En 393, l’empereur chrétien Théodose interdit par décret la pratique des cultes païens et donc, (in)directement l’organisation des Jeux Olympiques. Mais, contrairement à une idée reçue, les jeux ne s’arrêtent pas immédiatement : concours sportifs et fêtes culturelles perdurent jusqu’au 6e siècle après J.-C. dans de nombreuses provinces de l’Empire romain pour des raisons culturelles et politiques. Tombés en désuétude, les Jeux olympiques prennent fin avec la période antique. Mais l’idéal olympique traverse malgré tout les siècles et les faits des athlètes ne sombrent pas dans l’oubli.
Leur souvenir est ravivé au cours du XVIIIème siècle avec la redécouverte de l’Antiquité et du site d’Olympie en 1776. Le retour de jeux inspirés de ceux d’Olympie émerge, bien avant Pierre de Coubertin durant la Révolution française, avec Charles-Gilbert Romme. Originaire de Riom, Romme naît dans une famille issue de la bourgeoisie et devient précepteur de Paul Stroganov, fils du comte russe Alexandre Sergueïevitch Stroganov. Adepte de Rousseau et pourvu d’une forte spiritualité, Romme se présente à la députation en 1791. Il est finalement élu député du département du Puy-de-Dôme à l’Assemblée nationale législative puis à la Convention nationale, où il siège sur la Montagne. En 1793, Romme vote en faveur de la mort de Louis XVI.
Le son Comité d’instruction publique de lui présenter dans le plus bref délai : « un rapport sur les avantages que doit procurer à la France l’accord de son ère républicaine avec l’ère vulgaire« . C’est à ce titre que lors de la séance du 20 septembre 1793, Charles-Gilbert Romme présente un projet de calendrier républicain dans lequel est intégré une olympiade française devant se tenir tous les quatre ans. La référence aux jeux grecs est clairement affichée.
Romme ne verra jamais son projet se réaliser : il se suicide en 1795 tandis que la première édition de l’Olympiade de la République se tient en 1796. Deux autres suivent en 1797 et 1798.
Extrait n°1 : l’Olympiade française envisagée
[…] IV. De l’Olympiade
C’est après quatre ans de révolution et dans l’année bissextile que la nation, renversant le trône qui l’opprimait, s’est établie en République ; ainsi la première année de notre ère commencerait une nouvelle période de quatre ans, si le placement du jour intercalaire n’avait pas été, jusqu’à présent, une imitation servile des Romains. Jules César plaça l’année bissextile comme il convint à son orgueil et sans égard pour la rigueur de la concordance astronomique. Quoique en 1792 on ait intercalé un jour en février, l’équinoxe vrai est encore en avant de vingt et une heure et demie. Si la raison veut que nous suivions la nature plutôt que de nous traîner servilement sur les traces erronées de nos prédécesseurs, nous devons fixer invariablement notre jour intercalaire au moment où la position de l’équinoxe le comportera. Après une première disposition, que la concordance avec les observations astronomiques rend nécessaire, la période sera toujours de 4 ans ; sa longueur, les jeux publics que vous instituerez, sans doute, au jour intercalaire qui la termine, la rapprocheront de l’Olympiade des Grecs ; nous vous proposons de l’appeler l’Olympiade française et la dernière année l’olympique. Au jour intercalaire, qui sera pour l’année olympique un sixième épagomène, des exercices gymniques figureront dans ce jour solennel ; les belles actions qui mériteront d’être transmises en exemple, le talent, la vertu, le courage recevront de la patrie, des récompenses dignes d’eux, dignes d’elle. […]
Archives parlementaires de la République française, Convention, séance du 20 septembre 1793, extrait page 552, disponible ICI ou ICI
Extrait n°2 : l’inscription des jeux dans le cadre d’une cérémonie républicaine
Le 1er vendémiaire, la fête anniversaire de la fondation de la république sera célébrée au champ de Mars. Une première salve d’artillerie en annoncera le commencement à trois heures. Une seconde salve annoncera l’arrivée du Soleil au ligne de la Balance. Les emblèmes de la royauté s’écrouleront et laisseront voir sur un fût de colonne, la statue de la république. Les jeux seront des courses à pied, à cheval et en char ; ils seront suivis d’exercices à cheval par le citoyen Francony. Les jeux finis, les consignes seront levées, et les spectateurs pourront se répandre dans le cirque qui sera illuminé, ainsi que l’école militaire, le tertre et les avenues qui conduisent au camps de Mars. […]
Journal de Paris, 21 septembre 1796, page 3, extrait
Extrait n° 3 : une espérance, imiter les jeux olympiques antiques (1798)
Paris, le 2 vendémiaire
Rien de plus beau, rien de plus brillant que la fête d’hier ; elle avait commencé dès la veille au soir ; car les décharges d’artillerie, le feu d’artifice tiré sur le Pont-Neuf, les masses de feu placées sur les dômes et sur les tours, avaient attiré une foule innombrable de monde sur les quais. Le concours n’était pas moins nombreux au Champ-de-Mars, le lendemain dès huit heures du matin. Les jeux ont commencé à dix ; ils ont été interrompus à midi, et ont repris dans l’après-midi.
Un malheur est arrivé dans la cour des chars ; un des conducteurs est tombé et a été grièvement blessé.
Un ballon, manœuvré sous cordes, a fait plusieurs fois le tour du Champ-de-Mars, et a mis le feu au fort qu’on avait construit au milieu.
Aux jeux de la journée ont succédé les amusements du soir. On se portait en foule pour les boutiques qui ont été faites pour recevoir les produits de l’industrie française. L’ordonnance de ce bâtiment, qui a été élevé comme parfait, et simple, mais d’un très bon goût. Une illumination également dessinée, éclairait cette enceinte.
C’était un coup d’œil charmant que celui que l’on avait en sortant du Champ-de-Mars retournant vers l’Orient. Des lumières dessinaient toute la façade de la maison des Invalides, la magnifique colonnade du garde-meuble, l’architecture du palais du conseil des anciens, celle d’un Arc de Triomphe qu’on avait élevé devant le palais du conseil des cinq-cents ; les issues de la place de la Concorde étaient garnies des deux rangs diffuses de lumière ; cette illumination se prolongeait jusqu’en haut de l’étoile de Chaillot et se terminait aux deux barrières des Champs-Élysées, dont les dômes étaient couverts de feu. Dans toutes les salles de verdure que présentent les Champs-Élysées, des milliers de lumières éclairées de nombreuses danses, qui ont duré fort avant dans la nuit.
Pendant toute la journée, des décharges d’artillerie et de mousqueterie n’ont cessé de se faire entendre dans les jardins des deux conseils, du directoire et dans les environs de Paris. À neuf heures, un très beau concert a eu lieu sur l’une des terrasses du palais du conseil des anciens ; un feu d’artifice a succédé ; il était divisé en trois parties, tiré sur les trois pavillons du palais et auxquelles n’a manqué qu’un peu plus de précision dans l’exécution, pour produire un très bel effet. Enfin, depuis la fameuse fédération de 1790, on n’avait pas vu de fête ni si brillante, ni si suivie. C’est un présage heureux de l’éclat qu’auront nos fêtes nationales, lorsque la paix nous permettra d’ajouter encore à leur beauté. On ne peut pas douter qu’alors les habitants des départements, les étrangers accourront à la célébration de nos grandes époques, comme on se rendait autrefois de tous les points de la Grèce et des pays voisins à la solennité des jeux olympiques.
Le Moniteur universel, Tridi 3 vendémiaire an 7 de la République Française (24 septembre 1798), pages 9 et 10