Moins connu que le glyphosate ou le chlordécone, l’arsénite de soude ou de sodium fut interdit en France au début du XXIe siècle. On lit parfois que sa dangerosité serait connue depuis 1955. Cet entrefilet d’avril 1922 montre que les risques étaient déjà connus en 1922 des scientifiques qui promurent ce pesticide comme du ministère qui l’autorisa trois mois plus tard via un décret signé par le bonhomme et populaire Henry Chéron. On appréciera le goût de miracle scientifique de la brève.
« L’arseniate de soude à faible dose augmente le rendement des cultures
L’arseniate de soude, qui est un poison violent, est susceptible de rendre en agriculture de grands services. MM Rivière et Richard viennent de dire à l’Académie des Sciences qu’à faible dose cette substance, incorporée à la terre, stérilise partiellement le sol, détruit les microbes, organismes nuisibles, et augmente dans des proportions notables les rendements de récolte de nos plantes de grande culture. Ce rendement augmente de 25 % si on ajoute à la terre 2 grammes d’arséniate de soude par mètre carré. Si la dose est double, ce rendement augmente de 35 %. Il diminue par des doses plus fortes qui deviennent alors toxiques pour les végétaux. »
« L’arseniate de soude à faible dose augmente le rendement des cultures », Le Pas-de-Calais libéré, jeudi 6 avril 1922.
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« Le ministère de l’Agriculture,
Vu le décret du 14 septembre 1916, portant règlement d’administration publique pour l’application de la loi du 19 juillet 1945, complétée par la loi du 12 juillet 1916 sur les substances vénéneuses, et notamment les articles 8, 9, 10 et 11 dudit décret ;
Vu l’arrêté du 15 septembre 1916 fixant les conditions d’emploi en agriculture des composés arsenicaux insolubles ;
Arrête :
Art. 1er – L’article 2 de l’arrêté du 15 septembre 1916 est modifié ainsi qu’il suit :
Les traitements par les composés arsenicaux, en pulvérisations et en badigeonnage, sont interdits dans les vignes, vergers et autres plantations où sont faites des cultures intercalaires, maraîchères et potagères.
Les dits traitements sont autorisés ;
- 1° vignes : de la fin des vendanges jusqu’à la fin de la floraison ;
- 2° Pommiers, poiriers, pruniers, pêchers : de l’époque qui suivra la récolte totale des fruits jusqu’à cinq semaines après la floraison ;
- 3° Cerisiers, abricotiers, amandiers : de l’époque qui suivra la récolte totale des fruits jusqu’à la fin de la floraison ;
- 4° Oliviers : du 1er juin au 1er octobre ;
- 5° Betteraves : jusqu’à un mois après le démariage ou le repiquage.
- 6° Osiers : en tout temps.
- 7°Arbres et arbustes de pépinières : en tout temps mais à la condition qu’ils ne portent aucun fruit destiné à être consommé ;
- 8° Tabac : avant la plantation ;
- 9° Pommes de terre : jusqu’à une semaine avant l’arrachage.
Art. 2 – L’arrêté du 30 décembre 1916 est rapporté.
Art. 3 – Le directeur des services sanitaires et scientifiques et de la répression des fraudes est chargé de l’exécution du présent arrêté.
Fait à Paris, le 7 juillet 1922.
Le ministre de l’Agriculture,
Henry Chéron1 »
Journal officiel de la République française. Lois et décrets, 11 juillet 1922, p. 7220.
Liens utiles
Simon Barthélémy , « Pesticides : l’arsénite de sodium, amiante de la vigne ? », Rue89, 23 avril 2015.
Philippe Larignon1, Florence Fontaine, « Comprendre le mode d’action de l’arsénite de sodium afin de proposer de nouveaux moyens de lutte », https://www.vignevin-occitanie.com/wp-content/uploads/2018/10/1-Larignon-2018-arsenite-de-soude.pdf
1 Henry Chéron (1867-1936). Avocat, maire de Lisieux. Populaire et plusieurs fois ministre. Affilié aux différentes appellations de l’Alliance démocratique (parti de centre-gauche avant la Grande guerre, déporté au centre-droit dans l’entre-deux guerres).