« Le carnaval de Rio, la nouvelle capitale Brasilia, le miracle économique (ou ce qu’il en reste) ne suffisent plus, désormais, à masquer le drame effroyable du Brésil. Cet État, hélas, n’est pas le seul dans ce cas. Mais il semble bien que ce qui lui arrive ait surpris tous ceux qui croyaient en ce pays : les étrangers amis – et ils sont nombreux – mais aussi les Brésiliens eux-mêmes. Avocats, syndicalistes, journalistes, évêques protestent contre le régime d’arrestations, de tortures, de terreur qui est imposé à la population. A la maison de détention de Sâo Paulo, il existe des cellules fortes où les prisonniers sont jetés nus, pour des mois […] A la prison de l’hippodrome de Sâo Paulo, les violences sont si fortes que les cris sont entendus des résidences voisines […] Un rapport établi en novembre 1975 explique que la torture s’applique dans le cadre d’une organisation précise. Le personnel pratiquant est spécialisé; les futurs torturés sont soumis à un examen médical préalable, renouvelé pendant la torture, pour contrôler la résistance de la victime. Celle-ci passe du purgatoire, traitement électrique avec le courant le plus faible, à l’enfer ou à la chaise du dragon. Il n’est pas possible de décrire ici les cruautés raffinées auxquelles se livrent les tortionnaires. Disons simplement que l’aspect psychologique n’est pas négligé et que, le cas échéant, on va jusqu’à torturer les époux sous les yeux du conjoint ou encore les enfants sous les yeux de leurs parents. »
François-Régis Hutin (1929-2017), Ouest-France, 28 avril 1976.