Les citations qui suivent sont extraites du mémoire présenté par l’Intendant du Languedoc au Controlleur Général, sur différents objets concernant la taille réelle.
I) Les cadastres ou compoix.
Il faut distinguer en Languedoc trois sortes de cadastres. Le premier est celui de la Province qui sert à répartir les impositions sur touts les diocèses; viennent ensuite les cadastres de chaque diocèse qui servent à répartir les impositions sur touttes les communautés du diocèse, est enfin les cadastres ou compoix de chaque communauté qui servent à répartir les impositions sur touts les immeubles et droits réels qui dépendent de la communauté.
1) Le cadastre général est une fameuse recherche généralle faitte dans le 16e siècle. Cest sur cet ouvrage qu’on a formé un tarif qui est conservé avec beaucoup de soin dans le greffe des états, et qui sert de règle de proportion pour la répartition des impositions généralles de la Province sur les diocèses qui la composent. La recherche généralle na jamais été imprimée et il n’est pas même assuré que l’original ne subsiste entier. On le croit dispersé par parties dans différents dépots de la Province comme les greffes des diocèses et ceux de quelques communautés. Il pourroit y en avoir une copie dans les archives des états. Quoyquil en soit, le tarif général une fois fait, fautif ou non, a été consacré par l’usage; ensorte qu’on n’a plus recours à la recherche généralle qui ne serviroit qu’à justiffier l’exactitude du tarif. Par là, cette recherche n’est point connue mais sans savoir, on ne peut douter que pour la mettre en règle, il fallut faire un arpentement et une estimation du terroirs de toutes les communautés; par ces opérations, on connut la contenance et la valeur de chaque diocèse, et enfin la proportion qu’il falloit établir entre eux pour le payement des impositions généralles de la Province. Il faut convenir qu’un travail d’un détail aussi considérable et d’une aussi grande étendue ne pût que donner une peine infinie.
2) Le cadastre de chaque diocèse pourroit n’être qu’un extrait du cadastre ou de la recherche généralle de la Province; ce qu’il y a de certain c’est que les cadastres particuliers des diocèses sont presque aussi peu connus que le cadastre général de la Province et qu’on a pour eux le même respect. On juge de l’authorité qu’ils doivent avoir par le travail infini qu’ils ont occassionné, on jugera beaucoup mieux de ce travail, par le détail où nous allons rentrer par raport aux compoix ou cadastres des communautés.
3) Ces compoix ou cadastres renferment la contenance et l’estimation particulière de chaque pièce de terre, maisons et droits réels de la communauté qui en est l’objet. Ces compoix ou cadastres sont renouvellés toutes les fois que les anciens ne peuvent plus servir, attendû les changements trop considérables que la succession des temps a apportées dans la valeur des biens fonds. Il seroit à desirer que ces renouvellements puissent avoir lieu au moins tous les 100 ans, mais ils sont souvent portés bien plus loin à cause des grandes difficultés qui s’y opposent et des grandes dépenses qu’ils occassionnent même pour la plus petite communauté.
On n’en sera point surpris si l’on considère qu’il faut procéder à l’arpentement et estimation de tous les fonds de la communauté, qu’il n’y a point de contribuable qui n’ait droit d’en contre dire et d’en attaquer les opérations, que très peu en sont ordinairement satisfaits, parce qu’il en est peu ou qui ne s’y trouvent lésés ou qui n’y trouvent quelqu’autre contribuable favorisé, ou qui ne se flattent d’obtenir quelque faveur eux-même dans les nouvelles opérations, s’ils parviennent à faire annuller les premières. Cet inconvénient a fait que les règlements ont prescrit les plus grandes précautions pour que le renouvellement des compoix des communautés ne fut pas entrepris légèrement, et qu’il fut fait, lorsqu’il y aurait lieu, avec toutte l’attention qu’un objet si important peut mériter.
1) Il faut que la communauté délibère à ce sujet dans un conseil général c’est à dire renforcé du même nombre des plus forts contribuables qu’il y a d’opinents dans le conseil ordinaire, et qu’elle explique dans sa délibération les motifs du renouvellement du compoix.
2) Il faut que les commissaires de l’assiette du diocèse, où les commissaires ordinaires, lorsque les premiers leur ont renvoyé la demande de la communauté, consentent au renouvellement du compoix.
3) Il faut raporter au commissaire départi la délibération de la communauté et celle du diocèse, et obtenir de lui la permission de se retirer à la cour des Aydes pour être procédé de l’authorité de cette cour audict renouvellement et emprunter les sommes nécessaires.
4) L’arrêt qui intervient à la cour des Aydes prescrit les principales formalités qu’il faut observer, et commet un commissaire qui est ordianirement le juge du lieu, pour présider à toutes les opérations où sa présence peut être nécessaire, en sorte que c’est devant lui que se tiennent ensuite presque toutes les assemblées du conseil de la communauté.
5) On règle ensuite la table du compoix, c’est à dire un état dans lequel on détermine article par article de qu’elle manière les possessions seront mesurées, et l’allivrement que chaque espèce de bien fonds supportera, en divisant chaque nature de bien fonds en trois degrés, bon, moyen et foible, et en subdivisant encore chacun de ces trois degrés en trois autres degrés, lorsque cette subdivision est nécessaire.
Nota: Cet allivrement n’a aucune valeur absolue, il ne sert qu’à fixer la valeur respective des biens qui en sont l’objet, ensorte que la valeur absolue des fonds est non seulement différente dans les différentes tables et compoix des différentes communautés d’un même diocèse, mais encore que dans une même communauté, il varie chaque année dans le rolle de la taille, suivant la force des impositions qui doivent être réparties et levées sur les biens fonds de cette communauté.
6) La communauté procède ensuitte à la nomination des indicateurs des biens fonds, d’un arpenteur pour en marquer la contenance, et de prud hommes experts pour en faire l’estimation. Elle délibère aussi, après en avoir obtenu la permission du commissaire départi, de faire apposer des affiches et faire des publications pour l’adjudication de l’entreprise du nouveau compoix.
7) Le jour indiqué, elle adjuge cette entreprise audit moins disant, et s’il survient des contestations entre les concurrents, elles sont vuidées par la cour des Aydes après que la communauté a encore obtenu du commissaire départi la permission de plaider.
8) Les contestations jugées, lacommunauté se retire encore devant le commissaire départi pour qu’il luy soit permis de passer le bail et d’emprunter la somme nécessaire pour le payement de l’entrepreneur suivant les conditions de son offre.
9) On discute dans une assemblée de la communauté les cautions présentées par l’entrepreneur; si elles sont admises, le bail est passé par les commissaires qu’elle députe à cet effet, supposant que l’adjudicataire et ses cautions ne sont point présent dans l’assemblée; s’il y sont présents, le bail y est passé tout de suitte.
10) Le bail passé, et après que les indicateurs, arpenteurs et prudhommes experts ont prété le serment en tel cas requis, les uns et les autres procèdent au fait de leur commission, et les biens fonds roturiers sont ensuite allivrés relativement à l’indication arpentement et estimation qu’on en a fait, et à la table du compoix.
C’est cet allivrement qui forme principalement le nouveau compoix, qui n’est autre chose qu’un registre relier en grand papier, dans lequel les fonds de chaque contribuable sont raportés, divisés par article, avec de grandes marges pour pouvoir y faire mention des mutations qui surviennent dans les propriétés et allivrés suivant leur nature et le degré de leur valeur dont il est aussi fait mention.
Il faut observer que le compoix doit, suivant les règlements, comprendre un chapitre des biens nobles avec leur contenance, au moyen de quoy on est bien assuré qu’aucun fonds roturier n’a été obmis dans le chapitre les concernant.
Il ne seroit peut être pas moins utile d’y former un troisième chapitre des biens abbandonnés, soit pour pouvoir les connoitre à l’effet de les metre en adjudication chaque année, soit pour y trouver des éclaircissements nécessaires contre les contribuables qui en auroient pris possession par surprise, erreru ou autrement.
Enfin, la minute de l’entrepreneur est déposée devers le greffe de la communauté pendant un délai compétent, afin que tous les contribuables puissent en prendre vision et faire rectifier les erreurs qui y sont intervenues à leur préjudice. Les contestations qui s’élèvent d’après cet examen se multiplient quelques fois à l’infini, l’entrepreneur est responsable de ses opérations, et c’est la cour des Aydes qui en jugent l’exactitude et la validité; cependant les impositions continues d’être réparties sur l’ancien compoix qui est porté dans les archives de la communauté pour y demeurer déposé et enfermer lorsque le nouveau est au cas d’être exécuté sans aucune contestation, et qu’il a été authorisé par la cour des Aydes.
II) Les collecteurs d’impôts dans les communautés.
Nous pensons que la manière dont il a été pourvû au recouvrement des impositions en Languedoc est très bonne, à la considérer soit par raport à la fixation et destination des sommes à imposer, à la nomination des collecteurs, aux caisses dans lesquelles les deniers sont portés, aux droits attribués aux collecteurs et receveurs, à leurs obligations et à leurs privilèges, soit par raport aux voyes qui sont employés pour contraindre les contribuables au payement.
Il faut observer, en premier lieu que pour s’assurer de la fidélité des consuls à n’imposer que les sommes nécessaires, ils ne peuvent comprendre dans le préambule des impositions, qui est transcrit au commencement du rolle de la taille que les sommes qu’ils ont été authorisés d’imposer par MM. les commissaires du Roy aux états, et ces sommes sont de deux espèces: les unes sont fixes et regardent les dépenses ordinaire des communautés, parmi lesquelles ont comprend un article très modique pour les dépenses imprévues; les autres varient suivant les circonstances, et les consuls sont obligés après que les impositions sont recouvrées, de raporter le préambule du rolle à Messieurs les commissaires du Roy, qui examinent s’ils ont été exacts à se conformer aux règlements.
Nous avons dit qu’on comprend dans le préambule un article très modique pour les dépenses imprévues, en sorte que le montant de cet article ne peut faire face qu’aux dépenses imprévues qui sont très modiques. S’il en survient de considérables, il y est pourvu par le commissaire départi, par la voye de l’emprunt, à laquelle il permet aux consuls d’avoir recours, sauf lorsqu’il a été satisfait à l’objet de la dépense à emporter le montant en veriffication devant MM. les commissaires, et a été pourvu de leur authorité au remboursement du créancier par la voye de l’imposition.
Il faut observer en deuxième lieu qu’il y a dans chaque communauté, comme nous l’avons déjà dit, un compix ou cadastre ou recherche de touts les biens fonds et de tous les droits réels de la communauté, que les biens fonds et droits réels y sont compris sous un allivrement conforme à leur valeur respective, et que tous les ans cet allivrement sert de tarif pour cottiser les dits fonds et droit dans un rolle sous le nom de leur possesseur: c’est le rolle de la taille.
Il faut observer encore que comme le général de la province est responsable des impositions de touts les diocèses, chaque diocèse est responsable de celles de touttes les communautés qui les composent, et chaque communauté est responsable de touttes celles de touts les contribuables. Le Roy ne connoit que la province, dont le receveur général ne connoit que les receveurs diocèsains. Les offices de ceux ci, qui sont d’un grand prix, sont les premières cautions du montant des impositions du diocèse. Le receveur ne connoit que le collecteur de chaque communauté qui demeure responsable en la personne de ses consuls et de ses délibérants, de la solvabilité de son collecteur, ensorte qu’au deffaut de collecteur, des cautions qu’on exige de luy, des consuls et des délibérants qui ont admis les cautions, chaque contribuable peut être contraint pour la totalité des impositions de la communauté. La solvabilité de ces arrangements en faveur du Roy fait la tranquilité des redevables.
Enfin, ce ne sont ni le receveur général dont les Etats généraux de la province ont droit de faire choix, ni les receveurs des diocèses qui sont des officiers en titre d’office, qui demandent le plus d’attention. Soumis l’un à l’inspection des états de la province et du président de cette assemblée, les autres à celles des commissaires du diocèse et des bureaux de finances, il est d’autant moins à craindre qu’ils dissipent les deniers de leur recouvrement, que bientôt on s’en appercevroit parce que leur recouvrement se fait, pour ainsi dire, publiquement, que le premier rend chaque année aux états compte de son recouvrement et de l’état de sa caisse, et les autres rendent ce compte à la chambre des comptes de Montpellier. Mais l’état des collecteurs des communautés est si médiocre, et il demande tant de peine et de détail, qu’on ne pût prendre trop de précautions, soit pour n’en point manquer, soit pour en avoir au meilleur marché que faire se peut, soit, enfin, pour s’assurer de leur fidélité.
1) Pour n’en point manquer, les consuls de chaque communauté sont obligés par les règlements, à peine d’être tenus eux même de faire la levée des impositions comme collecteurs volontaires et sans aucune rétribution, ils sont obligés chaque année de faire publier en bonne forme, les 3 derniers dimanches du mois de février, l’adjudication du bail des impositions, et de procéder le premier dimanche du mois de mars à la nomination d’un ou de plusieurs collecteurs forcés; la délibération qui les nomme leur doit être signifiée dans la huitaine, et s’ils se prétendent exempts de la collecte, ils doivent faire statuer sur leur prétention dans tout le moy de may, et cependant remplir leurs fonctions; leurs droits de leveure sont réglés à 11 deniers pour livre.
2) L’adjudication du bail des impositions doit être faite le 15 du mois d’avril, passé lequel il est deffendu aux maire et consuls de recevoir des offres; les offres rendent la fonction des collecteurs forcés inutiles. Les collecteurs volontaires ne peuvent pas avoir un froit de leveure plus fort que de 14 deniers pour livre. L’objet des moins dittes est de se charger de la levée des impositions à un moindre prix. Ils sont engagés à faire des offres soit par le proffit qu’ils peuvent trouver dans la levée des impositions au moyen des droits de leveure, soit à cause des privilèges qui sont attachés à leur fonction, car ils sont exempts de toutte charge personnelle, même du sort de la milice, ce qui faisoit qu’on tiroit au sort dans les communautés, qu’il y en avoit beaucoup où la levée des impositions étoit faite sans aucun droit de leveures, et où même le collecteur se chargeoit de faire l’avance du premier terme, sans intérêt. Leur plus grande obligation est de faire livre net, c’est à dire qu’ils se chargent de la levée des impositions à leurs périls et risques, qu’ils en font l’avance lorsque les contribuables ne payent point, sauf à eux à les poursuivre par exécution sur leurs biens comme ils arriveront.
On voit par là que quoy qu’il arrive, le montant des impositions est toujours porté dans la caisse du receveur du diocèse, parce que le recouvrement en est fait ou par des collecteurs forcés ou par des collecteurs volontaires. Il est vray que les règlements sont moins rigoureux contre les premiers, mais aussi il est rare qu’on soit dans la nécessité d’employer leur ministère dans les communautés.
3) Enfin, pour s’assurer de la fidélité des collecteurs à ne point changer la destination des sommes imposées, leurs comptes doivent être examinés et arrettés par des commissaires auditeurs nommés par les communautés. Les abus même qui s’etoient introduits dans l’administration des communatés ont fait prendre le parti, depuis quelques années, de les faire arretter par un commissaire qui est nommé par ceux du diocèse, et qui a la plus grande attention à n’allouer aucune dépense qui ne soit bien en règle.
En troisième lieu, les impositions sont recouvrées sur les contribuables par la voye de la garnison, qui accélère beaucoup le recouvrement, et qui est employée sous les ordres du commissaire départi, afin que les collecteur n’en abusent point. Ce n’est que lorsque cette voye est absolument insuffisante que les collecteurs poursuivent les redevables par exécution sur leurs meubles et, subsidiairement, sur leurs immeubles.
III) Principes relatifs aux privilégiés.
Pour donner de ces principes une idée convenable, il est nécessaire de remarquer:
1) qu’en Languedoc, il n’y a aucune espèce de privilège pour les personnes en matière d’imposition, que les nobles et les gens d’église y sont sujets aux mêmes obligations que les roturiers;
2) que touts les immeubles y sont censés roturiers suivant les principes du droit romain qui gouvernent cette province, et suivant les ordonnances de nos Roys entièrement conformes à ces principes;
3) que quelque généralle et quelque rigoureuse que soit cette règle, comme elle souffroit une exception chés les Romains en faveur des terres données aux soldats destinés à la garde des frontières de l’Empire, de même il y a une exception fondée sur une pareille faveur pour les terres dont la féodalité, et par conséquent la nobilité, est prouvé par des titres, ou qui sont présumées féodalles et nobles par la nature de leur dépendance, en sorte qu’il n’y a que deux différentes qualités de biens immeubles, scavoir les biens ruraux et contribuables, ce qui forme la classe généralle, et les biens nobles et féodaux, ce qui forme l’exception. Nous disons que les biens ruraux forment la classe généralle des biens, et dès lors tout est favorable à la roture; dans le dout on le détermine pour elle; les biens féodaux et nobles forment l’exception, en sorte qu’ils ne sont tels que par privilège et les privilèges doivent être restraints dans les bornes les plus étroites qu’il est possible.
4) la présomption de nobilité des biens est fondée sur la présomption de leur féodalité, c’est à dire sur celle que ces biens, qui ne pouvoient anciennement qu’être possédés noblement par les Roys, Princes, anciens Ducs et Comtes, ont été par eux inféodés noblement aussi à ceux qui les possèdent ou à leurs autheurs. De là, les biens possédés par les seigneurs justiciers sont présumés nobles parce que touttes les justices sont censées émanées du Roy. Il en est de même et par la même raison, des biens possédés par les églises principalles comme cathédralles, abbatiales, les commanderies et autres fondations royalles, même les parroissialles, parce que ces biens sont censés faire partie de leur donation, et qu’elle sont censées avoir été dottées par le Roy. On observe touttes fois qu’il faut, à l’égard des seigneurs justiciers et des églises parroissialles, que les biens soient situés dans l’étendue de la justice ou de la parroisse;
5) il suit de là que la noblesse et le clergé ne jouissent d’aucune espèce de privilège à cet égard comme nous l’avons déjà dit, que l’église, dont on ne cesse point de réclamer les immunités, ne communique point aux biens qu’elle possède la faveur dont ses ministres jouissent pour les contributions purement personnelles, et que les dispositions des loix canoniques émanées des conciles et des papes concernant l’immunité des biens ecclésiastiques sont regardées comme des entreprises sur l’authorité du Roy. Ce n’est pas cependant que les biens fonds ou sont construites les églises, les séminaires, maisons presbitéralles, maisons religieuses avec leurs jardins, pourvû qu’il soit contigû aux dites maisons, n’ait paru mériter quelque distinction, la qualité de ces biens fonds demeure toujours la même, mais ils sont exempts de la taille tant et si longuement que leur sol sert à l’image qui en produit l’exemption;
6) la nobilité des biens fonds qui ne jouissent d’aucune présomption de nobilité ne peut être prouvé que de deux manières: la première par un hommage au moins qu’il soit ancien de plus de 100 ans et suivi d’un dénombrement reçû dans les formes ou d’autres biens suffisants. La deuxième par des titres qui prouvent que les fonds ont été inféodés noblement aux possesseurs par le Roy, par les seigneurs justiciers ou par quelque église principale. Il faut de plus qu’ils n’ayent pas été avilis depuis cette inféodation;
7) les biens nobles peuvent être avilis soit par un assujetissement à une redevance rurale ou a quelque droit de cens, champart ou agrier, soit par le payement de la taille epndant trente années consécutive ou interrompues. On entend par redevance ruralle touttes celles qui portent quelqu’espèce d’utilité sous quelque dénomination qu’elle soit énoncée et quelque noble que paroisse d’ailheurs l’acte ou elle est stipulée. Les biens roturiers au contraire ne peuvent être annoblis par aucune transaction. Tout abonnement et composition de tailles sont nulles de plein droit. Les biens roturiers ne peuvent devenir nobles que par leur réunion au fief et par la voye du déguerpissement, et cette voye a été soumise à tant de formalités qu’elle est pratiquée rarement avec succès, et qu’il est presque impossible qu’il intervienne de la fraude. Leur nature ne change point par l’abbandon qu’en font les propriétaires, ils demeurent toujours allivrés, ils sont toujours cottisés, et il a été prescrit à ce sujet des règles très sages pour empécher que les communautés ne demeurent chargées de la taille de ces biens, et pour leur faciliter les moyens de les adjuger aux conditions les plus avantageuses;
8) Si les règlements ont eu la plus grande attention pour mettre la roture des biens fonds à l’abri de toutes les entreprises de la part des possesseurs ou des corps qui ont le plus de crédit et d’authorité dans les communautés, ils n’en ont pas moins eu pour la conservation des privilèges des personnes ou des corps fondés en présomption de nobilité, et pour empécher que les communautés ne sengagent mal à propos dans des mauvaises contestations à ce sujet. En effet, lorsque les communautés découvrent des actes de roture d’un bien fonds dont la nobilité est établie par titres ou des cates suffisants pour faire cesser la présomption de nobilité en vertu de laquelle ce fonds est joui noblement, elles ne peuvent ni les allivrer, ni les cottiser sans en avoir obtenu la permission par un arrêt de la cours des Aydes de Montpellier, qui le rend à la vérité sans appeller le possesseur, mais sur les conclusions du procureur général; en sorte que ce n’est qu’en grande connoissance de cause que ces permissions sont accordées. Il reste encore aux possesseurs la voye de l’opposition envers ces arrêts.
La permission obtenue, les communautés font estimer les fonds qui en sont l’objet, ils les font allivrer et additionner à leur compoix, les cottisent sur le pié de cet allivrement et les impositions en sont payées par les possesseurs jusqu’à ce qu’il intervienne un arrêt contradictoire avec les communautés, qui déclare les fonds nobles, ou qui en fasse changer l’allivrement par une nouvelle estimation; mais ces impositions sont déposées pendant procès par forme de consignation entre les mains du receveur général de la Province, en sorte que l’allivrement des autres biens fonds de la même communauté subsiste sur l’ancien pié, et qu’après le jugement du procès si la communauté y succombe, elle a pour ainsi dire sous la main la somme à laquelle sont liquidées les restitutions dont elle est tenue; si, au contraire, les biens sont déclarés définitivement roturiers, elle peut disposer de cette même somme, soit pour des dépenses extraordinaires, soit pour en faire un moins imposé; en sorte que le jugement du procès, s’il est favorable à la communauté, renferme un avantage très considérable pour elle en ce qu’outre la diminution qui en résulte pour les impositions de ses contribuables, elle est mise en possession d’un argent quelque fois fort considérable, et que s’il luy est contraire, il ne peut luy causer un grand préjudice puisqu’elle n’en reçoit d’autre que celui d’une condamnation de dépens.
Il ne suffit point pour qu’une communauté puissen allivrer et cottiser des biens fonds fondés en présomption de nobilité, qu’elle raporte des actes portant donation entre vifs ou à cause de mort ou autres dispositions faittes en faveur des seigneurs et des églises sous ces expressions vagues: « je donne » ou « je legue tout ce que jay dans un tel lieu », si par la suitte des actes ou par d’autres actes joints, on ne peut pas établir que ce qui a été donné, légué, cédé ou alivré consistoit en biens fonds ou droits réels dans l’étendue de la communauté.
Lorsque les actes d’acquisition comprenent ou la désignation de la contenance ou des confronts immuables et permanents, ou le nom du tènement dans lesquels les biens sont situés, la cour des Aydes ne permet d’allivrer que les biens renfermés dans les confronts désignés, ou dans la contenance marquée, ou dans les tènements énoncés, et s’il n’y a dans les actes ni confronts immuables, ni indication de tènement, mais qu’ils raportent seulement le prix des acquisitions, les experts doivent estimer les fonds en se règlant sur le prix énoncé dans les actes, et par conséquent, ne comprendre qu’une contenance proportionnée à ce prix, et dans l’un et l’autre cas, le restant des biens fonds conserve la présomption de nobilité que perdent ceux seulement qui ont été estimés, allivrés et cottisés.
Il faut ajouter à ce que nous venons de dire sur la qualité des biens fonds et la manière de les mettre à la taille, que la matière de la nobilité des bien est toute fiscale, qu’elle appartient essentiellement au droit public, qu’elle jouit des mêmes privilèges que les matières domanialles, que la prescription et la précemption n’y ont point lieu, que comme touts les acquiescements à la nobilité donnés par les communautés lors des arrêts sont déclarés nul et de nul effet, les communautés peuvent revenir par la voye de la requête civile envers les arrêts de nobilité nonobstant tout laps de temps sur des pièces non vues par les juges lors des arrêts, que Monsieur le Procureur général à la cour des Aydes est regardé dans cette matière comme partie principalle, et qu’en cette qualité il est fondé à former une tierce opposition envers les arrêts de nobilité qui ont été rendus sans luy; qu’en un mot tout est favorable à la roture comme nous l’avons déjà observé parce qu’elle forme l’état naturel de touts les biens fonds, que tout est contraire à la nobilité parce que c’est un privilège qu’il faut restraindre le plus que l’on peut, en sorte que lorsque le titre primordial de la féodalité ne paroit pas, et que les titres qui servent à la prouver se trouvent différents entre eux pour la contenance ou étendue du terroir, cette contenance doit être règlée par l’hommage et dénombrement qui contient la moindre quantité, quand même cet hommage ne seroit pas le plus ancien.
Source : Archives Départementales de l’Hérault, côte C 4889
Auteur de la transcription : Jean-Claude TOUREILLE jctou@arisitum.org