individuelle pour les crimes susmentionnés, pour avoir commis les actes directement, conjointement avec d’autres et/ou par l’intermédiaire de autres (article 25(3)(a) du Statut de Rome).

La Chambre préliminaire II a estimé, sur la base des demandes de l’Accusation du 22 février 2023, qu’il existe des motifs raisonnables de croire que chaque suspect porte la responsabilité du crime de guerre de déportation illégale de population et de celui de transfert illégal de population depuis les zones occupées de l’Ukraine à la Fédération de Russie, au détriment des enfants ukrainiens.

La Chambre a considéré que les mandats sont secrets afin de protéger les victimes et les témoins et aussi de sécuriser l’enquête. Néanmoins, consciente que la conduite visée dans la présente situation est prétendument en cours et que la sensibilisation du public aux mandats peut contribuer à prévenir la commission de nouveaux crimes, la Chambre a estimé qu’il est dans l’intérêt de la justice d’autoriser le Greffe divulguer publiquement l’existence des mandats, le nom des suspects, les crimes pour lesquels les mandats sont délivrés et les modes de responsabilité tels qu’établis par la Chambre. Les mandats d’arrêt susmentionnés ont été délivrés conformément aux requêtes présentées par le Procureur le 22 février 2023.

Photo : Maria Alexeyevna Lvova-Belova

Version anglaise :

Today, 17 March 2023, Pre-Trial Chamber II of the International Criminal Court (“ICC” or “the Court”) issued warrants of arrest for two individuals in the context of the situation in Ukraine: Mr Vladimir Vladimirovich Putin and Ms Maria Alekseyevna Lvova-Belova.

Mr Vladimir Vladimirovich Putin, born on 7 October 1952, President of the Russian Federation, is allegedly responsible for the war crime of unlawful deportation of population (children) and that of unlawful transfer of population (children) from occupied areas of Ukraine to the Russian Federation (under articles 8(2)(a)(vii) and 8(2)(b)(viii) of the Rome Statute). The crimes were allegedly committed in Ukrainian occupied territory at least from 24 February 2022. There are reasonable grounds to believe that Mr Putin bears individual criminal responsibility for the aforementioned crimes, (i) for having committed the acts directly, jointly with others and/or through others (article 25(3)(a) of the Rome Statute), and (ii) for his failure to exercise control properly over civilian and military subordinates who committed the acts, or allowed for their commission, and who were under his effective authority and control, pursuant to superior responsibility (article 28(b) of the Rome Statute).

Ms Maria Alekseyevna Lvova-Belova, born on 25 October 1984, Commissioner for Children’s Rights in the Office of the  President of the Russian Federation, is allegedly responsible for the war crime of unlawful deportation of population (children) and that of unlawful transfer of population (children) from occupied areas of Ukraine to the Russian Federation (under articles 8(2)(a)(vii) and 8(2)(b)(viii) of the Rome Statute). The crimes were allegedly committed in Ukrainian occupied territory at least from 24 February 2022. There are reasonable grounds to believe that Ms Lvova-Belova bears individual criminal responsibility for the aforementioned crimes, for having committed the acts directly, jointly with others and/or through others (article 25(3)(a) of the Rome Statute).

Pre-Trial Chamber II considered, based on the Prosecution’s applications of 22 February 2023, that there are reasonable grounds to believe that each suspect bears responsibility for the war crime of unlawful deportation of population and that of unlawful transfer of population from occupied areas of Ukraine to the Russian Federation, in prejudice of Ukrainian children.

The Chamber considered that the warrants are secret in order to protect victims and witnesses and also to safeguard the investigation. Nevertheless, mindful that the conduct addressed in the present situation is allegedly ongoing, and that the public awareness of the warrants may contribute to the prevention of the further commission of crimes, the Chamber considered that it is in the interests of justice to authorise the Registry to publicly disclose the existence of the warrants, the name of the suspects, the crimes for which the warrants are issued, and the modes of liability as established by the Chamber.

The abovementioned warrants of arrests were issued pursuant to the applications submitted by the Prosecution on 22 February 2023.

Source : site de la Cour pénale internationale, communiqué de presse du 17 mars 2023, disponible ICI