Bien que la Révolution de 1789 soit considérée comme une rupture, ce jugement n’est pas le seul dans lequel on prétende encore fonder une argumentation sur le droit d’Ancien régime. Ainsi, les habitants de la commune de Saint-Marcel d’Ardèche considèrent-ils que le lieu-dit des grottes de Saint-Marcel, situé sur le territoire de la commune voisine de Bidon, au cœur de la réserve naturelle des Gorges de l’Ardèche, leur appartient en vertu du don, au XIIIe siècle, d’une (assez mystérieuse) Dame Dona Vierna – ou comtesse Vierne de Balazuc -, laquelle aurait également donné le bois du Laoul à la paroisse de Bourg-Saint-Andéol…
« Les juges de Châlons-sur-Marne déclarent que Louis XIV n’a pu interdire la pêche au lancer léger
Le tribunal correctionnel de Châlons-sur-Marne vient de rendre son jugement dans une affaire qui rebondit presque jour pour jour trois cents ans après son point de départ. Le 20 mars 1651 le roi Louis XIV signait avec le duc de Bouillon, marquis de La Tour d’Auvergne, un traité par lequel les deux parties se consentaient mutuellement des échanges et des avantages […] Le duc de Bouillon recevait […] le duché-pairie de Château-Thierry avec tous les droits y afférents, et en particulier celui de pèche sur la rivière Marne entre Saint-Gibrien, près de Châlons-sur-Marne, et Château-Thierry. Depuis lors, périodiquement des procès opposent les descendants des ducs à quelque pêcheur qui ignore les traités de l’Ancien régime, mais se rappelle l’abolition des privilèges décidée par la Révolution de 1789. Cette fois un malheureux brochet pris près d’Aulnay par un pharmacien a amené le comte de Talhouet-Roy à porter plainte […] afin que fût reconnue sans ambiguïté la propriété de sa famille sur le droit de pêche dans la Marne. Après une longue procédure, où furent […] sortis des dossiers des documents historiques conservés aux Archives nationales, le tribunal a décidé que tout le monde pouvait pêcher dans la Marne à la ligne flottante aussi bien qu’au lancer léger. Dans leurs attendus, les juges déclarent que le jugement du tribunal civil de la Seine du 9 août 1822, confirmé par un arrêté de la Cour de Paris du 9 mai 1823, n’a acquis l’autorité de la chose jugée qu’en ce qui concerne la ferme de la pêche, c’est-à-dire la location de la rivière, alors que le litige qui lui était soumis portait uniquement sur le point de savoir si un particulier a le droit de pêcher ou non à la ligne flottante, ou au lancer léger qui lui est assimilé. Le tribunal a établi que déjà sous l’Ancien régime, la pèche à la ligne flottante était libre dans les rivières navigables et flottables propriétés du roi. En conséquence, le roi en cédant le duché de Château-Thierry au duc de Bouillon en 1651, n’a pas pu lui transmettre un droit qu’il n’avait pas.
Le Monde, 24 avril 1951
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