Depuis la canicule de l’été 2003 qui engendra une vague de décès parmi la population âgée, nous nous sommes habitués, à chaque épisode de chaleur extrême, aux campagnes de communication du ministère de la Santé nous rappelant les gestes de précaution et de protection à adopter envers nos Anciens.

Cette politique d’hygiène publique visant à protéger la vie des plus fragiles lors des canicules estivales n’est pourtant  pas une nouveauté et existait déjà sous la troisième République. Nous en proposons  un exemple avec le texte ci-dessous.

Cependant,  en 1916, il ne s’agissait pas de protéger les personnes très âgées qui, à cette époque, étaient peu nombreuses (espérance de vie en France en 1913 : 50 ans et demi), mais avant tout de lutter contre le  fléau de la mortalité infantile.

Ce texte est la reproduction d’une affiche placardée par la Préfecture de police de Paris à partir du mois de juin 1916. Les recommandations s’adressent avant tout aux mères de famille et aux nourrices. Les conseils prodigués visent à éviter la propagation des germes microbiens responsables des diarrhées infantiles qui sont, à cette époque, la première cause de mortalité des nourrissons. L’arme absolue dans cette bataille est, au pays de Louis Pasteur, la stérilisation des biberons.

L’année 1916, avec la bataille de Verdun puis celle de la Somme, fut la plus meurtrière de la guerre et on peut voir dans ses recommandations à préserver la vie des bébés français des préoccupations démographiques. On peut surtout y voir  la leçon tirée par les pouvoirs publics  de la canicule de 1911 et une volonté de ne pas reproduire la catastrophe sanitaire provoquée par cet été meurtrier.

 


HYGIÈNE de la PREMIÈRE ENFANCE pendant les Chaleurs

En raison des conséquences que la chaleur peut avoir sur la santé des jeunes enfants, le Préfet de Police [de Paris] rappelle les recommandations rédigées, sur sa demande. par le Service des Épidemies, institué près la Préfecture de Police, et approuvées par le Conseil d’Hygiène publique et de Salubrité du Département de la Seine.

1° On évitera, s’il est possible de sevrer les enfants pendant la période des chaleurs, l’allaitement par la mère ou par une bonne nourrice constituant le meilleur moyen de prévenir la diarrhée infantile ; à défaut de cet allaitement, on ne donnera aux nourrissons que du lait stérilisé ou immédiatement bouilli et soumis à une seconde ébullition s’il a été conservé pendant plus de six heures ;
2° Tous les objets biberons, verres ou cuillers qui auront servi à l’allaitement seront immédiatement passés dans l’eau bouillante. Il est interdit de faire usage des biberons à tube, en raison des dangers qu’ils présentent (Loi du 6 avril 1910) ;
3° On prendra les précautions nécessaires pour garantir le lait du contact des mouches ;
4° La seule boisson à donner aux enfants, en dehors du lait, est l’eau bouillie sucrée ou non ;
5° On ne donnera jamais de fruits aux jeunes enfants;

6°Le médecin devra être appelé sans délai dès qu’un enfant aura de la diarrhée, cet accident pouvant entraîner les plus graves conséquences s’il n’est pas enrayé.

Paris, le 30 mai 1916,                                   Le Préfet de Police,  E. LAURENT.

 

Note : les rédacteurs de Cliotexte précisent que la sélection de textes concernant le climat n’a pas pour but d’entretenir ou d’encourager le climatoscepticisme ni de remettre en question les conclusions alarmantes du GIEC. Les textes et documents choisis sont ici pour présenter la manière dont les contemporains perçoivent les événements météo et leurs conséquences.