Claude Haton, né vers 1534 à Meltz-sur-Seine d’un père laboureur, est ordonné prêtre en 1555. Après avoir exercé à Provins, il termine sa vie en tant que curé du Mériot (actuel département de l’Aube) et décède en 1605. Vraisemblablement proche de la famille de Guise et catholique réputé intransigeant, le prêtre Claude Haton est connu pour ses Mémoires rédigées entre 1553 et 1582 et publiées pour la première fois sous le Second Empire par Félix Bourquelot. Depuis, les mémoires de Claude Haton ont fait l’objet d’une réédition en 4 tomes, dirigée par Laurent Bourquin aux éditions du CTHS entre 2001 et 2007.

Les mémoires de Claude Haton sont une source précieuse pour qui veut étudier l’époque des guerres de religion en France. Leur auteur  rend compte de ses dernières et évoque également de nombreux faits de  la société de son temps (faits divers, rumeurs, diffusion du protestantisme, réactions des populations aux événements, aléas climatiques…).

L’extrait ci-dessous renvoie à l’année 1561, à la veille des guerres de religion. En tant que prêtre attaché à la religion catholique, Claude Haton laisse libre cours à sa haine des Huguenots accusés d’être pèle mêle « meurtrier, voleur, larron, sacrilège, paillard, adultère voleur d’églises et de temples, briseur d’images ». Animé d’une sainte colère contre la religion protestante dont il considère chaque innovation religieuse comme autant d’hérésie,  il nous offre involontairement  un assez beau résumé des divergences théologiques qui opposent Catholiques et Réformés et, par voie de conséquence, nous donne une définition de la religion protestante qui n’est pas dénuée d’intérêt.

Outre la diffusion rapide de la Réforme protestante dans certaines régions du royaume, il est nécessaire de replacer ce texte dans le contexte politique du moment. La politique de conciliation avec les protestants, menée par la régente Catherine de Médicis au nom du roi mineur Charles IX (âgé de 11 ans en 1561) et par le chancelier Michel de l’Hospital, peine à apaiser les tensions entre les deux camps. Pour le prêtre catholique  Claude Haton, il est probable que cette politique soit considérée comme un encouragement donné aux hérétiques et que  les catholiques en soient les principales victimes, comme le suggère la fin de l’extrait.

À la veille de la première guerre civile de 1562, les passions religieuses sont donc  chauffées à blanc et la violence des mots précède, comme de coutume, la violence des armes …

 

Note : l’orthographe du texte a été modernisée pour en faciliter la lecture.


[…]

Or était-il fort facile d’être huguenot en ce temps-là et n’étaient les fondements de leur prétendue religion malaisés à apprendre. Il ne fallait qu’être meurtrier, voleur, larron, sacrilège, paillard, adultère voleur d’églises et de temples, briseur d’images, médire du pape, des cardinaux, évêques, prêtres et ecclésiastiques, meurtrier de telles gens haïr et médire de la messe et du Saint Sacrement de l’autel, et dire que c’était Jehan le Blanc et de le bailler à manger aux bêtes et chiens; graisser ses bottes et souliers du chrême et saintes huiles, faire son ordure fécale dans l’eau bénite des eaubenoistiers et des fonts, manger chair les vendredis, samedis, carême et jours des jeûnes, dire qu’il n’est point de purgatoire en l’autre vie, blâmer les pèlerinages, dire qu’il ne faut prier la Vierge Marie ni les saints ni dire heures ni matines, ni autre office divin, sinon les psaumes de David traduits en vulgaire et rime française par Marot et Theodore de Bèze, et dire qu’il ne faut faire nulle bonne œuvre pour avoir la vie éternelle en paradis ains  (= mais) que c’est assez de croire en Dieu et en Jésus-Christ, lequel, par sa mort et passion, a tout fait pour nous en ce monde avant que d’en partir.
Voilà ce que faisaient les Français débauchés de la religion catholique pour être et se mettre de la prétendue huguenotique, pour être bien venus entre les princes, seigneurs, gentilshommes et juges de justice qui étaient de cette faction.

Au contraire, aux catholiques de l’église apostolique et romaine était voulu tout mal, dite toute injure, faite toute oppression par meurtres, batures, saccagements, larcins, emprisonnements, fers et liens rigoureux, mépris de leur personne et de leur religion, sans être ouï en justice en la défense de leur cause, […]

 

Mémoires de Claude Haton, contenant le récit des événements accomplis de  1553 à 1582, principalement dans la Champagne et la Brie