Animal star par excellence, adulé autant par les auteurs que par le grand public, le chat fut tour à tour dans l’Histoire sanctifié et rejeté. Probablement domestiqué par l’homme (à moins que cela ne soit l’inverse…) durant le Néolithique, le chat devint le protecteur du foyer et des récoltes. Durant l’Antiquité, il est incarné par la déesse égyptienne à tête de chat Bastet.

L’avènement du Christianisme en Europe change la donne et, rupture oblige avec le polythéisme et ses valeurs, d’animal respecté le chat devient le compagnon des sorcières et du Diable ! Ce dernier, selon certaines légendes, le craindrait même à l’occasion… La littérature du Moyen-Âge et de l’époque moderne est riche en anecdotes et légendes autour de ce Pilou dont la robe noire demeure l’incarnation de ses supposés maléfices les plus sombres. Cette vision négative de l’animal justifie au cours de la période des rituels au cours desquels des chats sont tués en place publique jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, comme à Metz, ainsi que le montrent ces deux extraits complémentaires.


 

Extrait n°1 : le chat, ce larron destiné au bûcher

Ce premier extrait provient de l’ouvrage de Jean Gay [1837-1883], libraire et bibliophile prolifique installé à Bruxelles auteur de plusieurs ouvrages et compilations. Son éditeur, Jules Gay [1807- 1887] fut à la fois éditeur et théoricien du socialisme.

Le renversement des autels du chat paraît être du 4ème siècle de l’ère chrétienne.

Aujourd’hui encore le chat est très honoré en Orient et particulièrement en Egypte.

Le Musée du Louvre, à Paris, ainsi que plusieurs riches collections de l’Europe, possèdent des momies et statuettes des dieux-chats égyptiens.

Les Arabes adoraient un chat d’or. (Plin., lib. 6, cap. 29, de Fele, sive carlo animali)

Le diable (Lucifer) est la figure de la lumière. Eve perdit le séjour du paradis terrestre, pour s’être laissé tenter à mordre au fruit de l’arbre de la science du bien et du mal. Le chat n’est-il pas, après Ève, l’animal le plus sujet à la malédiction divine ? Il est curieux, cherche à se rendre compte de tout ; aussi ne faut-il pas s’étonner qu’il ait été considéré comme figure de l’hérésie.

Un prédicateur du XIV » siècle compare le chat aux hérétiques. Saint-Dominique, ce grand convertisseur, qui brûlait tout ce qu’il ne convertissait pas, avait coutume de représenter à son auditoire le démon sous la forme d’un chat. Vincent de Beauvais, son disciple et son historien, rapporte ce fait.

On brûlait des chats à la place de Grève, au feu de la Saint-Jean, dans un sac ou muid. Il est parlé de cet usage cruel dans le libelle violent dirigé contre Henri 111, le Martyre de Jacques Clément (Paris, 1589, p, 34); une lettre de l’abbé Lebeuf (Journal de Verdun, août 1751), relative au feu de la Saint-Jean, donne des détails sur cette coutume, à laquelle il est aussi fait allusion dans un opuscule fort rare : le Miroir de contentement (Paris, 1619, in-12, p. 4) :

Un chat, qui d’une course brève,
Monta au feu Saint-Jean en Grève;
Mais le feu ne l’épargnant pas
Le fit sauter du haut en bas.

Il se passe à Metz, tous les ans, une cérémonie qui est bien à la honte de l’esprit : les magistrats viennent gravement sur la place publique exposer des chats dans une cage, placée au-dessus d’un bûcher, auquel on met le feu avec un grand appareil; et le peuple, aux cris affreux que font ces pauvres bêtes, croit faire souffrir encore une vieille sorcière qu’on prétend s’être autrefois métamorphosée en chat, lorsqu’on alloit la brûler. (Moncrif, les Chats, lettre 9.)

L’Almanach des Songes. Paris, 1864, article Chat « Larron subtil, trahison de proche parent. —Rêver que l’on se bat contre un chat, signifie qu’on arrêtera un voleur.  Manger du chat, signifie qu’on aura les dépouilles du voleur par qui on a été dépouillé. — Être égratigné par un chat, signifie maladie et affliction. — Furieux et sautant sur quelqu’un : Attaque de voleurs, etc., etc. »

Jean Gay, Les Chats, extraits de pièces rares et curieuses en vers et en prose, Paris, Jules Gay éditeur, 1866 extraits pages 213-215

Extrait n°2 : l’origine du sacrifice des chats à Metz jusqu’à la Révolution française

En 1344, dit une légende, une épidémie de chorée sévissait dans le Pays Messin. Les habitants ne trouvant aucun remède efficace pour arrêter les progrès incessants du mal, une vive inquiétude mêlée d’effroi accapara les esprits. A quelle cause attribuer ce fléau grimaçant ? Or, il advint qu’un vertueux chevalier, de passage à Metz, aperçut, à peine couché, vers minuit, une énorme bête assise dans l’âtre de sa chambre d’hôtel. Un pâle rayon de lune éclairait ce gros chat, dont les regards étincelants semblaient fixés sur l’hôte de la maison.

D’un bond, le chevalier saute hors du lit, il prend son épée, fait le signe de la croix et veut se jeter sur l’animal étrange. Mais, déjà le chat s’est enfui en proférant d’horribles blasphèmes. Nul doute, cette vision était le diable. Le lendemain, les Messins constatèrent la disparition soudaine de la danse de Saint-Guy. Ce fait miraculeux décida le peuple de Metz à rappeler l’événement aux futures générations. Les échevins décrétèrent que, dorénavant, on brûlerait, chaque année, la veille de la Saint-Jean, treize chats enfermés dans une cage. (Voir: Jean-St.).

De nos jours, le chat noir est considéré comme un porte-bonheur, et la jeune fille qui aime les chats, peut être assurée de trouver un beau mari. Mais, nos aimables mères-grands nous ont légué d’autres croyances plus étranges. Suivant leurs dires, les vieux chats noirs aiment la société des sorcières et vont au sabbat. Un chat qui évite de passer devant une croix est certainement un sorcier ou une sorcière métamorphosés. Pour empêcher les jeunes chats de suivre ce vilain exemple, il faut leur couper le bout de la queue. Un chat noir que l’on jette dans le feu, arrête l’incendie. Tout ménage qui possède un chat dont la robe est tachée de trois couleurs différentes (le rouge ne doit pas manquer), est préservé de l’incendie et les personnes sont garanties de la fièvre. Fait-on la rencontre d’un chat noir d’apparence douteuse, il faut lui « montrer les cornes»; si ce chat est une sorcière métamorphosée, elle ne pourra vous jeter un mauvais sort. On ne laissera jamais un chat noir approcher une femme en couches. Un enfant qui avale un poil de chat peut devenir phtisique; en tout cas, cet enfant sera sujet aux troubles de croissance. Par contre, la chair du chat noir guérit la consomption et le haut-mal (épilepsie). La graisse de chat « réchauffe le sang », mais quiconque s’en frotte les tempes, tombe dans un sommeil léthargique durant 24 heures. Quelques gouttes de sang de la queue d’un chat noir bues dans un peu d’eau coupent une fluxion de poitrine débutante. Pour augmenter la quantité du beurre, il suffit de graisser la baratte avec de la graisse de chat noir.

Raphaël de Westphalen  Petit Dictionnaire des traditions populaires messines, Metz, Impr. du journal « le Lorrain », 1934 extrait pages 83-84

 

Supplément pop culture : Batman returns, réalisé par Tim Burton, 1992

avec Mickael Keaton (Batman), Danny de Vito (le Pingouin) et Michelle Pfeiffer (Catwoman)

Catwoman alias Selina Kyle est un personnage de fiction de l’Univers DC. Créée par Bill Finger et Bob Kane, Catwoman apparaît pour la première fois en 1940 dans le n°1 comic book Batman. Si au départ cette anti-héroïne ne porte qu’un masque de chat avec une robe, son costume évolue peu à peu.

La version jouée par l’actrice Eartha Kitt [1927-2008] dans la série Batman en 1966

 

En 1992, Tim Burton et Michelle Pfeiffer révolutionnent sa représentation. Catwoman incarne cette fois le chat noir dans toute sa splendeur maléfique et indépendante, vêtue d’une tenue noire en latex, dotée d’un fouet et de griffes acérées, inspirée des milieux fétichistes. L’évolution du personnage rejoint aussi ce passage du Mal au Bien que le chat noir a connu au cours du XIXème siècle.