Il est fréquent de lire qu’en dehors de l’État français installé à Vichy entre 1940 et 1944, la France contemporaine n’a jamais connu de législation raciale. C’est doublement inexact. D’une part parce que l’arrêté Richepance du 28 messidor an II (17 juillet 1802 – Il ne s’agit pas encore du rétablissement de l’esclavage)  rétablissant « l’ordre » en Guadeloupe dispose que « Le titre de citoyen français ne sera porté dans l’étendue de cette colonie et dépendances que par les blancs […]». D’autre part parce qu’un texte signé de Bonaparte, premier consul de la République, interdit effectivement l’accès au territoire métropolitain sur une base explicitement raciale.

Certains se précipiteront sur ce texte pour prouver des choses au présent, souvent à grands coups d’anachronismes. D’autres, déstabilisés, tenteront vainement de développer quelque chose en argumentant autour du risque d’anachronisme ou en convoquant la nécessité de tenir compte d’un contexte qui ne retire rien des mots du texte. Ce que l’on dit en mettant ce texte en ligne est qu’il existe et fait partie de notre histoire.  C’est également en 1802 que naît à Villers-Cotterêts le petit Alexandre, fils d’un général Dumas, lui-même fils d’une esclave de Saint-Domingue …


Arrêté portant défense aux Noirs, Mulâtres et autres gens de couleur, d’entrer sans autorisation sur le territoire continental de la République

Du 13 Messidor, an X de la République une et indivisible.

Les Consuls de la république, sur le rapport du ministre de la marine et des colonies ; le conseil d’État entendu,

Arrêtent :

Art. I.er Il est défendu à tous étrangers d’amener sur le territoire continental de la République, aucun noir, mulâtre, ou autres gens de couleur, de l’un et de l’autre sexe.

II. Il est pareillement défendu à tout noir, mulâtre ou autres gens de couleur, de l’un et de l’autre sexe, qui ne seraient point au service, d’entrer à l’avenir sur le territoire continental de la République, sous quelque cause et prétexte que ce soit, à moins qu’ils ne soient munis d’une autorisation spéciale des magistrats des colonies d’où ils seraient partis, ou, s’ils ne sont pas partis des colonies, sans l’autorisation du ministre de la marine et des colonies.

III. Tous les noirs ou mulâtres qui s’introduiront, après la publication du présent arrêté, sur le territoire continental de la République, sans être munis de l’autorisation désignées à l’article précédent, seront arrêtés et détenus jusqu’à leur déportation.

IV. Le ministre de la marine et des colonies est chargé de l’exécution du présent arrêté, qui sera inséré au Bulletin des lois.

Le premier consul, signé Bonaparte. Par le premier Consul ; le secrétaire d’état, signé Hugues B. Maret. Le ministre de la marine et des Colonies, signé Decrès.