Élisabeth-Charlotte du Palatinat, comtesse de Simmern, est une princesse allemande, née le au château de Heidelberg et décédée le au château de Saint-Cloud. Fille de l’électeur palatin Charles Ier Louis (1617-1680), comte palatin du Rhin et de la princesse Charlotte de Hesse-Cassel (1627-1686), elle est surnommée » Liselotte » ou « la Palatine » par sa famille. Elle reçoit une éducation humaniste (Montaigne et Rabelais font partie de ses lectures) et elle est élevée dans la religion protestante.
Mariée en novembre 1671 à Monsieur, Philippe d’Orléans, frère cadet de Louis XIV, Elisabeth se convertit par obligation au catholicisme, et devient ainsi la duchesse d’Orléans. Elle s’installe à la Cour, qu’elle ne tarde pas à détester pour son hypocrisie et ses intrigues, et en devient une observatrice à la fois attentive et acerbe.
Sa correspondance abondante (près de 90 000 lettres au moins rédigées en français et en allemand !) est une source première pour connaître la vie à la Cour. Les courriers de la Palatine « sans filtre » restent encore largement méconnus. Dans la lettre ici proposée, elle s’adresse à sa fille Élisabeth Charlotte de Lorraine et évoque l’un de ses souvenirs d’enfance lié à la période de Noël et au Christkindle.
À la duchesse Élisabeth Charlotte de Lorraine
à Versailles, ce mardi 11 décembre 1708, à sept heure un quart
[…] Il ne gelait pas encore le jour que nous sommes venus ici ; la gelée ne faisait que commencer.
Vraiment, je sais bien ce que c’est que Saint-Nicolas par toute l’Allemagne, et on a souvent fait ma leçon par-là, mais je ne sais si vous avez un autre jeu qu’on fait encore en Allemagne, qu’on appelle le Christkindle, comme qui dirait l’enfant Christ, on dresse des tables comme des hôtels et qu’on garnit pour chaque enfant de toutes sortes de choses, habits neufs, argenterie, argent, soie, des poupées, sucreries et toutes sortes de choses. On met sur ces tables des arbres de buis et à chaque branche on attache une petite bougie ; cela fait le plus joli effet du monde. J’aimerais à le voir encore alors que je vous parle !
Je me souviens qu’à Hanovre la dernière fois qu’on me fit venir le Christkindle, on a fait venir des écoliers qui jouent proprement une comédie. Première vient l’étoile, puis le diable et les anges, ensuite le Christ avec Saint-Pierre et d’autres apôtres. Le diable accusait enfin il y une grande liste de leurs fautes. Le Christ sur cela dit qu’il était venu pour leur faire des présents, mais puisqu’ils sont si méchants, qui ne veut plus demeurer avec. L’ange et Saint-Pierre prient pour eux et promettent qu’ils feront mieux. Là-dessus, le Christ leur pardonne et Saint-Pierre et l’ange [les] mènent où sont ces tables ajustées. Quand il y en a cinq ou six, il n’y a rien de si jolis, car tout est renoué avec des nonpareilles de toutes sortes de couleurs et d’argent, et lorsque Saint-Pierre me prenait la main, et qui était un jeune écolier avec une fausse barbe, je m’aperçus qu’il avait la gale, et cela me fit dominer la fourberie. Dès qu’on connaît ce que c’est en a plus rien. Il est certain que je m’en divertirais encore…[…]
Commentaires :
- L’écriture a été modernisée,
- Ce n’est pas la première fois qu’elle se laisse aller à ses souvenirs d’enfance ; dans une lettre datée du 28 janvier 1682, elle évoque également cette tradition du Christkindle, signe de son attachement personnel aux traditions allemandes qui lui manquent.
- Ici, la princesse Palatine révèle un style littéraire différent. Loin des cancans de la Cour et de ses analyses et considérations politiques classiques, elle livre ici un souvenir familial (elle avait alors 10 ans) au moment où sa fille vient d’accoucher d’un fils, Franz Stephen de Lorraine, futur père de Marie-Antoinette.
Bibliographie indicative :
- DEGUIN (Yohann), « Les lettres de Madame Palatine. Formes, enjeux et réinventions d’un réseau épistolaire », in WEERDT-PILORGE (Marie-Paule de), STEFANOVSKA (Malina) (dir.), Récits de vie et pratiques de sociabilité. 1680-1850, p. 47-59
- Madame Palatine Lettres françaises, présentées et annotées par Dirk Van Der Cruysse, Paris, Fayard, 1989, 825 pages (ouvrage épuisé)